CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Krys
(chant)
-Dorian
(guitare)
-Seb
(guitare)
-Phil
(basse)
-Jean
(claviers+samples)
-Dom
(batterie)
TRACKLIST
1)Diplomatic Missile
2)Ephemere
3)Hidden Side of Democracy
4)HGW
5)Nobody Will Stay Alive
6)Aux malheurs des hommes
7)La voie humide
8)Through the Age of Shame
9)Enabling Break
10)Smoking
11)Die Morgen
DISCOGRAPHIE
Au cas où vous ne seriez toujours pas au courant, la scène française a pris depuis quelques années un essor tout particulier. Les groupes étaient déjà bons avant, bien sûr... mais il était beaucoup moins courant de tomber sur des premiers albums / premières démos présentant une musique achevée, hyper carrée, originale et même parfois dotée d'un très gros son. Jarell fait partie de cette nouvelle génération : à peine deux ans après leur formation les voilà forts d'un premier album de qualité professionnelle sur un vrai label, album sur lequel transpire un talent certain qui plus est. Le présent a du bon.
La musique de Jarell est à la croisée entre thrash, hardcore et metalcore. Thrash pour les fréquents riffs speed qui ramonent la corde de mi, hardcore pour la tendance à syncoper ces mêmes riffs pour faire headbanguer et metalcore pour plein de choses. Il y a déjà ce son résolument moderne et relativement gros : la saturation des guitares rappelle un peu DevilDriver, la batterie claque et la basse est audible. Il y a le chant de Krys : comme tout bon vocaliste du genre, il alterne sans souci chant hurlé, chant clair et tout ce qu'on trouve entre les deux. Enfin les samples et les nappes de claviers renforcent encore la modernité du tout, sans compter les habituels riffs rythmiques en salve popularisés par Fear Factory et qui sont désormais une caractéristique quasi-incontournable du metalcore. Jarell semble donc à première écoute être un autre de ces groupes qui cognent fort en allant puiser dans tout ce qui fait mal, mais on se rend très vite compte qu'il possède des qualités pas données à tout le monde : l'inventivité, la variété et la technique par exemple.
Hidden Side est un faux album de violence brute qui se révèle être un vrai album d'immersion. L'agression est très réelle chez Jarell : les déferlements constants de double-pédale de Dom (très, très fort) et les hurlements de Krys y pourvoient sans problème. Mais ce n'est qu'une corde à leur arc, et le talent dont ils font preuve dès qu'ils s'aventurent dans le mélodique ou l'aérien est évident. On est saisi par l'outro de piano de "HGW" qui reprend le thème des guitares, l'intro d'arpèges éthérés de basse de "Ephemère" ou le pont de "Nobody Will Stay Alive" qui juxtapose des mélodies Tooliennes à d'énormes riffs à la Machine Head. De plus la mélodie peut servir à renforcer la violence : tel un Dagoba, Jarell aime beaucoup créer des murs de son en empilant des pistes de claviers sur ses riffs. On dénote sur "Nobody Will Stay Alive" un passage de blast-beat doublé de nappes assez monumental, et l'intro de "La voie humide" laisse sur le carreau : le chant écorché de Krys, les guitares, les claviers, tout concourt à un résultat massif voire cinématographique.
Autre bonne idée : s'autoriser des refrains en chant clair, mais sans en faire une recette systématique et sans les répéter ad lib tel le premier groupe de pop-métal (ou de heavy allemand) venu. "Through the Age of Shame" est exemplaire en ce sens : la phrase-titre forme un refrain hyper fédérateur sans tomber dans le catchy facile. Idem pour l'impressionnant "Enabling Break" : le chant clair sur un blast-beat terrifiant ça fait toujours son petit effet... enfin, sauf quand on entend Krys prononcer le titre « hénablinngue brèèèèèèèque ». C'est un des problèmes récurrents du disque : quand on choisit le chant en anglais il faut avoir un accent un minimum potable, sinon c'est tout de suite handicapant. C'est le majeur reproche à faire à Hidden Side avec un petit problème de redondance vers la fin, d'autant plus regrettable que la grande force du combo est son imprévisibilité. Sorti de ça on ne peut que louer un groupe qui réussit à surprendre sans cesse son monde et à rester constant tout en variant les plaisirs. Et se dire qu'avec un début comme ça tous les espoirs sont permis.
Comme disait ma première femme en me découvrant nu, tout ça est foutrement encourageant. Hidden Side se hisse nettement au-dessus de la masse et le nombre d'erreurs de jeunesse à corriger est étonnamment réduit. Ces gens ont tout pour réussir, et il ne leur reste plus qu'à faire suffisamment de level-up sur la route pour nous pondre un deuxième album fracassant d'ici quelques temps. Merci Jarell !