On ne présente plus George Bellas. Enchainons donc directement sur…comment ça «qui ça ?» ? Bon, alors, présentons George Bellas pour les quelques incultes qui oseraient ne pas connaître et admirer ce shredder, l’un des plus impressionnants, versatiles et doués de sa génération. Loin d’être le plus populaire, cela dit, tant son art est cantonné à un univers fermé et – disons le – élitiste. Et ce n’est pas avec ce Step To The Future que ça va changer, tant cet album est – là encore, n’ayons pas peur des mots – indigeste et pénible.
Déjà, Step To The Future, c’est des chiffres presque aussi bas que le CAC40 durant la crise, à savoir deux musiciens – dont 0 chanteur - et un seul et unique titre. Bon, certes, celui-ci fait l’imposante durée de 76 minutes, mais il se sent bien seul sur la tracklist du CD. Vous l’avez compris vu l’absence de chanteur, c’est donc un titre purement instrumental. A ce stade là, vu les éléments en votre possession, vous devriez afficher une expression horrifiée, les yeux révulsés et un peu de bave au coin des lèvres, prêts à prendre la fuite. Permettez-moi de vous donner le coup de grâce : c’est progressif, expérimental, avant-gardiste et ça shred. Voila, merci d’être venu, au revoir.
Ah, il reste un lecteur courageux, qu’il soit remercié de sa témérité. Rentrons donc un peu plus dans le détail. Bellas assure sur Step To The Future la basse, le clavier et bien sur la guitare, la batterie étant occupée par le très bon Marco Minnemann, batteur versatile et ultra-technique ayant joué avec - entre autre – Paul Gilbert, Illogicist, Necrophagist ou Marco Ferrigno. La production est typique du bonhomme, c'est-à-dire relativement froide et aseptisée, avec une guitare assez peu saturée, des sons de claviers un peu kitch mais légers, une basse précise qui manque cependant cruellement de poids, et une batterie absolument pas métal, plus rock/prog, de bonne facture. L’album est donc, de ce point de vue là, loin d’être repoussant. Le mix est équilibré et sait faire preuve de retenue. Non, le problème, c’est la musique.
Comment décrire ce pavé lourd, indigeste et qui ne fait aucun effort pour se laisser appréhender ? L’écouter d’une traite ? Vomitif. Le prendre au hasard de ses 76 longues minutes – le remplissage de fin est presque flagrant, comme si Bellas ne voulait pas laisser une seconde de libre sur le CD - et voir où ça nous conduit ? Pourquoi pas, mais on tombe n’importe où, sans repère, sans thème accrocheur ni introduction. En fait, les deux seules options qui restent sont les même que lorsque l’on se retrouve dans une exposition face à une œuvre graphique moderne, abstraite, riche et un peu perturbante. Soit on décide de s’accrocher et on se renseigne, on essaie de la comprendre, on l’étudie, et on décide en connaissance de cause si l’on aime ou pas l’œuvre. Soit on passe son chemin en haussant les épaules.
"Step To The Future", c’est 76 minutes expérimentales, tordues, lentes, contemplatives, aux rythmes totalement déstructurés, imprévisibles et aux mélodies complexes, avant-gardistes et rarement accrocheuses. "Step To The Future", c’est George Bellas qui fait une démonstration étourdissante de sa maitrise technique – même s’il fait preuve de beaucoup de retenue et de subtilité dans son jeu, la déboulée de gamme n’étant que très rarement au programme - et théorique de la musique. C’est une œuvre qui mériterait d’être décryptée et étudiée tant la complexité modale et rythmique est effarante, une œuvre presque académique tant Bellas semble avoir eu ici pour but de montrer tout ce qu’il savait faire et ce qu’il maitrisait en composition et écriture. Mais une œuvre que l’on prend plaisir à écouter ? Que l’on fredonne sous la douche ? Que l’on fait écouter à ses amis pour les épater ? Certainement pas.
Une œuvre faite par un musicien, pour les musiciens (chevronnés). Du coup, la grosse majorité des curieux qui poseront une oreille dessus passeront leur chemin. Nul doute que Bellas le savait, et qu’il ne compte pas en vendre des caisses ou passer à MTV, mais la sensation de gâchis perdure quand on connaît le talent du bonhomme, qui a su briller de tous ses feux avec Vitalij kuprij sur Extrême Measures et dont les précédents albums solos comptaient toujours de très bons moment.