Aujourd’hui, on va parler du Drone. Le DROOOOOOOOOOOOOOONNNE, comme dirait Michel Galabru si les Ch’tis étaient remplacés par les Ch’tarbés. Branchez vos guitares sous-accordées sur des amplis basses, la distorsion bien évidemment à fond, plaquez un accord toutes les 30 secondes (le temps pour le batteur de frapper deux toms), variez trois accords pendant une demi-heure et voilà ! Ha ha, c’est formidable de faire la première chro de drone sur le site, je peux recourir sans honte à tous les clichés et passer pour un génie comique.
On pourrait séparer le drone en trois approches complémentaires : l’approche astrale, qui prône le voyage vers Aldebaran et les confins des réalités cosmiques ; l’approche terrestre, qui t’enfonce sous une montagne de roches pour mieux sentir le magma te brûler ; et l’approche occulte où l’inconfort et la tension, préludes à la rencontre du Malin, sont de mise. Et pour Switchblade, c’est clairement cette dernière qui prime. Eux qui ne s’encombrent pas de nom d’album ou de piste, ne sont pas là pour vous faciliter la tâche. Ils vous ont convié à une séance de spiritisme particulière, et n’allez pas penser que le fait qu’ils vous ligotent présentement sur votre chaise soit pour empêcher un départ précipité. Vous ne partirez pas, de toute manière. Une fois que vous entrez dans la spirale, vous ne songez pas à en sortir avant un bon moment, croyez-moi.
La séance commence, et n’espérez pas d’introduction ou de schéma explicatif ; vos hôtes n’ont plus besoin de ça. Pas besoin d’une minute qu’ils vous semblent déjà ailleurs, le regard vitreux. Le maître de maison, qui vous fait face, s’est mis à psalmodier diverses incantations, des hurlements qui vous sifflent aux oreilles, à mi-chemin entre un Nazgûl et le fourchelang d’Harry Potter. Sensation étrange d’ailleurs, de constater que son chant semble provenir de l’autre bout de la pièce, alors que vous n’êtes séparés que de quelques dizaines de centimètres. Le malaise vous gagne, d’autant plus que lorsque les esprits se manifestent – et c’est plus souvent que vous ne pourriez le penser – ce n’est pas par une légère frappe sur la table, non ; c’est par un bon coup de butoir qui la fait trembler, vaciller, à tel point que vous l’imagineriez s’écrouler à plusieurs reprises. Mais non, elle tient bon.
Elle tient si bon, d’ailleurs, que vous commencez à trouver le temps long. Après avoir été pris à la gorge pendant une demi-heure, vous comprenez que la cérémonie ne montera pas plus en intensité. Les psalmodies ne changeront pas, les esprits ne redoubleront pas de violence, ne s’ensuivra ni statisme absolu ni chaos incontrôlable, ne restera que cette semi-torpeur agitée de soubresauts épars, encore. Et encore. Et encore. Mais finalement, trop longtemps pour vous laisser frustré, pantelant, au cœur de la spirale ; et pas assez pour vous engourdir définitivement dans sa monotonie, jusqu’à perdre conscience du temps. Non, comble de malheur, ce chapitre final de la séance vous laisse quelque peu tiédi, sans particulière envie d’y retourner, alors que ses deux premiers mouvements vous laissaient miroiter la promesse du grand voyage. Au moins, ils vous déligotent une fois cela fini, ils ne sont pas si chèvres.
Pour ceux qui voudraient y voir plus clair techniquement quant au style pratiqué, reprenez le paragraphe d’intro ; malgré le ton humoristique, ce n’est pas loin d’être très vrai. Tout comme ce disque n’était pas loin d’être très bon. Mais la troisième piste ne fait que prolonger nonchalamment le trip des deux premières, sans excès, sans débordement. Dommage de casser un si beau cauchemar…