CHRONIQUE PAR ...
[MäelströM]
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
14/20
LINE UP
-Deborah “Skin” Dyer
(chant)
-Martin “Ace” Kent
(guitare)
-Richard “Cass” Lewis
(basse)
-Robbie France
(batterie)
TRACKLIST
1)Selling Jesus
2)Intellectualize My Blackness
3)I Can Dream
4)Little Baby Swastikkka
5)All in the Name of Pity
6)Charity
7)It Takes Blood & Guts to Be This Cool But I'm Still Just a Cliche
8)Weak
9)And Here I Stand
10)100 Ways to Be a Good Girl
11)Rise Up
DISCOGRAPHIE
An de grâce 1995, qui sait alors ce qu’est (et va devenir) le neo-metal ? Pas grand monde, le neo-metal lui-même ne sachant pas qu’il se développ(er)ait si vite. Il lui faudra l’influence de toute la jeune scène pour voir arriver Skunk Anansie, Deftones, System of a Down, Guano Apes & co. – tous formés sur les mêmes impulsions entre ’90 et ’95. La formule frappe l’époque par une capacité à allier à la fois des influences pop avec l’énergie du heavy-metal, et tout ce que les groupes voudront mettre dedans. Et accessoirement, placera en tête d’affiche une des premières dames du style.
Il serait faux de dire que ce disque fut déterminant dans l’épopée du neo – preuve en est, Skunk Anansie est aujord’hui très sous-estimé, les références faites y sont minimes. Et pourtant… A première écoute, “Selling Jesus” ne donne pas vraiment la frousse. Tout en étant une correcte piste d’entrée, la section rythmique en rajoute des tonnes et l’introduction semble dire «Ok notre chanson est nulle mais on joue comme des bêtes.» La suite de l’album s’annonce bien plus intéressante. Clairement revendicatrice, Skin met toutes ses tripes pour hurler ses convictions socio-politiques (“Intellectualize My Blackness”) sur une musique (et une démarche) que beaucoup rapprocheront de Rage Against the Machine. Sans avoir ses riffs coriaces, Skunk Anansie va développer un concentré plus funky, notamment grâce à son formidable duo basse/batterie ; où les mid-tempo (ce terme…) tiendront une place de choix.
En se replongeant sur le disque dans les années 2000, on ne peut que constater à quel point le groupe anglais était en avance sur son temps. Notamment grâce à des morceaux aux structures aussi mouvantes qu’étranges ! “Little Baby Swastikkka” (qui préfigure “On My Hotel TV”), premier single extrait de Paranoid & Sunburnt projette une sauce groovy à souhait sur une ligne de chant héritée de l’ère psychédélique pendant qu’ “It Takes Blood & Guts to Be this Cool but I’m Still Just a Cliche” emporte des bribes de cauchemars au LSD jusqu’à un refrain terminal jouissif. Le groupe semble décider à créer un nouveau clivage dans la musique metal, et avec l’aide du mouvement de l’époque, il va enfanter de ce style encore à la mode aujourd’hui en basant ses influences sur des rythmiques drum’n’bass du plus bel effet.
Skunk Anansie a toujours eu le chic pour poser sur ses albums quelques morceaux imparables qui obligent même le péquin moyen à remuer son corps sur la vibe flottante produite par Cass et Robbie France (qui sera dès cet album remplacé l’énorme Mark Richardson). Impossible de ne pas battre du cou en cadence sur “I Can Dream”, improbable de ne pas se mettre à faire de l’air-drum sur son bureau quand passe “Weak”. Enregistré un peu vite pourtant, des morceaux punchy comme “Here I Stand” peinent à séduire – la fin du disque approche et il se peut qu’on ressente comme une pointe de lassitude, surtout face à cette interminable piste de plus de cinq minutes… Fort heureusement, l’erreur est rare et la réussite unanime que vont engendrer Stoosh et Post Orgasmic Chill fera oublier les erreurs de cet opus (n’oublions pas qu’au moment d’enregistrer ce disque, le groupe ne se connaît que depuis un an). Au moins, le groupe pose ce qu’il saura être prétexte à effervescence une fois sur scène.
Pas encore assez recherchées, pas tout à fait finalisées, trop peu arrangées, les semi-ballades sonnent infantiles, trop légères, et même assez décevantes sur la longueur. Si “In the Name of Pity” sait se montrer séduisante par l’alternance de passages calmes et plus saccadés, “Charity” est par contre très FM et ne mérite absolument pas ses 04’30’’. Le syndrome mid-tempo (aïe) sera tardivement sauvé par une divine association guitares/chant pour “100 Ways to Be a Good Girl” (qui préfigure “Good Things Don’t Always Come to You”). Morceau parmi les préférés des fans de Skin, la chanteuse quitte son rôle de dame de fer pour 04’ de beauté candide où, à force d’excès, la jeune femme n’a que quelques notes pour contaminer l’auditeur de sa propre déception. Tout n’est pas de si haut vol mais malgré ce côté brouillon et encore peu d’inspiration créative, Skunk Anansie a délimité son style et s’affirme déjà comme un groupe influent. Des morceaux comme “Little Baby Swastikkka” suffisent pour découvrir d’où vient cette manière si caractéristique de chanter qu’ont Serj Tankian ou Sandra Nasic.
L’album, pourtant, porte déjà le défaut qui suivra le groupe jusqu’à sa fin : une chanteuse et un bassiste énormes. Tellement bons qu’on les croirait incapables de s’arrêter une minute, de donner un peu de demi-mesure (même dans leurs ballades les plus sensibles). Il en résulte une musique toujours vive, en érection perpétuelle, avec des musiciens tendus comme des grues qui ne semblent attendre qu’une chose : le moment de balancer la purée. Cela peut sembler un avantage pour du neo-metal mais cela coûte lorsque l’on essaye d’écrire une ballade dépouillée mais qu’on ne peut s’empêcher de slaper et de grogner à tire-larigot…
Si certains morceaux tiennent peu sur la longueur, Paranoid & Sunburnt est encore intéressant à écouter aujourd’hui, ne serait-ce que pour sa dimension historique. Le groupe a du enregistrer une partie du disque en urgence et saura rattraper ses quelques erreurs pour les deux albums à venir, qui eux marqueront une trace indélébile dans le paysage rock-metal international.