CHRONIQUE PAR ...
Flower King
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13/20
LINE UP
-Frank Bornemann
(chant+guitare)
-Klaus-Peter Matziol
(basse)
-Michael Gerlach
(claviers)
-Hannes Folberth
(claviers)
-Bodo Schopf
(batterie)
+
-Anke Renner
(chœurs)
-Tina Lux
(chœurs)
-Christof Littmann
(claviers)
-Stephan Emig
(percussions)
TRACKLIST
1)The Refuge
2)The Secret
3)Age of Insanity
4)The Challenge (Time to Turn, Part 2)
5)Summernight Symphony
6)Mystery (The Secret, Part 2)
7)Thoughts
DISCOGRAPHIE
Il y a des groupes comme ça… on en connaît l’existence depuis cinq, dix ans, on retrouve leur nom ici et là dans les discussions qui portent sur vos genres de prédilection ; et pourtant, on n’a jamais été pris d’une envie folle de les écouter pour enfin être au parfum. Par paresse… par sens des priorités, aussi. Et puis un jour, la Providence vous force la main, et on se rend compte que ça en valait quand même la peine. Un peu.
Avec V.I.S.I.O.N.A.R.Y, Eloy peut présenter sa candidature au Panthéon des Increvables. Quarante ans d’existence dans les sphères progressives, et un statut de second couteau dont ils ne sont jamais départis ; ce n’est pas maintenant qu’ils vont chercher à s’en défaire. Malgré sa thématique humanisto-écolo-altermondialiste appuyée, on sent que Frank Bornemann et ses acolytes n’ont pas cherché à pondre un grand-œuvre, ou le couronnement d’une carrière. Pas de concept ultra-chiadé, pas d’escapades dépassant les dix minutes, pas de disque rempli à ras-bord de solos et autres narrations ; le groupe s’est concentré sur l’écriture de chansons, bâties sur un même moule, puisque bon nombre d’entre elles présentent un groove solide, un refrain plutôt accrocheur, des textes ineptes et la voix particulière de Bornemann.
Au registre des bons points, donc, il y a cette prédominance des tempos lents qui échappe à la monotonie, ceci grâce à de sacrées bonnes lignes de basse. Clé de voûte de toutes les compositions, bien en avant dans le mix, la 4-cordes d’Eloy nous berce par sa rondeur et ravit par sa (relative) économie de moyens, au service des atmosphères gentiment planantes qu’elle veut mettre en œuvre. Ça fonctionne parfaitement sur les relents floydiens de "The Secret", ça nous remue la tête en cadence sur "The Challenge", et ça nous transporte sur la longue route de "Mystery", belle réussite psychédélique. Et quand elle ne joue pas au premier plan, elle sert malgré tout à habiller des refrains avec classe ("Summernight Symphony", bien fichue). Un sacré bonhomme, ce Klaus-Peter Matziol ; on comprend que Bornemann l’ait gardé à ses côtés depuis 1976.
Mais bien qu’il sache s’entourer pour le meilleur, le leader reste à la tête des paroles et du chant… et là, ça va moins bien. C’est toujours plus difficile d’écrire de bons textes dans une langue qui n’est pas maternelle, bien sûr ; mais à 60 piges et après 40 ans de carrière, on est en droit de s’attendre à mieux que des Max-Cavalerismes à la « Addulterating reality / Emanating stupidity / Values in decay / Visions fade away » ou des tentatives poétiques d’une lourdeur scolaire (« A silver shimmering moonlit sky»… aïe). Son timbre nasillard et fort limité n’aide pas à faire passer la pilule : dans le meilleur des cas, il sonne comme un Liam Gallagher enroué ("Mystery") ce qui donne un résultat plutôt sympa, mais dans ses pires moments, sa voix gonflée à l’hélium parvient à foutre un refrain en l’air ("Age of Insanity"). D’où l’excellente utilisation, pour habiller ces derniers, de chœurs féminins sur certains titres, ce qui fait pencher la balance du bon côté.
Pas visionnaire pour un sou, mais quand même bien agréable, le 18ème album d’Eloy est une mignonnette planante qui remplit sa mission d’évasion à moindres frais, sans turbulences ni rentrées dans l’hyperespace. Prenez juste garde au canard qui sert de commandant de bord : les anatidaephobes n’y survivront pas.