Joe Stump shred. Vous n’y pouvez rien, nous n’y pouvons rien, c’est ainsi. C’est dans sa nature. Le lui reprocher, ça serait un peu comme reprocher aux dirigeants du Parti Socialiste de se tirer dans les pattes, ou se plaindre que les albums de Dream Theater ne font jamais moins de 73 minutes : c’est dans l’ordre naturel des choses, et il n’y a aucune raison que cela change. Reste que des fois, on en vient à regretter que, ne serait-ce que de temps à autre, cet ordre qui fait que le monde est ce qu’il est et que, cahin-caha, il fonctionne, ne puisse être un peu modifié. Concernant Joe Stump, ça ne serait pas forcément un mal.
Les Inconnus vous en feraient volontiers un sketch : il y a le bon shredder et le mauvais shredder. Ou plutôt, il y a de bons albums de shred et d’autres… moins bons. Joe Stump, lui, a contribué incontestablement à remplir la première catégorie il y a encore quelques années, avec l’excellent Supersonic Shred Machine, le très bon Rapid Fire Rondo ou encore, dernièrement, le sympathique Speed Metal Messiah. Le titre est toujours aussi pompeux, mais cette fois il verse dans l’autre catégorie : Virtuostic Vendetta est un mauvais album de shred. Bon, nous ne sommes pas non plus dans les tréfonds de l’abime – ici même où rodent Fransesco Farreri et P.M Reverdy – mais il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent cette fois-ci. Et pourtant, l’album flirte avec les 73 minutes (oui, comme Dream Theater) : comment peut-on être aussi long et aussi vide ?
Facile, en appliquant quasiment toujours la même recette. De toute façon, Stump ne sait composer que 5 types de morceaux : le heavy rapide et envolé, le heavy lent et inquiétant, le slow sirupeux, le heavy mélodique et le blues rock bien gras systématiquement raté. Virtuostic Vendetta n’échappe pas à cette règle, et nous retrouvons donc un peu de tout cela tout du long des douze titres de l’album. Malheureusement, Stump systématise ici ce qui fait la faiblesse de tout shredder : la facilité. A savoir, trouver un accompagnement un tantinet générique, le mettre en boucle et shredder dessus en improvisant. Ainsi, "Strat’ Sorcery", "The Witching Hour", "The Dance of Kashani" ou "The Beacon" peuvent parfois compter plus des trois-quart de leur durée grâce à cela. Et même en dégraissant tout l’album, en enlevant le superflu et le répétitif, il ne reste plus grand-chose. D’où l’introduction de cette chronique sur la nature des choses, car reprocher à Stump de trop shredder tient du non-sens total.
Autre ennui : le manque d’inspiration se teinte de flagrant pompage à Malmsteen. Certains diront que c’est le cas depuis le début de sa carrière, ce qui est exagéré. Oui, Malmsteen et Stump jouent dans la même cour, ont les mêmes maîtres et inspirations classiques et le même amour pour le son de la Strat’, mais leurs jeux et leur toucher ne sont pas les mêmes. Sauf que là, nous avons – pour les plus flagrants - "Fire and Brimstone" qui comporte un plan presque directement issu de "Far Beyond the Sun" et l’introduction de "The Witching Hour" qui ressemble beaucoup à "Dark Ages"…Virtuostic Vendetta n’a-t-il donc rien à offrir à l’auditeur ? Si, dès que Stump n’est plus en roue libre, il arrive à pondre des titres qui, s’ils sont très loin de ce qu’il a été capable de faire, s’avèrent efficaces et pas déplaisants, comme "Allegro #2 in A Minor" (pas aussi prévisible que son titre le laissait croire) ou encore "Chasin’ the Dragon" malgré une introduction pompier au possible.
Malgré tout, aucun titre n’est réellement construit, comme ont pu l’être ses meilleurs morceaux du passé. Pas de réelle progression, pas de solos dévastateurs (par contre de longues minutes improvisées assez pénibles), pas de gros riffs bien gras et transpirant l’huile, juste des suites de plans pas toujours originaux, voire vus et revus. Par exemple, les tonalités vaguement orientales de "The Dance of Kashani" ou les riffs bluesy pleins de wah-wah de "Old School Throwdown", aussi ratés que n’importe quel titre du genre de Malmsteen. Seul moment un peu surprenant pour l’auditeur, l’enchainement entre la fin très heavy/speed de "Fire and Brimstone" et l’introduction calme et mélodique de "The Beacon" qui amène un contraste rafraichissant. Enfin, un léger mot sur la production, de qualité, avec le son made in Stump, gras et agressif, mais rien à dire sur ses compères Jay Rigney et Jay Gates, transparents au possible.
Manque patent d’inspiration et nombreuses maladresses, le tout étalé sur une durée outrageante font de Virtuostic Vendetta l’un des albums de Joe Stump les moins intéressants, même pour l’amateur de shred qui sommeille en chaque guitariste – ne niez pas. Ceux qui connaissent déjà (et apprécient) Joe Stump n’ont pas besoin de cet album, et ceux qui souhaitent le découvrir ont du meilleur matériel à se procurer…