C’est un peu comme lorsqu’un ami nous amène à une soirée avec des tas de gens que l’on ne connait pas. Pour faciliter les présentations, l’ami en question aura tendance à vous introduire ainsi : « Je te présente Jean-Fred’, le cousin de Bébèr ». Ou « le mari de Raymonde », « le voisin de Martine », « le boss de Michel-Arthur » ou encore « le petit-fils du cousin de la tante de Jean-Benoit, mais si tu sais, le petit neveu du père de Micheline ! ». C’est certes injuste de réduire quiconque aux relations qu’il a avec d’autres, mais que voulez-vous, ça marche souvent ainsi.
Alors quand un nouveau groupe débarque de sa Basse-Normandie (de Caen) et nous présente vigoureusement sa première démo, il va bien falloir user de cette technique pour situer le groupe dans son écosystème musical. C’est pour cela que risquent d’apparaitre dans cette chronique les noms de Death, Cynic ou Atheist. Parce qu’à défaut de proposer quelque chose de vraiment nouveau, Architect Of Seth fait preuve d’une motivation sans faille et d’un talent indéniable. Pour être tout à fait exact, l’objet qui nous intéresse ici n’est pas leur première démo, mais le regroupement de leur deux premiers enregistrements, Eldorado (2006) et Pax-Labor (2007), comptant chacun quatre titres. Pochette, livret : tout cela sent bon l’amateurisme fauché, le tout étant réalisé à grands coups de Photoshop du pauvre, et même le CD – un disque gravé avec titre écrit à la main – indique clairement l’absence de label derrière Architect Of Seth.
La production, sans surprise, est à l’avenant. Le groupe étant un duo de guitaristes/chanteurs, on se rend bien vite compte que la batterie, la basse et le clavier (assez présent tout du long) sont synthétiques, ce qui de toute façon ne tromperait personne. Bref, les premières impressions ne sont pas forcément très bonnes, et la première écoute ne fait pas vraiment contraste avec cette sensation d’avoir entre les mains une démo enregistrée en vitesse dans le garage de mère-grand. Et pourtant, la persévérance a du bon, car Architect Of Seth, malgré des conditions bien peu favorables, arrive à convaincre de sa franchise et de son ambition. Là où les titres paraissent fouillis et déstructurés à la première écoute, ils se montrent complexes et virtuoses avec le temps. Visiblement musicalement très proches, Paul et Math se révèlent via leurs compositions des guitaristes inspirés, n’hésitant pas à pondre des parties de guitares envolées et tordues, fleurant bon le Individual Thought Pattern de Death ou le Focus de Cynic.
La voix, elle, va chercher du côté de Deicide avec un growl épais et gras, contrastant avec des guitares souvent situées dans les aigues. La démo de 2007 propose même de très bons titres (et une production déjà meilleure, surtout au niveau des guitares) comme "Firestone" ou "Related Facts". Les titres, malgré des durées qui tournent autour des quatre minutes, parviennent à se révéler travaillés et complexes, avec encore une fois une étonnante témérité dans l’écriture des parties rythmiques de guitare, qui oscillent entre lead mélodiques, rythmes déstructurés et – plus étonnant – la guitare classique, mélange qui avait déjà fait ses preuves dans Vital Remains. Malgré tout, il persiste cette sensation que derrière tout cela se cache un patchwork composé à l’envie, plan après plan, et collé à la suite de manière un peu arbitraire. Il manque de plus définitivement un vrai batteur derrière Architect Of Seth, pas seulement pour avoir un « vrai » son de batterie, mais surtout pour varier l’approche de l’instrument, qui a tendance à se répéter de break en break.
Architect Of Seth planifie d’enregistrer un album en 2009. Il y a des chances, si tout cela se concrétise pour eux, que le résultat, avec une production propre et puissante, un vrai bassiste et un batteur, se révèle audacieux et racé. Nul doute que Les Éternels vous tiendront au courant des avancées d’Architect Of Seth. Avec nos encouragements, en tous cas.