CHRONIQUE PAR ...
Gh0sT
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
18.5/20
LINE UP
-Leïlindel
(chant)
-Syriak
(chant+guitare)
-Artagoth
(chant+guitare)
-Le Batteleur
(violon)
-Exod
(claviers+samples)
-Chaoth
(basse)
-Landryx
(batterie)
TRACKLIST
1)Chromatic Chimera
2)Feasting Fools
3)Desert Urbania
4)Summoning Scenes
5)Silence_011010701
6)Megalomaniac Trees
7)The Shiver pt.1 - Another Dissonant Chord
8)The Shiver pt.2 - Meet Me at the Carrousel
9)The Shiver pt.3 - A Clown's Mindtrap
10)Psychic Jugglers
DISCOGRAPHIE
Lecteurs de cette chronique, tremblez ! Arioch et les Seigneurs de l'Entropie sont de fort méchante humeur ! Imaginez donc : 7 aventuriers, menés par la prêtresse Leïlindel, ont réussi à s'emparer du Chaos. Alors que son instabilité, son anarchie intrinsèque, ses constants changements auraient dû le rendre insaisissable, incompréhensible, surtout par de simples mortels. Et non contents de l'avoir attrapé, les fous se sont mis en tête de le domestiquer, de le façonner et de s'en servir... Ceci est l'histoire de cette folle entreprise.
Le rideau se lève. Le décor est planté. La troupe se met en place. La représentation peut débuter. Le premier acte, intitulé "Chromatic Chimera", porte bien son nom. Ce titre, aussi hybride que la créature mythologique, condense toutes les couleurs du spectre d'UneXpecT (essayez de dire ça plusieurs fois rapidement...). Après une intro légèrement dissonante et clairement vénéneuse exécutée au piano et au violon, l'ensemble de la troupe se met en mouvement. D'emblée, la section rythmique apparaît comme le metteur en scène de tout ce petit monde : Landryx le batteur et Chaoth le bassiste (9 cordes !) insufflent une énergie et une versatilité impressionnantes aux morceaux, multipliant les breaks et guidant leurs comparses vers l'agressivité ou le calme.
Et ceux-ci suivent, comme si de rien n'était, ce rythme de fou. Chacun fait ce qu'il veut de son instrument ou de sa voix. Le violoniste caresse ou maltraite son violon et crée une ambiance tour à tour lumineuse, tourmentée, mélancolique ou angoissante. Le claviériste le suit en distillant des sons programmés et en plaquant des accords dérangeants lors des envolées lyriques des vocalistes. Oui, LES vocalistes. Les hurlements black de Syriax et la voix death d'Artagoth (les 2 guitaristes) accompagnent la voix cristalline, presque angélique de Leïlindel. Les trois voix sont placées sur un pied d'égalité tout au long de l'œuvre, elles se mêlent, se superposent, se répondent et véhiculent tout un panel d'émotions. Plus que des chanteurs, de véritables acteurs...
Si la magie opère chez l'auditeur, le chaos créé par cet enchevêtrement de sons prend un véritable sens et apparait, au final, complètement structuré et maitrisé. L'univers d'UneXpecT est visiblement issu d'un amour inconditionnel pour le théâtre et le cirque. Et il est magnifiquement dépeint grâce à un talent d'écriture assez bluffant. Voilà un groupe qui ne tombe pas dans la technique gratuite mais qui est capable de retomber sur ses pattes après avoir aligné, dans un délai restreint, un nombre de plans assez phénoménal. Arrivé ici, les lecteurs encore éveillés devraient se dire que tout cela est bien beau mais également se demander quel style est pratiqué par les Canadiens. Question volontairement laissée en suspens faute de réponse succincte... Mais soit !
UneXpecT fait dans le métal extrême. Les voix black/death, les blast-beats et les riffs ravageurs omniprésents en attestent. Mais cette base fluctue et s'enrichit à chaque instant. Ainsi, le jazz se mêle très régulièrement à l'équation, un clarinettiste et une saxophoniste ayant participé à l'album. L'atmosphérique atteint son apogée lorsque le piano seul accompagne la douce voix de Leïlindel. Le classique est à l'honneur quand, au détour d'un passage black, la troupe se met à la valse. Enfin, le trip-hop ("Another Dissonant Chord") ou l'indus ("Silence_011010701") sont des territoires qu'UneXpect ne laisse pas inexplorés. L'album peut évoquer Mr Bungle, SGM ou Arcturus mais l'impression qu'il s'agit d'une oeuvre personnelle, unique et presque intime, prédomine toujours.
La dimension de la troupe et la pléthore de styles abordés ne sauraient se passer d'une bonne production. Heureusement, celle-ci est un modèle de puissance et de netteté. À chaque instant, on sait qui joue et on entend distinctement chaque instrument. Le piano et le violon ne sont pas couverts lors des passages lourds et les voix sont superbement intégrées au reste. Alors bien sûr, l'album n'est pas exempt de défauts. On note quelques passages moins inspirés de-ci de-là. Le morceau "Silence_011010701", qui commence par un violon évoquant Psychose (la scène de la douche) évolue vers de l'indus bruitiste assez faible en regard du reste de l'album. Mais toute pièce de théâtre a besoin d'un entracte. Et comme un fait exprès, c'est le cinquième des dix actes de ce disque...
« Hé monsieur, reveillez-vous, la représentation est terminée, il faut partir ». Vous l'aurez compris, je ne saurai trop vous conseiller d'écouter UneXpecT. Car le groupe a sublimé sa musique et l'a rendue presque visuelle. À l'écoute de cet album, je me vois dans le fauteuil élimé d'un vieux théâtre, assistant à une pièce grotesque, dérangeante mais terriblement envoûtante. Pour ceux qui ont lu/vu Entretien avec un Vampire, pensez au Théatre Des Vampires et vous verrez ce que je veux dire. Prochaine étape : le 05/12/2008 au Nouveau Casino.