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CHRONIQUE PAR ...

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Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 15/20

LINE UP

-Geraud de Verenhe
(chant)

-Charles d'Ocres
(guitare+basse)

-Gilles de la Carnade
(batterie)

TRACKLIST

1)Le bûcher des vanités
2)Par la Croix et la Bannière
3)Litanie du misanthrope
4)Des Martyrs...Allégorie de la Foi
5)Te Deum
6)Éxtasis
7)Flagellum Dei
8)Conquistadores
9)Habemus Papam

DISCOGRAPHIE

Ecclesia (2009)

Borgia - Ecclesia



Borgia, c’est pour «Blasphemi Obsignati Resignaculo Germaninferorum In Aeternum». Pas la peine d’avoir fait des années de latin pour deviner le propos du groupe : l’occulte et le religieux – les deux facettes de la spiritualité. Mais Borgia est aussi sans doute une référence à Lucrèce Borgia, une Italienne ayant vécu au XVIe siècle et dont le mythe en fait une empoisonneuse et une incestueuse, nous amenant sur l’autre terrain de prédilection de Borgia : la décadence et l’histoire… Programme chargé pour un album qui à sa manière ne l’est pas moins.

Car Borgia, groupe parisien ayant déjà acquis une certaine réputation sur scène et par leur deux premières démos, ne recule devant rien pour se mettre au service de son concept et de sa thématique. Visuellement, déjà, lorsque l’on voit les photos promos du groupe où il flotte un je-ne-sais-quoi de très médiéval, mais aussi les textes et les thèmes faisant directement référence aux martyrs, à la papauté et à toutes ces joyeusetés issues des siècles passés. Le tout souvent servi par une voix théâtrale déclamant en français de lourdes paroles - évidemment, tout cela rappellera aux connaisseurs un autre groupe français : Misanthrope. Et force est de constater que Borgia et Misanthrope partagent plusieurs caractéristiques, tant sur le fond (la thématique générale) que sur la forme (certaines ambiances, et quelques facettes du chant).

Pourtant, Borgia va beaucoup plus loin. Pas vraiment dans l’extrême, mais le jusqu’au-boutisme de la démarche pourra soit prêter à sourire, soit se prendre comme un gage de qualité. Car musicalement, Borgia se veut très complexe, touffu et technique, les cinquante-trois généreuses minutes de Ecclesia étant sous le signe de la dissonance et du riff tordu. Les guitares sont rarement à l’unisson, la saturation est puissante et tout cela exhale des relents de black metal : c’est la partie la plus extrême et la plus sombre du combo. La batterie fait bien son office, même si les amateurs de violence en seront à ce niveau là pour leur frais : le blast est rare, et quand il se fait jour ("Extasis"), il n’est jamais supersonique et ne s’éternise pas. Borgia préfère en effet développer des ambiances toujours un peu sur le même thème : des rythmes presque lancinants par moments, jamais réguliers et à l’image des guitares : imprévisibles et touffus.

Et c’est par-dessus ce chaos maitrisé que la voix se pose, tantôt emphatique, tantôt enragée et encore tantôt mystérieuse, Geraud De Verenhe utilisant toutes les possibilités de son organe dans une optique générale encore une fois assez proche d’un S.A.S de l’Argilière mais en plus varié, avec un usage immodéré du latin et une théâtralité qui en rebutera sans doute plus d’un. Car Ecclesia est un album difficile et long à digérer. Les titres s’étirent dans le temps, n’en finissent plus de changer et de se métamorphoser, brouillant avec un sadisme étudié les repères de l’auditeur qui risque, nauséeux, de se détourner de cet album qui ne se laisse pas apprivoiser. Pourtant, l’univers et la réalisation du groupe sont d’une facture presque irréprochable, mais – sans pour autant parler d’album élitiste – Ecclesia n’est certainement pas à la portée du premier fan de metal venu. Sans grande surprise, Borgia a également des connexions avec feu-Anorexia Nervosa, Ecclesia ayant été mixé au Drudenhaus Studio par Neb Xort.


Ecclesia demande donc un certain investissement – et il n’est pas question ici que de finance. Et même avec le temps, Borgia reste un groupe à consommer avec modération : il vaut mieux s’en envoyer un titre ou deux de temps en temps que de se passer l’album en boucle tant celui-ci ne livrera ses clefs qu’à l’auditeur un peu patient. Assurément, un groupe qui cite en influences Viollet-le-Duc, Tomas de Torquemada ou encore Gilles de Rais et les Cathares, ça éveille la curiosité.


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