On nous avait promis avec cet album un retour aux sources, aux sons torturés des débuts. Le moins que l’on puise dire c’est que l’on nous a trahi et que le résultat est bien loin d’un Antichrist Superstar. À des années-lumière même. Sur une autre planète. À se demander s’il n’y a pas eu un problème quelque part… une erreur… un stagiaire vacances pour se planter et mettre les mauvais titres sur le cd avant d’envoyer le tout au pressage. Parce que The High End Of Low n’est rien d’autre que le plus mauvais album de Manson, et de loin. Un disque que les fans se doivent d’oublier, jusqu’au nom, et faire comme s’il n’avait jamais existé.
Après une écoute de The High End Of Low, on se dit qu’en fin de compte The Golden Age Of Grotesque n’étais pas si mal après tout. On avait cru à l’époque que Manson avait touché le fond, qu’il avait commencé à creuser sa tombe et que ce n’était plus qu’une question de temps avant qu’il ne disparaisse de la scène métal/indus. Mais Eat Me, Drink Me était venu nous contredire : Manson avait abandonné l’indus torturé, évolué vers un rock plus brut et vers des compositions et des textes plus personnels où il se livrait au public au sujet de ses déboires amoureux et de sa vie sentimentale. Mais là où sur Eat Me, Drink Me on avait trouvé en Manson une personne touchante, un homme en fin de compte timide et triste, sur The High End Of Low ce même Manson commence à sérieusement nous les broyer avec ses histoires de cœur et de peines amoureuses. On aimerait bien retrouver le côté dérangeant et les textes réfléchis, dénonciateurs et bourrés de symbolisme, de l’époque de sa Sainte Trilogie, constituée des trois chefs-d’œuvre que sont Antichrist Superstar, Mechanical Animals et Holywood. Ici, les textes sont pour la plupart d’une nullité sans nom, tournant essentiellement autour de sa rupture avec l’actrice Evan Rachel Wood et des problèmes existentiels qu’il a avec les femmes en général. Dita Von Teese… Evan Rachel Wood… Il faudrait sérieusement songer à lui rappeler qu’il n’est pas obligé d’écrire un album sur chacune de ses ruptures.
Manson nous avait promis un nouveau Antichrist Superstar et, il est vrai, semblait avoir tout fait pour. Pour ce nouvel album, il a rappelé en toute logique Sean Beavan, ingénieur du son / producteur avec qui il avait travaillé pour Antichrist Superstar, Mechanical Animals et Eat Me, Drink Me, ainsi que son ancien guitariste Twiggy Ramirez. Le résultat est au final très loin de l’ambiance torturée et sombre d’un Antichrist Supersar, et bien moins inspiré. The High End Of Low n’a absolument rien d’indus, officiant dans la brèche rock ouverte par Eat Me, Drink Me mais, contrairement à ce dernier, sans rien avoir à nous proposer de nouveau et d’ambitieux. The High End Of Low souffre de deux défauts majeurs : le premier est de proposer une majorité de titres beaucoup trop longs et inutilement répétitifs, le second est l’accumulation d’autocitations dans les chansons, certaines d’entre elles n’étant qu’une pâle copie sans personnalité de leurs grandes sœurs. Le tout manque d’une certaine cohésion, d’une unité. The High End Of Low n’est qu’une suite de titres, sans réel lien entre chacun d’entre eux, sans même une continuité tangible dans les ambiances. Même The Golden Age Of Grotesque en était doté, avec son style « Allemagne des années 30 ». Bref, trêve de généralités : il est grand temps de disséquer la bête pour connaître précisément les causes de l’infection.
L’album débute sur les légers accords de "Devour", accords aussi fragiles que le chant de Manson est mélancolique. Les couplets, très bons, semblent être un mariage intéressant de Eat Me, Drink Me et de Mechanical Animals. Mais voilà, le refrain, et en particulier les paroles (« And I’ll love you, if you let me ») chantées d’une voix plaintive, ainsi que la partie plus rythmée et la fin brutale de la chanson, commencent déjà à sentir fort le pâté. Cette sensation est de suite confirmée avec le deuxième titre, "Pretty as a $", tout en distorsion et en chant saturé, qui s’ouvre par une série de « Yeah, Oh Yeah » peu heureux dont on se serait bien passé. Deuxième titre raté donc, mais qui, rétrospectivement, n’est pas si mal lorsque l’on sait ce qui nous attend par la suite. Cependant, à présent le tube incontestable de l’album débute : "Leave a Scar". Du pur Eat Me, Drink Me ici, avec des parties de guitare impeccables et efficaces, et un chant excellent. On retrouve le Manson des grands jours, et ce titre nous redonne une bouffée d’espoir. Cependant, on commence à s’apercevoir, sans que cela ne gêne pour l’instant, que les titres sont inutilement tirés en longueur, avec des répétitions injustifiées pour rallonger artificiellement la chanson sur la fin. Arrive "Four Rusted Hour" qui, à la première écoute, nous trouble énormément. Un mot frappe notre esprit : country ! "Four Rusted Hour" est sans conteste la chanson la plus country du répertoire de Manson, avec sa partie rythmique et ses arpèges tout droit sortis du Texas. Très bonne chanson également, qui nous fait immédiatement penser à "Man That You Fear" de Antichrist Superstar, avec son rythme lourd et hypnotique et son ambiance de funérailles.
Après la succession de "Four Rusted Hour" et "Leave a Scar", qui figurent parmi les quelques bonnes chansons de l’album, voilà que le premier single de l’album pointe son nez : "Arma-Goddamn-Motherfuckin-Geddon". Notre enthousiasme retombe de suite. Ce titre, comme son nom semble l’indiquer, aurait très bien pu figurer au sein de The Golden Age Of Grotesque tant il ressemble à un pâle "mObscene", avec des paroles absolument nazes (« First you try to fuck it / Then you try to eat it », super…) à la place du célèbre refrain directement "ctrl+c/ctrl+v"-é à partir de celui de "Be Agressive" de Faith No More. Le sixième titre de l’album, "Blank and White", passe sans que l’on y prête vraiment attention. Une chanson pas mauvaise, mais qui fait plus office de bouche-trou qu’autre chose, avec cependant une fin horripilante qui s’étire à outrance et qui essaie désespérément de nous rappeler Antichrist Superstar. Mais quand surviennent les premiers accords de "Running to the Edge of the World", on se raidit soudainement, les mains moites, s’attendant à voir surgir la voix d’Avril Lavigne chantant "Knockin’ on Heaven’s Door". Nous voilà arriver au point de non-retour de l’album : la première ballade, avec des violons en accompagnement ! Pas des violons torturés et dissonants, non non, des violons mélodiques comme on en entend dans les séries américains pour adolescents ! Une première pour Manson… Sans parler de ce refrain qui aurait pu être financé par le label Frontiers tant il semble sorti tout droit d’une power-ballade composée par un énième groupe de rock mélodique pour nénettes.
La traversée du désert ne fait que commencer hélas, et avec les 9 minutes de "I Want to Kill You Like They Do in the Movies" nous savons que tout espoir est mort d'avoir sous les mains un bon album. La longueur de cette chanson est un non-sens total. Le premier tiers aurait largement suffit à constituer une chanson à part entière, qui en plus aurait été bonne ! Au lieu de cela, on est en présence d'un titre qui est difficile à s'enfiler d'une traite tellement celui-ci est répétitif. Personnellement, je n’arrive pas à tenir jusqu'au bout et je passe à la suivante aux alentours de la 6e minute… Dommage, car l’instrumentation et le chant sont loin d’être mauvais. Puis, alors que l’on croit avoir touché le fond, "Wow", chanson la plus ratée de l’album que je qualifierai de daube finie (en pesant attentivement mes mots) arrive avec ses arrangements électro absolument nuls, son chant irritant sur les couplets et ses paroles pathétiques. Franchement, les mecs devaient être complètement bourrés quand ils l’ont enregistré et mixé, je ne vois pas d’autres explications. Pour les courageux qui auront continué l’écoute, "Wight Spider" viendra les récompenser. Il était plus que temps d'avoir enfin une bonne chanson. Les riffs sont excellents, le chant efficace, et on se retrouve soudainement en pleine ambiance Eat Me, Drink Me. Une bouffée d’air frais. Un oasis dans le désert de nullité que l’on est entrain de traverser, pour pouvoir reprendre des forces avant d’affronter "Unkillable Monster". Seconde ballade de l’album, elle est du même niveau que "Running to the Edge of the World", c'est-à-dire une sorte d’hymne pour adolescente gothique.
"Were From America" aurait pu être très efficace, avec une montée en puissance bien sentie, si seulement le chant n’avait pas été si répétitif. Pas une mauvaise chanson en soi, qui a l’avantage de nous réveiller après "Unkillable Monster", mais qui reste trop lisse et avec trop peu de puissance sous la capot, alors qu’elle semble avoir la stupide ambition de concurrencer les tubes de Holywood tels que "Death Song" ou encore "Burning Flag". Même constat pour le titre suivant, "I Have to Look Up Just to See Hell" qui, à part son irritant cri d’introduction, s’en sort légèrement mieux et est plus efficace, en plus d’être assez courte ce qui n’est pas un mal. Mais, que voilà ? Du piano en guise d’introduction pour "Into the Fire" ? Egalement une première à ma connaissance pour Manson : une chanson avec une mélodie au piano très marquée, et des nappes de claviers pour embellir le tout. "Into the Fire" est donc la troisième et dernière power-ballade de l’album et est, à ma surprise, très réussie, nous offrant d’ailleurs le seul solo de guitare de l’album. "Into the Fire" est touchante, belle et mélodique, avec un final à tomber. Puis la chanson de clôture arrive : "15", et avec elle de superbes breaks atmosphériques et aériens. On en oublierait presque le long passage à vide que l’on vient de traverser au milieu de l'album. Ces deux chansons finales nous font reprendre foi : Manson est encore capable de nous surprendre agréablement. Il ne nous reste plus qu'à espérer que ces deux derniers titres soient un bon présage pour les futurs albums.
Après cette longue chronique que je finis d’écrire alors qu’il est 5h du matin (j’ai des frissons, je monte le son), il est temps de faire le point. Hélas, les bonnes chansons se comptent tout juste sur les doigts d’une main : "Leave a Scar", "Four Rusted Horses", "Wight Spider", "Into the Fire" et "15". On reste cependant loin des tubes de la sainte trilogie de Manson tout de même. Tous les autres titres valent à peine le coup d’être écoutés. L’ensemble est beaucoup trop long, beaucoup trop répétitif, et manque d’inventivité, que ce soit dans la musique ou dans les textes, en général ridicules. Manson aurait du savoir qu’il ne suffit hélas pas de reprendre à la sauce rock les éléments qui ont fait le succès de ses opus précédents pour créer un bon album. The High End Of Low est donc une profonde déception, surtout que Eat Me, Drink Me nous avait fait entrapercevoir un potentiel formidable. Espérons que le passage à vide ne soit que passager.