TOP ! Je suis un groupe allemand fondé en 1967 par Edgar Froese, connaissance de Salvador Dali. Je suis considéré comme l’un des premiers groupes (sinon le premier) ayant incorporé la musique électronique dans le rock. D’abord associé à la scène Krautrock, je forge mon propre style, plus ambient, basé sur l’utilisation de loops et séquences synthétiques. J’inspire des artistes comme Jean-Michel Jarre avant de sombrer dans une musique insipide et totalement dépourvue d’atmosphère ; je suis, je suis...
Bon, inutile de poursuivre cette intro foireuse, vous aurez tous reconnu Tangerine Dream car, ô surprise, c’est bien de Tangerine Dream qu’il s’agit ! Et en l’occurrence, de leur première œuvre, qui porte le doux nom de Electronic Meditation. Sauf que... ici, il n’y a rien de réellement électronique. Mais, et les synthétiseurs ? Ah, ça, c’est pour l’album suivant, dans un an... encore, ici, vous avez un orgue électrique, mais voilà, c’est tout... et « Meditation », alors ? Oh oui ! Tout à fait ! Si ça c’est de la méditation, je m’en vais composer un concerto pour marteau-piqueur, c’est parfait pour la relaxation. Soyons clairs : il s’agit là de l’album le plus bruyant et le plus imprévisible de la carrière du groupe (je dis ceci en étant LOIN de connaître toute leur carrière, mais bon, je me doute qu’ils n’ont plus jamais refait ça). « Electronic Meditation », comme titre, ça pourrait résumer sommairement l’ensemble de la discographie de Tangerine Dream, mais dans le cas présent, c’est complètement à côté de la plaque.
A quoi s’attendre alors ? C’est bien simple : à un gros bordel. Une jam-session hallucinée, une semi-cacophonie jouée en dépit du bon sens. En vrac : nous avons Edgar Froese qui a parfaitement compris qu’une guitare, ça pouvait faire beaucoup de bruit ; un Klaus Schulze qui cogne (et plutôt bien, en effet) ses toms comme un possédé ; Conrad Schnitzler qui nous fait des gros bourdonnements avec son violoncelle, quand il n’imite pas John Cale au violon ; rajoutons une flûte et quelques orgues qui, eux, disposent d’un traitement plus classique. Tout ce beau monde se retrouve dans un beau studio désaffecté ; les bandes tournent, c’est parti pour le gros délire. Evidemment, la fine équipe est persuadée que ces bandes ne sortiront jamais. C’est oublier qu’on est en 1970... et qu’en cette merveilleuse époque, le « n’importe quoi » est de rigueur.
Et ainsi, le patron du label tout récent Ohr entend le résultat... et il est émerveillé. Paf, le groupe est signé, reste à trouver un concept fumeux pour expliquer le pourquoi du comment de ces impros, et ça vaut le coup d’œil : la naissance de la conscience humaine, à travers son cerveau, puis sa destruction dûe à l’accumulation des connaissances, pour finir par sa résurrection. Concept très humble, donc. Mais ils auraient pu inventer une histoire de pingouin mutant découvrant les affres du LSD puis rejoignant le royaume des fleurs que c’aurait été pareil. Bref, oublions cette histoire et intéressons-nous à la musique.
Car, contre toute attente, elle a ses bons moments. Et la première moitié tout particulièrement. Déjà le premier titre, "Genesis", certainement le plus « étrange » du disque. En tout cas le plus expérimental, et le plus inquiétant. Dès le départ, un drôle de climat s’installe... divers effets, un violon fantôme... et hop : gros bourdonnement de violoncelle. Ca s’emballe légèrement, et les percus arrivent n’importe comment, le violon et la flûte deviennent cinglés, et le rythme finit par s’installer, pesant, étouffant, appuyé par des basses grondantes (bon, ce n’est pas une basse, mais c’est histoire de pas répéter violoncelle, eh oh !).
Et on enchaîne directement sur la deuxième escapade, beaucoup plus « déchirée »... plus psychée... plus classique. Mais inspirée, surtout dans ces moments où l’orgue et les glissando dissonants de Froese se conjuguent pour nous faire halluciner... et toujours ces petits bruitages histoire de joyeusement corrompre les mélodies (quand il y a mélodie...). Et revoilà Schulze qui cogne comme un cinglé, et puis du solo de guitare... et c’est là que le bat blesse. Parce que ces soli, malgré tout, restent bien trop génériques. D’accord, c’est joué de façon allumée, ça part souvent en free-style... mais c’est souvent la même chose. Et comme on y a droit sur trois titres (sur cinq), au bout d’un moment, c’est gonflant. Enfin bon...
Le troisième titre, "Cold Smoke", commence doucement, très doucement... trop doucement, c’est trop rassurant, il faut bien qu’il se passe quelq... BAM ! Explosion soudaine. J’ai beau faire, je sursaute à chaque fois ! Et pour ceux qui n’en auraient pas assez, ils nous refont le coup une minute plus loin... mais après ça, on retombe dans les solos génériques d’orgue-guitare pas très passionnants (mais peut-être un peu plus bousillés que d’habitude, ce qui est toujours bon à prendre) "Ashes To Ashes", c’est le morceau blues-psyché chiant par excellence. Ca passe sans qu’on y fasse attention. "Resurrection", monologue d’une minute accompagné par un thème pastoral à souhait, avant de reprendre l’intro de "Genesis" comme pour boucler la boucle. Et voilà, trente-cinq minutes de passées, un peu court, mais suffisant.
Au final ? Un album loin d’être parfait, mais qui contient des passages d’autant plus excellents qu’ils sont bien souvent le fruit du hasard (calculé ?), propre à toute jam défoncée. Et dans ce style, Electronic Meditation remplit son contrat. Et le problème est là. C’est que... ce que nous a fait Tangerine Dream, des groupes comme Pink Floyd et Soft Machine l’ont déjà fait... et l’ont fait mieux qu’eux. En encore plus dingue. Et paradoxalement, en plus maîtrisé. Et ce n’est pas en s’inspirant des oeuvres des sus-nommés (les solos d’orgue, à la limite du pompage de A Saucerful Of Secrets) que nos amis teutons vont sortir de cet écueil. Il va falloir songer à VRAIMENT se lancer dans l’électronique...