CHRONIQUE PAR ...
Joe Le Hareng
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Manfred Klahre aka Phred Pfinster
(chant+basse)
-Robert Hackl aka Mournful Morales
(guitare)
-Gary Gloom
(guitare)
-Martin Kollross aka Collossos Rossos
(batterie)
TRACKLIST
1)Dirty Old Man
2)Still
3)My Private Hell
4)Leaving Song
5)Days Never End
6)Red Roses Day
7)In Misery
8)Leaving on a Jet Plane
9)For Ages
DISCOGRAPHIE
« Ouvrez votre cahier de leçon sur une nouvelle page, nous allons aujourd'hui étudier le gloom. Qu'est ce que le gloom? Excellente question, merci de l'avoir posée, sinon je n'aurais rien eu à dire en introduction.» Et bien le gloom, en gros, c'est du glam mélangé à du doom. Non, c'est pas vrai... Mais ca pourrait être sympa! Dans le cas qui nous occupe ce serait plutôt du doom romantique, légèrement gothique avec de gros morceaux de blues/rock dedans. Le plus simple c'est d'imaginer Johnny Cash qui aurait pris la place de Peter Steele sur October Rust...
Dit comme ça, c'est pas très alléchant, certes, pourtant force est de constater que ce My Own Private Hell est des plus intéressants. Il faut dire pour commencer que les Autrichiens ne sont pas des perdreaux de l'année et que leur longue expérience de la scène gothique/doom se ressent dans leur musique, c'est solide, carré et ça sait où ça va. Les deux guitaristes maitrisent leur sujet sur le bout des doigts : son lourd et gras, riffs plombés, arpèges mélancoliques et petits soli bluesy bien ronflants, ça sonne! Le batteur fait son boulot et sait faire sonner les mid tempo. Du coup dès les premières mesures de l'album on n'est pas dépaysé, du moins jusqu'à l'arrivée des premières lignes de chant... Parce qu'il est assez déroutant le Phred Pfinster! Le bassiste/chanteur (enfin plus chanteur que bassiste, parce qu'il faut vraiment tendre l'oreille pour entendre la basse) ressemble à s'y méprendre à Johnny Cash. Même timbre, même façon de moduler, du coup les premières écoutes sont vraiment troublantes tant le chant ne semble pas coller au propos des musiciens. Et puis soudain, c'est l'illumination : cette voix rocailleuse, cette façon de déclamer les lignes plutôt que de les chanter est parfaitement adaptée au rock mélancolique des Autrichiens, c'est même ce qui démarque Jack Frost des autres groupes peuplant la scène doom/rock actuelle.
Ça et leur capacité à écrire de superbes chansons qui instillent une atmosphère romantico-gothique tout au long de My Own Private Hell. Maniant à merveille les genres les plus « tristes » du rock (dark wave, doom, voire même blues) les gaillards de Jack Frost nous emmènent littéralement dans leur univers. Riffs tantôt lents et hypnotiques, tantôt péchus et lourds, arpèges qui résonnent tristement et batterie lancinante forment un canevas idéal pour les lignes de chant lugubres mais attachantes de Phred. Que ce soit dans les morceaux vraiment lents ("Leaving Song", "In Misery") ou dans les morceaux plus catchy ("Dirty Old Man", "Day Never Ends"), le père Pfinster est d'une efficacité redoutable quand il s'agit de distiller une ambiance gothico-nostalgique. Dans ce jardin en friche, quelques roses noires poussent plus haut que les autres : "Still", magnifique (cette ligne de chant sur le refrain!), "Leaving on a Plane", qui n'est pas sans rappeler les grandes heures de Cure (période Disintegration, les grosses guitares en plus) ou encore "My Private Hell" et ses soli inspirés. Bien peu de choses à reprocher à ce My Own Private Hell (la pochette peut-être?) qui s'offre le luxe de nous offrir 45 minutes de gothic-rock-doom de bon goût.
My Own Private Hell fait partie des ces albums pudiques, qui ne se dévoilent pas au premier rendez-vous. Mais quand enfin il vous est permis d'apercevoir ses charmes, le plaisir ressenti mérite largement l'attente. Du beau doom romantique et pas cliché pour un rond, servi par des musiciens qui maîtrisent leur sujet et un chanteur qui sort du lot, il faudrait être sacrement gonflé pour se plaindre et bien fou pour s'en priver!