CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Mr. Guilty
(chant)
-Joc Gauthier
(guitare)
-Dave Cabang
(guitare)
-Rick Bbbbb
(basse)
-Dan Bernier
(batterie)
TRACKLIST
1)Mathias
2)Train
3)All Those Years
4)Bagman
5)Let's Go Motivation
6)Frank O. Gherry
7)I Of Against
8)Cake and Steak
DISCOGRAPHIE
La cohérence, en voilà une belle chose. Sans elle les vidéos où on voit Andrew WK chanter avec la voix de Lorie ou encore Britney Spears chanter "Hit Me Baby One More Time" en growl ne feraient pas rire. Et même en dehors d'une volonté comique le décalage fond/forme peut également donner de grandes choses, voire être le fondement artistique d'un album. Et puis... et parfois la puissance d'un groupe vient justement d'une cohérence implacable entre le but visé et les moyens utilisés. Allguilty fait partie de cette catégorie et ils ont envie qu'on se sente mal. Très mal.
Et ils se donnent les moyens de cette ambition. Là ou Tao Menizoo réussissait à évoquer un monde d'une froideur totale où toute forme de beauté avait été éradiquée, Allguilty a décidé de nous exposer à la colère la plus noire. Une colère véhémente, hystérique et qui frôle la folie. Elle commence avec le chant : Mr. Guilty hurle comme s'il en voulait à la terre entière, combinant la véhémence du hardcore et la brutalité profonde du death. Mais en dehors d'une quelconque technique c'est surtout l'intention qui cloue au mur : cet homme semble s'adresser directement à l'auditeur et l'abreuver de reproches. Sans cesse. Il fait peur, entre autres parce que sa manière de placer ses textes sur la musique sans relâche donne au tout un aspect implacable des plus saisissants. De l'autre côté il y a Dan Bernier, batteur d'une précision incroyable et complètement glacial dans son jeu. Quand il part en blast-beat c'est à la limite de l'effrayant tant le tout semble être fait pour blesser l'autre, le concasser, le briser en morceaux. Et au milieu de tout ça se trouvent une rimbambelle de riffs, de plans et de breaks qui côtoient aussi bien le death, le thrash, le hardcore que le doom...mais qui ont tous en commun d'être profondément dérangeants, voire malsains. Il ne sont pas seulement violents : ils suintent. Ils viennent s'instiller en vous et une fois installés ils vous rongent. Ils ne vous lâchent que quand il ne reste plus rien de sain, que tout a été souillé.
La musique de Primary Colour Solution ne se contente pas de donner envie de fuir, elle est également impressionnante de recherche et d'expérimentation. L'audace est de tous les instants, et certaines idées laissent des traces durables. L'utilisation des bruitages est particulièrement marquante : bruits d'évier, cris de porc sur "Cake And Steak", chant ethnique débarquant de nulle part, on ne sait jamais quel élément délirant va venir habiller le métal extrême-core d'Allguilty. "Train" se termine sur un break de musique de film seventies hallucinant alors que "Let's Go Motivation" voit son thrash/death/core rythmiquement torturé laisser subitement la place à des incursions electro confinant à la musique de jeux vidéo. En parlant de rythmique torturée, quel groupe avait déjà sorti un riff comme celui servant de pivot "Frank O. Ghery", équivalent musical d'un marteau-piqueur tenu par un parkinsonien psychopathe ? Depuis quand une compo au tempo lent avait été aussi effrayante que "I Of Against", truffée de voix aliens sussurant des choses à l'auditeur, évoquant le bruit de fond d'un hôpital psychiatrique ou encore posant un bout de chant lyrique là au milieu, sans raison aucune ? Ecouter Primary Colour Solution au casque est d'ailleurs une expérience à vivre : non seulement on en prend plein la face, mais il y a tous ces moments où on se retourne brusquement car on a senti une présence rôder derrière soi. Unique en son genre.
Allguilty a écrit avec Primary Colour Solution un album qui n'a pas fini de laisser des traces. Ces Canadiens ont un talent rare, celui de de l'évocation brute. Ils ont réussi à émuler toutes les voix maléfiques que chacun entend parfois dans sa tête. Ecouter cet album revient à traverser un long couloir humide et noir hanté par ses propres démons. Si vous avez les épaules pour ça, vous devez tenter l'expérience sans plus tarder. Sinon ne mettez JAMAIS cet album dans votre lecteur...