CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
11/20
LINE UP
-Felix Stass
(chant)
-Matthias Hechler
(guitare+chant)
-Harald Heine
(basse)
-Katrin Jüllich
(claviers)
-Markus Jüllich
(batterie)
TRACKLIST
1)Infinity
2)Sense of Time
3)Out of Mind
4)Black Celebration
5)Never Look Back
6)Broken Halo
7)Where Are You Now
8)A Story About...
9)No One Knows
10)Auf Der Flucht
DISCOGRAPHIE
Chroniquer cet album de Crematory, c’est un peu pour votre serviteur comme de revoir un vieil ami que l’on n’a pas eu l’occasion de rencontrer depuis treize ans… en effet, depuis leur Live…At The Out Of The Dark Festival en 1997, je n’avais rien entendu de ce que les Allemands avaient sorti ensuite. Ces retrouvailles, à l’occasion de la sortie de leur onzième album Infinity, m’ont donc permis de vérifier cet adage sur l’immobilisme qui semble caractériser les groupes allemands, et leur fameuse devise « moins ça change, moins on risque de se planter ». En tous cas, après bientôt vingt ans de carrière, la question de savoir si le groupe a encore des choses à dire se pose légitimement.
La première chose qui frappe l’hibernatus qui, comme moi, a raté tout un pan de l’histoire de Crematory, c’est l’équilibre apporté par le guitariste chanteur Matthias Hechler (embauché en 1999) et son chant clair qui fait part égale avec le growl toujours aussi guttural de Felix Stass. Du coup, cela contribue à renforcer le côté gothique que le groupe a développé au fur et à mesure de sa carrière, délaissant vite le death/doom pour intégrer des éléments de musique électronique dans ses compositions. Résultat, le Crematory du XXIe siècle fait tantôt penser à du Rammstein (en moins martial) ou encore à du Deathstars : Crematory a certes évolué avec le temps, mais n’a jamais changé son orientation, fidèle aux fières valeurs de l’immobilisme musical allemand. Comment donc juger Crematory en 2010 et ce Infinity tout frais qui nous montre que les Allemands, outre une propension à ne pas trop changer les choses, possèdent une sacrée longévité ?
Infinity montre un certain nombre de facettes différentes, certaines plutôt élégantes et d’autres vaguement surannées. Parfois presque traditionnellement death-metal ("Where Are You Now" ou "A Story About" et "Infinity", vaguement Samaelien…), parfois totalement metal/electro ("No One Knows", "Never Look Back", ou encore "Out of Mind" et leurs rythmes binaires) et parfois encore délibérément gothique (la reprise de Depeche Mode "Black Celebration" ou la jolie ballade "Broken Halo"), Crematory brouille les pistes en changeant de direction d’un titre à l’autre, voire parfois au sein d’un même titre. Ainsi, "Infinity" propose un refrain chanté (comme souvent sur cet album) qui tranche radicalement avec l’énergie apportée durant les couplets. "Where Are You Now" propose un autre genre de contraste, avec cette fois un refrain très typé Paradise Lost entouré de couplets death metal au tempo rapide…Bref, on constate rapidement qu’au fur et à mesure de l’écoute, on en vient souvent à se dire « oh mais tiens, ça me rappelle [insert band name here]»…
Voilà soulevé le principal défaut de Infinity, qui s’il est indubitablement un album de Crematory, rassemble en son sein trop d’influences et de ressemblances pour être vraiment original – honnête diront certains. Pourtant, le growl de Stass est toujours aussi reconnaissable et charismatique, profond et rocailleux comme il se doit. De même les touches de claviers, toujours aussi présentes que par le passé sans être envahissantes, gardent cette identité, coincées entre grandiloquence et dark/electro (comme sur le très sombre et réussi "No One Knows", malgré – là encore – une forte réminiscence de Pain…). Malheureusement, la voix chantée de Matthias Hechler ne possède que peu de présence et se contente de s’appliquer de façon trop systématique sur les refrains sans apporter autre chose qu’un timbre différent du growl de Stass. Crematory cède de plus un peu trop facilement aux recettes éprouvées, comme le piano d’ouverture de "Auf Der Flucht", trop classique et déjà vu, amenant un refrain archi-prévisible que l’on ne retrouve que trop chez les groupes de metal/gothique de seconde zone. Dommage de finir là-dessus.
Infinity n’est pas un mauvais album : sa production parfaitement maitrisée lui donne dans ses meilleurs moments une puissance et une efficacité certaine. Mais il lui manque une identité plus marquée, ce qui est regrettable de la part d’un groupe affichant bientôt vingt ans de carrière. Fleuron du metal gothique allemand, il y a gros à parier que cet album n’ébranlera pas le socle du groupe, que ça soit pour le porter aux nues ou pour le plonger dans les tréfonds de l’anonymat. On espère que d’ici leur fin de carrière, Crematory sera en mesure de nous faire vibrer une dernière fois…