CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Rusty Cooley
(guitares)
-Bobby Williamson
(clavier)
-Brent Marches
(basse)
TRACKLIST
1)Under the Influence
2)The Butcher
3)Dark Matter
4)Dominion
5)E.B.E.
6)Hillbilly Militia
7)Jazzmine's Song
8)War of the Angels
9)The Duel
10)Piece of Mind
DISCOGRAPHIE
Couchez les enfants : ce qui va suivre ne s’adresse pas aux cœurs sensibles. Nous ne sommes pas ici pour parler de sympathiques soli ou d’innocents lead, nous ne sommes pas ici pour gloser sur les phrasés pétris de feeling de telle ou telle mélodie ou pour s’extasier sur on ne sait quel petit bout de bend bourré d’émotion. Non, ici il va être question de « kick ass technique », de « totally shredding » ou encore de « insane lick machine ». Rusty Cooley n’est pas un simple guitariste : non, pour les shredders il fait partie des quelques rares Guitaristes – ceux à qui on peut accorder le G majuscule…
Si vous n’êtes pas guitariste, cette chronique risque fort bien de vous ennuyer – et de même pour l’écoute de l’album. Mais si vous l’êtes et qu’en plus vous ne prenez pas peur à la moindre poussée d’adrénaline guitaristique, alors Rusty Cooley va au moins pouvoir répondre à la question que vous vous posez (même inconsciemment) : « qu’est-il humainement possible de faire avec sept ou huit cordes ? » Vous possédez certainement un certain nombre d’éléments de réponse, qui ont pour nom Petrucci, Satriani, Batio, Becker ou Farreri, mais Cooley va tellement loin qu’il pourrait presque devenir le point final de cette interrogation. Et en plus, le monsieur a l’élégance d’emballer sa virtuosité dans un emballage heavy/thrash qui transforme une stérile approche démonstrative en un album pêchu et bien gras. Et qui résonne à l’oreille de tout apprenti guitariste comme une leçon bien claquante administré par une main leste et habile sur un postérieur dénudé – le vôtre.
Réédition de l’album du même nom sorti initialement en 2003, le tracklisting est tout à fait le même (moins les bonus de l’époque). C’est la production qui a subi un sérieux lifting : le son est bien plus lourd, plus gras, en particulier la batterie qui bien que toujours virtuelle, sonne ici extrêmement bien. Ce qui n’était pas du luxe vu la production médiocre qu'était celle d'origine. Et indéniablement, cette petite cure de jouvence sonore donne un dynamisme largement plus percutant aux dix titres de la galette. La musique, elle, n’a pas changé. On est toujours en présence d’un heavy/thrash instrumental où la guitare solo a la part belle. Sweeping, tapping, tout y passe : Rusty Cooley déballe ici son catalogue gros comme une trompe d’un éléphant, met le tout sur la table et rigole un grand coup devant les réactions éberluées qui s’ensuivent. Sans pitié, il terrassera l’auditeur avec sa guitare 8 cordes jusqu’à ce que mort s’ensuive, sans oublier de raffiner le supplice avec un sens du riff et de la mélodie loin d’être aussi caricatural qu’on a bien voulu le dire.
"Jazzmine’s Song" propose ainsi un phrasé plus conventionnel, dans la veine de Marty Friedman ou de Petrucci, quand "E.B.E" ou "Hillbily Militia" et leurs accents progressifs rappellent plus Borislav Mitic. "The Duel" ou "The Butcher" amènent des riffs très power heavy que ne renierait pas Firewind sauf qu’ici la guitare prend la place du chant. Mais là où Cooley excelle – là où il met tout le monde à genoux – c’est dans ses pièces les plus ambitieuses, celles où son talent se fait le plus naturel et le plus époustouflant. "Under the Influence" et son lick néo-classique de dérangé mental, "Dark Matter" et son tapping impitoyable ou encore "War of the Angels" et son legato aussi fluide que la farine de Francine. Il faut avoir le cœur bien accroché pour suivre Cooley dans son univers de virtuosité, où la vitesse d’exécution prend le pas sur le phrasé, où la musicalité s’affirme ici à grands coups d’arpèges et où l’ambition avouée est d’aller encore un cran plus loin dans la maîtrise technique de la guitare.
Inutile de se faire des illusions : cet album ne sera certainement pas une révélation pour ceux qui trouvent le shred ennuyeux par définition, mais il sera pour la frange la plus fidèle au mouvement une nouvelle référence. Déjà loué par la plupart de ses compères qui reconnaissent en lui un nouveau prodige de la guitare – compères déjà respectés dans le milieu, tels que Petrucci, Becker, Loomis, Ron Thal, Batio ou encore Marco Ferrigno et Farreri – Cooley doit maintenant obtenir l’approbation des auditeurs de métal en général (chose qu'il a parallèlement déja commencé à faire avec son groupe Outworld). Et pas seulement des shredders : car malgré son ambition affiché de renverser le monde de la guitare virtuose et de s’asseoir sur son trône, Cooley laisse la porte ouverte à tous en pondant un album abordable, avec son lot de mélodies et de riffs purement heavy/thrash. Alors bien sûr, Cooley n’est pas génial tout du long, et il y a clairement des moments qui sentent le remplissage un peu gratuit, comme sur "E.B.E" ou "Piece of Mind" : on se contentera de les mettre de côté et on retournera écouter les titres plus dévastateurs cités plus haut.
Légèrement inégale sur la longueur, cette réédition a toutefois rendu la musique de Cooley encore plus intense et jouissive que sur l’édition originale de 2003. On n’aurait pas craché sur un ou deux titres inédits, mais en tout cas le remaster est un franc succès. Cooley se place largement parmi les guitaristes les plus jusqu’au-boutistes et cinglés de la sphère instrumentale – même si ici, « cinglé » n’est pas à prendre dans le même sens que si on l’appliquait à Steve Vai ou à Buckethead : une oreille sur le premier titre de cette galette et vous comprendrez vite ce dont il est question…