CHRONIQUE PAR ...
Kroboy
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
11/20
LINE UP
-Michael Grant
(chant)
-Daniel DeLucie
(guitare)
-Melanie Sisneros
(basse)
-Craig Anderson
(batterie)
TRACKLIST
1)Under Cover of Shadows
2)The Grand Horizon
3)Tides of Fire
4)10 000 Midnights Ago
5)Temple of the Empty
6)My Anger
7)The Bellman
8)The Endurance
9)Lifespan
DISCOGRAPHIE
Pour un jeune label, le problème est un peu le même que pour un club de foot de milieu de tableau : quand on n'a pas les moyens ni la renommée suffisante pour attirer de grands noms, il faut être malin et avoir le nez creux pour attirer de jeunes loups prêts à exploser. Un peu comme le Stade Rennais qui, il y a une dizaine d'années déjà, était allé chercher en Suisse un attaquant originaire du Burundi nommé Shabani Nonda, qui fit les beaux jours du Stade de la Route de Lorient pendant deux années.
Qu'on se rassure, la jeune structure italienne Cruz Del Sur n'a pas eu besoin de parcourir des contrées aussi exotiques pour signer Crescent Shield, puisque le quatuor nous vient de Californie. Des origines relativement classiques pour un groupe de metal, de même que le style pratiqué par Crescent Shield : point de post-machin à tendance bidule, juste du heavy metal, avec un côté épique bien prononcé comme souvent avec les groupes US (Manilla Road par exemple). Ce qui frappe rapidement, c'est le côté extrêmement soigné de l'album : on est loin de l'école allemande qui va balancer la purée sans fioritures, ici tout est à la fois riche et fignolé dans les moindres détails. Le guitariste Daniel DeLucie multiplie les pistes (l'excellent break de "Tides of Fire"), les mélodies vocales s'entremêlent ("10 000 Midnights Ago", "Temple of the Empty)… On imagine que tout ce travail ne va pas être facile à reproduire en live ! En tout cas, une seule écoute est loin de suffire, il faut un certain temps avant de pouvoir commencer à apprivoiser The Stars Of Never Seen.
Déjà, il faut surmonter un premier obstacle extrêmement difficile : se faire à la voix et surtout au style très particulier de Michael Grant. Ultra-théâtral, celui-ci verse très rapidement dans le pompeux : n'est pas Messiah Marcolin qui veut ! À titre personnel, il m'aura fallu un certain nombre d'écoutes avant de pouvoir supporter (à défaut d'apprécier réellement) son chant, et certaines intros quasi a cappella ("Tides of Fire") me font encore hérisser le poil… Le chanteur se trouve au carrefour de plusieurs influences : un peu de Geoff Tate pour le timbre, un peu de Bruce Dickinson pour la diction tantôt hachée et dynamique ("Temple of the Empty"), tantôt narrative ("10 000 Midnights Ago"), un peu de Matt Barlow dans certaines intonations ("The Grand Horizon"), un peu de Lars F. Larsen (Manticora) pour le côté un peu précieux dans la voix… Un cocktail assez unique au final, mais qui souffre de certaines approximations : un style trop boursouflé donc, mais aussi quelques montées dans les aigus pas toujours bien placées. Autant de défauts vraiment gênants à la longue.
Musicalement par contre, ça assure, avec notamment une basse très présente à la Steve Harris (pas étonnant vu que Melanie Sisneros a fait partie de plusieurs tribute-bands à Maiden). On retrouve les mêmes influences que dans le chant de Michael Grant : pas mal de Queensrÿche ("Temple of the Empty") et de Maiden récent, plus posé ("10 000 Midnights Ago"), un peu de Iced Earth (le très bon "The Grand Horizon"), parfois un mélange de tout ça ("Tides of Fire"), sans oublier un excellent titre dans la veine de Mercyful Fate ("Under Cover of Shadows", le meilleur titre de l'album). Malheureusement, cette belle série s'arrête nette en plein milieu avec "My Anger", un titre bourrin, sans imagination et aux lignes vocales à pleurer, qui marque une vraie rupture dont l'album ne se relèvera pas. Le guilleret "The Bellman" est ridicule, "The Endurance" est un pavé indigeste de 10 minutes sans grande cohérence dans les enchaînements, et "Lifespan" est un mauvais hommage à Maiden époque Piece Of Mind. Incroyable contraste entre une première partie de très bonne facture et une fin carrément en eau de boudin !
Non, Crescent Shield n'est pas le Shabani Nonda du heavy metal. Ce groupe fait surtout penser à l'épisode Nilmar à l'OL : des débuts fracassants, puis une lente et inexorable descente qualitative pour finir à un niveau assez indigne. À tel point que je ne peux que m'étonner de certaines réactions dithyrambiques, notamment un 10/10 dans Rock Hard Allemagne. Dommage car une fois encore, le début de l'album fourmille d'idées plus intéressantes les unes que les autres. Allez, on bosse un peu la régularité, et ça devrait être bon la prochaine fois.