CHRONIQUE PAR ...
Sebrouxx
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Jennifer Batten
(guitares+programmation)
-Sandin Wilson
(basse)
-Andre Berry
(basse)
TRACKLIST
1)Ass Whoopin’
2)Ricochet
3)Off the Deep End
4)Whatever
5)Fearless
6)In the Aftermath
7)Run With It
8)Hooligan's Holiday
9)Cupid's Arrow
10)Inner Journey
DISCOGRAPHIE
Dernière partie des tribulations solo de Jennifer Batten, Whatever sort dans les bacs alors que la texane en a fini de courir pour Michael Jackson et surtout Jeff Beck, qui lui doit une fière chandelle. Elle a en aussi fini avec son aventure avec Tribal Rage, formation avec laquelle elle avait enregistré son second effort (l’excellent Momentum). Faut-il pour autant craindre, cette fois, une réelle incursion dans le pur shred guitar ou simplement s’attendre à un retour aux sources ?
Un peu des deux, en fait. Mais l’honneur de Jenn’ est sauf tant elle met un point d’honneur à, primo, conserver un univers somme toute personnel, et secundo à surtout maîtriser la chaîne de fabrication de Whatever de bout en bout. Un peu trop même puisque la guitariste a quasiment tout enregistré seule, se dispensant de payer le cachet à de quelconques requins de studio. D’où le crédit suivant : Jennifer Batten : guitares et programmation. Certes elle n’est pas la première à jouer le jeu du « All By Myself », mais dès la première écoute, il en ressort une impression de froideur électro palpable piste après piste. Soit une sonorité générale à l’opposé de celles offertes sur ses deux premiers albums. Le premier se distinguait en effet par une bouillante ambiance heavy, quand le deuxième exploitait les couleurs chaudes de bons nombres de « musiques du monde » en sus du timbre guitare rock distinguable entre mille. Pourquoi ce choix de la femme-orchestre et cette direction artistique? Sûrement pas pour se démarquer de son passé en tout cas, puisque côté gratte (axe majeur de Whatever, ne l’oublions pas), les hautes sphères sont toujours atteintes. Seul l’enrobage a changé et Jennifer a dû s’abreuver de musiques électroniques jusqu’à plus soif pour en arriver à ce résultat-là.
Maintenant, et sans doute aucun sur l’intégrité artistique de Madame, rappelons-nous son apport dans l’œuvre récente de Jeff Beck avec lequel elle partagé quand même près de huit années de vie (musicale) commune. Bon nombres d’emprunts à la mouvance électro parsemaient les opus What Else!, le Grammy Award Winner Jeff et surtout You Had it Coming. Pour ce dernier, Jennifer avait composé le titre opener “Earthquake” et les arrangements drum'n'bass de la reprise du “Nadia” de Nitin Sawhney. Sur Whatever, le fait est qu’elle restée dans cette logique sonore , faite de batterie numérique, de basses accentuées et de petits sons « che-lou » introduits par-ci par-là. “Inner Journey” (titre original de L’Aventure Intérieure, vous savez le film avec Meg Ryan et Dennis Quaid qui se retrouve aux commandes d’un sous-marin miniaturisé, propulsé dans le corps d'un employé de supermarché) est exemplaire. Flatulences, bruits gastriques, éructations et autres délires appréciés du corps médical (ou des mômes encore au stade sadique-anal) sont au rendez-vous. Ajoutez-leur le boum-boum raffiné des amateurs de tuning, et un groove de guitare travaillé au vibrato Floyd Rose… Un certain Frank Zappa aurait apprécié la chose à sa juste valeur.
L’ombre du Maître et de ses expérimentations en tout genre plane tout au long de Whatever. “Ass Whoopin’” dont les samples vocaux rappellent les laïus zappaïens en plein milieu de morceaux types “Broken Hearts Are for Assholes”, “Call Any Vegetable” ou encore “Dancing Fool”. Et quand Zappa n’est pas loin, pour Miss Batten, Steve Vai rode aussi dans les parages. Elle partage d’ailleurs avec ce dernier un amour incommensurable pour l’utilisation maximale d’effets, dont la fameuse Whammy qu’elle use et abuse avec maestria (NDLA : ce qui était une marque de fabrique sur ses œuvres passées, et pas une découverte récente, cela se devait d’être souligné. Tom Morello n’a pas inventé la Whammy, hein. Mais il l’a popularisée). “Hooligan's Holiday” et “Cupid's Arrow” sont symboliques d’un jeu maîtrisé, mêlant diaboliquement phrasés fusion, riffs rock distordus, vibrato à la Jeff Beck et explorations d’extrême tapping. Certes, ce ne sera pas du goût de tout le monde et nécessitera plusieurs écoutes attentives. Il ne faut pourtant y voir aucunement une certaine forme d’élitisme. Juste la respiration d’une femme qui s’est fait connaître en rejouant sur scène le solo de “Beat it” pour Michael Jackson et qui s’est naturellement tournée vers ses penchants naturels une fois le grand cirque fini.
Jusqu’à peu personne ne savait si Jennifer comptait et allait remettre le couvert pour assurer la cinquantaine de shows londoniens planifiés par Bambi. Désormais, la question ne se pose même plus. Gageons que la guitariste fasse le deuil de celui qui l’a propulsé, reprenne les chemins des studios (chez elle) et revienne rapidement sur le devant de la scène. Et ce quelle que soit la musique qu’elle aura à proposer.