C’est toujours le même rêve qui vous hante. Vous êtes dans un manoir au milieu de nulle part. Des arbres morts autour de la demeure. Vous êtes seul, en pleine nuit, sous une tempête en ces lieux. Vous regardez par la fenêtre, et vous voyez une femme qui marche entre les arbres. Elle a de longs cheveux bruns et une robe blanche qui flottent dans l’air. Par contre, il n’y aucun son dans votre rêve. Alors réfléchissons, il vous faut des violons, un piano, quelques guitares qui ont un peu de mordant. Une batterie qui sait se faire oublier. Et une voix trouble, feutrée. Un synthé aussi, ouais, c’est pas mal. Des chœurs qui peuvent créer une dimension de messe noire. Ok, alors, j’ai ce qu’il vous faut. Evanescence. Le dernier album qui est « La » révélation inattendue. Fallen les propulse de l’anonymat en haut de l’univers du métal.
Au cœur de l’Arkansas, Amy Lee (chant) rencontre Ben Moody (guitare) en colonie de vacances. « Maman, maman, moi aussi, je veux aller en colo, on trouve des zicos ». Le groupe grandi peu à peu. A leur vitesse, ils se font connaître dans leur région. Bon, ok, je pense que là il faut une explication. Comment un groupe qui atteint seulement une certaine notoriété régionale peut se réfugier dans les charts à la cinquième place ? Bah, deux raisons.
La première raison ? Alors attention, je vais dire un gros mot. Ils ont été soutenus par un groupe qui est étiqueté tendance nu-métal. Ouais, je sais, ça fait un peu mal aux oreilles sensibles. Il s’agit de la collaboration avec Linkin Park. Ouais, je sais, ça fait mal aux petits yeux. Quant à la deuxième raison de leur succès ? Evanescence participe à la BO de DareDevil. Oui, oui, je sais, à ce niveau c’est pathétique.
Mais, après tout, pourquoi ne pas accepter l’aide de ceux qui sont au devant de la scène pour se faire une place ? C’est mieux que Mireille Matthieu… Je sens des sceptiques. Si on prend un peu de recul ; si on évite tout le plan marketing et si on oublie les deux chansons qui ont fait connaître Evanescence, il y a quelques perles. Même si avec des « si » on fait beaucoup de choses ; Evanescence en a au moins fait une de concrète : créer une atmosphère romantique grâce aux synthés, aux acoustiques et à cette voix bien gothique sans oublier les chœurs.
L’album Fallen sort officiellement le 20 mai. Et je pense que "Bring Me To Life" et "My Immortal", on va en entendre et en entendre parler encore et encore. Moi, je dis stop au carnage. Et découvrons ce que Evanescence sait faire de mieux. A mon avis c’est un album pour grand public. La place dans le métal pour une femme, c’est une place qui vaut cher. Je pense qu’il faut leur accorder encore un ou deux albums qui vont partager et l’opinion du public, et créer un clivage dans la presse musicale, afin qu’ils puissent faire leurs marques. Par contre, dans pas longtemps, Evanescence sera à classer dans le rock progressif ! Pour en arriver là, il faut qu’ils travaillent vraiment et de façon minutieuse leur style.
On le sent déjà…L’enveloppe d’Evanescence redouble de charisme. Tout d’abord, la voix. Amy possède un timbre de voix grave, posée et d’une grande douceur. Dans l’intro de "Going Under", Amy adopte presque la voix de Shirley Manson (Garbage), et finalement, Amy reste Amy. En même, temps rien d’exceptionnel. Cette voix se prête assez bien au monde gothique. D’ailleurs, sa voix se marie tellement bien avec le piano. On se demande qui accompagne qui ?
Et au loin, quelques violons qui prennent par moments des envolées. Voilà juste ce qu’il faut pour "My Immortal" pour faire de cette chanson, un moment magique. Un acoustique qui sur scène doit nous en faire perdre notre latin. Aucun artifice. Juste une voix qui se pose comme une feuille morte au sol. Le piano et les violons proposent juste quelques notes. Cette chanson est discrète et magique à la fois. Tout comme "Hello" qui est en soi, la plus jolie. Amy et le piano : c’est presque une déclaration. C’est un dialogue entre l’instrument et la chanteuse. Un son lointain de guitare, juste une note qui se tient sur quelques secondes. D’ailleurs, cette note rappelle l’intro d’une chanson de Bryan Ferry. C’est comme un cri de baleine au loin. C’est une chanson très froide. Une couleur bleu nocturne envahit notre esprit. Et pourtant, et pourtant, Amy épouse la douceur, la quiétude. Sa voix est tremblante et chaude. Une chaleur étayée par un violoncelle pendant une minute. Ce sont des moments très romantiques.
Encore du piano et quelques violons ? Très bien, mais, le tout épicé de quelques riffs de guitares spontanés, et juste le temps du refrain. Alors, là par contre, c’est à éviter. "Taking Over Me", c’est pas terrible. Pas vraiment harmonieux. Un semblant de rock alternatif… et à tout moment on a peur que ça devienne du nu-métal. Genre à la POD nauséeux. Evanescence prend aussi quelques virages un peu abruptes tout de même. Des intro qui seraient très bien pour un « Manson calme », comme avec "My Last Breath" ou alors "Whisper". Une intro un peu électro à la Manson. Une gratte saturée. Un riff de guitare qui est vraiment pas mal du tout. Les violons et le piano qui collent à la voix d’Amy.
Le petit bonus dans "Whisper", ce sont les chœurs, à tendance limite black métal. Un ton très obscur, mais aussi très timide. Le meilleur moment de la chanson, c’est justement quand ces voix d’outre tombe se mettent en avant pendant 27 secondes. C’est comme un vertige, le grand plongeon entre les violons, le tempo de la batterie, le même riff de gratte, et les voix. Tous ces instruments mêlés à Amy font bloc. A la limite, ce passage nous invite. On s’installe au milieu d’eux, et ils tournent à toute vitesse autour de nous. Un malaise naît, mais, c’est vraiment très bon. Le deuxième moment intéressant est à la fin de la chanson avec des paroles en latin. C’est magnifiquement morbide. On en a encore des frissons. C’est ce petit plus qui fait appel à la spiritualité. Qui rappelle des chants de cérémonies de messes noires.
C’est assez dommage que ça ne dure pas plus longtemps, parce que finalement, quand les grosses guitares arrivent en renfort, c’est un peu ce qu’on retrouve tout le long de l’album. Les mêmes notes un peu trafiquées dans un sens, et puis dans un autre. C’est même décevant parce que dans tout ce contexte le solo de gratte est vraiment fade. Le vrai bon solo à conserver c’est sur "Haunted". Là, c’est presque, j’ai dit presque du Shadow. Le petit plus ici, c’est la présence du synthé qui enjolive l’intro de la chanson et donne une pointe de consistance. Parce que le refrain me laisse un peu perplexe. Les chœurs ont aussi une place bien définie qui ne sont pas trop mal. (Comme dans "Everybody’s Fool". Les chœurs qui font de la chanteuse une Madone provocante.)
Un des points vraiment négatifs de l’album, c’est le manque d’originalité. Comme si le groupe n’avait qu’une poignée d’accords, de notes. Cette remarque va aussi bien pour les notes chantées par Amy que pour la musique. Les gros bides de l’album sont "Going Under". Ici, Amy veut ressembler à une rebelle. Encore heureux qu’elle n’est pas la copie conforme de la fille d’Ozzy… ce serait tellement pathétique ! Le titre à ABSOLUMENT éviter, même si la voix est vraiment jolie avec de grosse guitars : "Bring Me To Life" justement, cette chanson elle-même qui a fait connaître le groupe. Non, c’est une horreur. Là, pour le coup c’est une merde finie. Un concentré de nullité. Aucune recherche artistique. Du Linkin Park dans toute sa splendeur. Une horreur.
Le reste de l’album est intéressant. Malheureusement, beaucoup de chansons se ressemblent entre elles. Heureusement qu’il n’y en a que 11 ! N’en reste-il pas moins vrai que beaucoup de magie transpire de cet album. Ce qui attire l’attention sur ce dernier, c’est de contraste entre un coté méchant, noir et la tendresse, la finesse d’Amy. Quelques chansons sont donc à éviter. En fait tout ce qui touche de près comme de loin aux guitares. Excepté quelques titres où le gratte à une jolie place ("Imaginary" et "Haunted"), on en vient rapidement à se demander pourquoi la majorité des soli sont si foireux. Toutefois, d’autres titres incarnent une vraie délicatesse. Comme si Amy ne souhaite pas nous toucher vraiment. Il est vrai que par moment, l’émotion n’est pas transmise.
Ce serait, sauf quelques exceptions, un album hostile, distant. Alors que paradoxalement, il existe des sons raffinés écrits sous la dictée des passions pour le fantastique et le surnaturel.