Richard Andersson était le claviériste de Majestic, que j'avais considéré à l'époque comme un tribute-band à Symphony X à peine dissimulé. Le groupe avait tourné avec la bande à Roméo, et il était vraiment difficile de comprendre en quoi l'achat d'un CD de Majestic pouvait se justifier, vu qu'on pouvait se procurer la discographie de Symphony X sans souci dans la première Fnac venue. Majestic n'est plus, et le sieur Andersson a monté depuis son projet solo, Space Odyssey. Doit-on alors être surpris que Space Odyssey sonne comme Symphony X? Il serait toutefois injuste de cantonner The Astral Episode dans le statut de pâle copie de ce groupe... Car il parvient à se poser en pâle copie d'une d'autres groupes.
Le premier titre "Through Dreams And Reality" ôte à l'auditeur le moindre doute qu'il aurait pu avoir par rapport à l'influence du groupe de Russell Allen : l'entrée EST un plan de Symphony X. Pas un plan existant, non, mais ce déluge de notes est tellement caractéristique que je suis sûr qu'on pourrait tromper un fan en lui mettant cette intro en blind-test. "Astral Episode", le second morceau, nous permet d'identifier l'autre groupe dont Andersson est superfan: Dream Theater. Le son de guitare shred est à quelques fréquences près le son même de Petrucci, et les breaks prog guitare-claviers pourraient être extraits de n'importe quel album avec Rudess aux claviers. L'album se partage donc souvent entre deux tendances: la tendance mélodico-speed de Symphony X, et la tendance prog fourre-tout du métal de Dream Theater.
Dream Theater est un groupe varié, mine de rien, puisant ses influences dans tous les courants du métal ou presque. Space Odyssey suit cette tendance, en nous proposant des multiples sous-genre du métal d'un titre à l'autre tout en réussissant à faire sonner le tout, à chaque fois, comme une variation des deux groupes pré-cités! C'est quand même balèze à force. Le titre "Lord Of The Winds" est un hard-rock à l'ancienne, au tempo lent, qui sonne comme Dream quand ils essayent de sonner comme Dio. A une nuance près: la musique est bien moins inspirée, et le chant, par contre, est incroyablement "inspiré", au mauvais sens du terme.
R. Andersson a recruté en la personne de Patrick Johansson le premier clone officiel de Ronnie James Dio. Son chant agressif est ahurissant de ressemblance avec le cultissime ex-chanteur de Rainbow. Oui, en moins bon, évidemment. Pour deux raisons: un, personne ne peut sonner comme Dio, et deux, il force trop sa voix. Le pire est que son timbre clair est très agréable, et original. Quand il se contente de chanter, Johansson ne sonne comme personne d'autre et acquiert une véritable identité vocale. Mais il persiste, chanson après chanson, à n'opérer pratiquement que dans ce registre mélodique-agressif qui fait de lui un chanteur sans âme. Mais bon, Andersson ayant absolument tout composé et arrangé sur cet album, il est forcément responsable de cette orientation. Et c'est bien dommage.
Sur la musique en général, que dire? Cet album a été enregistré par des tueurs. Le batteur de dix-sept ans est monstrueux, le guitariste est techniquement impressionnant, double ses riffs ultra-rapides à la basse sans difficulté aucune, et le père Andersson est un claviériste véloce qui connaît ses gammes sur le bout des doigts de la main droite (l'autre actionnant le pitch). On peut également lui accorder le statut de bon producteur, car le son de cet album est très bon. Mais est-ce qu'un solo de guitare provoque l'émotion sur ce disque? Non. Ca shredde à tout va (la guitare est visiblement au centre du jeu), mais ce n'est PAS joli. Idem pour les soli de claviers (qui au moins ne sont pas omniprésents): rapides, techniques, et plats.
Les riffs sont tous déja-vus, les chansons sont parfois interminables (Andersson ne sait pas finir un titre), et parfois répétitives à outrance, comme sur l'insupportable "Back To The Dark". Il ne reste que le dernier titre, "The 7th Star Fantasy", très prog et aux sonorités parfois folk, où l'on est face à un groupe réellement créatif. Les choeurs d'opéra manquent de puissance, mais la chanson est réussie, avec une bonne dynamique et de bonnes idées. Résumé: encore un album hyper bien joué et produit qui pourra plaire à tous ceux qui ne connaissent pas les modèles du compositeur, mais qui n'apporte rien au genre, et tourne en rond. Ce n'est ni affeux ni déplaisant, mais franchement ça n'a pas grand intérêt sur disque. Peut-être sur scène...