Saliva? C’est un nom qu’on a tendance à oublier lorsqu’on cite les références actuelles du Christian Rock, alors que ce groupe est pourtant l’un des fers de lance du mouvement – plus discrets toutefois que les inénarrables POD. Saliva prêche moins, flirte également un peu moins avec le Néo, tout en proposant des textes moins naïfs que ceux de POD. Passé l’aspect religieux des personnages, il convient de s’intéresser à leur musique. Vous connaissez Nickelback? Evidemment. Et Korn? Bien sûr. Saliva se situe juste au milieu des deux, tant en terme de style que de qualités.
C’est plus péchu, moins cucul et plus couillu que Nickelback, mais moins radical, plus sentimental et moins brutal que Korn. Et à la différence près que Saliva, ils aiment les enfants, eux. Le chanteur Josey Scott (le brun barbichu qui chante "Hero", la chanson phare de Spider Man en duo avec Chad Kroeger, le blond barbichu de Nickelback) alterne entre vocalises mielleuses et flow Néo, sur des textes traitant de la dépression, du manque de confiance en soi, de la foi, de ruptures sentimentales, ou carrément de délires mégalos. Musicalement, les ingrédients du Néo sont réunis discrètement: de ci de là, riffs énervés et scratches bien calibré viennent compléter le rap de Josey, qui rappelle par moments celui de Fred Durst, en toutefois moins pénible. Mine de rien, à ce stade de la chronique, je viens de perdre la moitié de mes lecteurs à cause des références sus-citées… Mais je ne romps pas, et je continue pour le courageux petit dernier qui me lit, parce qu’au fond il aime le Néo.
Every Six Seconds, premier album de Saliva, ne frappe donc pas par son originalité: le concept est vu et revu, c’est du Néo mais entendu cinq ou six mille fois déjà, mais promis au succès, qui fut d’ailleurs au rendez-vous. Du bon Néo commercial qui fait mouche, et qui fait recette, le ton est d’ailleurs donné dès le premier titre, modestement intitulé… "Superstar". Si l’on s’éloigne de ce concept assez dégoulinant de dollars accrochés sur des chaînes en or, le produit reste de qualité assez régulière, à la production digne du genre, aux riffs efficaces, le tout assez intelligemment pensé. C’est calibré proprement, gras quand il le faut, mais aux arrangements trop faciles, intuitifs mais lassants.
L’album se laisse écouter en fond sonore: idéal pour conduire, assez bourrin pour mettre le feu à sa bière, mais trop plat pour qu’on s’y investisse vraiment. Aucune profondeur, aucune subtilité, en gros, de la musique de jeune WASP qui conduit le pick-up à Papa pour accompagner Pamela au cinéma voir Scream 4. Aux yeux du Heavy métalleux, rien n’est à sauver dans cette galette hyper convenue sortie tout droit des usines à gros tubes qui se ressemblent tous; mais pour les adeptes du Néo, Every Six Seconds regorgera quand même de grosses tueries qui poncent bien la tronche et dont on se souviendra éternellement, à l’image du titre "Click Click Boom", lequel marquera profondément votre cerveau dès la première écoute. Cependant, la structure du disque est assez répétitive: on rappe puis on passe à un refrain pop, ou l’inverse, quoi qu’il en soit on finit par se lasser d’entendre toujours les mêmes rengaines, un peu barbantes à cause des « ouuuu », « yeaaaah », « nanaaaa » incessants qui alternent avec quelques « beuaaaaaar » assez maladroits.
La conclusion? Ouais, l’album est cool, jolies mélodies, riffs et accords bien trouvés, passages percutants, mais on ne peut s’empêcher d’éprouver ce sentiment général récurrent depuis quelques années: ça a beau être du Néo, ça ne possède rien d’innovant. Un style qui stagne, des groupes qui se contentent de faire ce qui marche, le Néo est fade. Et tout comme Saliva, aussi sympathique ce groupe soit-il, il va finir par lasser. A quand le Néo-Néo?