CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Stéphane Molino
(chant)
-Florian Sliwa
(guitare)
-Witolf Fyda
(guitare)
-Christopher Mouron
(basse)
-Florian Gargaro
(batterie)
TRACKLIST
1)Bastet
2)Vertige insensé
3)300
4)Sans regret
5)Hypathie
6)Endiablé
7)Perdre la tête
8)Sibylline
9)L'aveugle et la chose
10)Précieux secret
DISCOGRAPHIE
Vous savez ce que c'est : on reçoit des cds, on se dit qu'on va les chroniquer dans l'ordre et tout... et il y en a un qui reste de côté. Sans réelle raison : juste parce qu'on l'a oublié, ou parce que sa tronche ne nous revient pas, ou alors parce qu'au moment de l'écouter on s'est dit qu'on allait plutôt se repasser le dernier Madder Mortem. Le truc classique. Sauf qu'à un moment donné on se dit qu'il est peut-être temps de s'y mettre, et là il arrive qu'on regrette amèrement d'avoir été inconséquent car le truc est vraiment très bon. Voilà en gros l'histoire de Précieux Secret, album carrément puissant que votre serviteur aurait dû chroniquer beaucoup plus tôt. Honte sur moi, tiens.
Il y a des étiquettes vraiment pénibles, en particulier quand elles générent automatiquement des clichés dans l'esprit du lecteur. Dès qu'on parle de métal prog on sait qu'on évoque malgré soi des soli de shred, des mesures asymétriques, des envolées de claviers avec moult pitch... et Dornfall ne fait rien de tout ça, sauf que les classer dans le métal prog relève de l'évidence. Car en dehors de la prod assez typée (et réussie) qu'on y trouve, Précieux Secret présente une variété dans l'approche et une absence de barrières musicales qui relève d'une vraie volonté progressive. Il est impossible de savoir à quoi un titre va ressembler en se basant sur celui d'avant, et même au niveau d'une compo les changements d'atmosphères sont vraiment hyper travaillés. Le groupe réussit de plus à rendre tout ça cohérent grâce au très bon chant de Stéphane Molino : tout en modulation et en émotion le vocaliste sait également dégager une sacrée puissance quand il ajoute du grain à ses notes, jusqu'à franchement impressionner. Si ses quelques tentatives de growl sont moins réussies il sait apporter un réel souffle aux compos, en particulier via ses textes qu'il vit littéralement.
Parlons-en des textes : tous en français, tous bien écrits, ils s'articulent principalement autour des mythologies, du mysticisme et de l'histoire ancienne. Et à quelques rares exceptions près (comme "300" ou "Bastet" où l'inspiration est claire) ils se contentent d'évoquer tel ou tel mythe, charge à l'auditeur de comprendre de quoi il s'agit. C'est assez chouette et du coup on est tout content de reconnaître le mythe de Cthulhu dans "Perdre la tête" par exemple. La qualité littéraire des textes sied en tous cas parfaitement à la musique qui se révèle de plus en plus fouillée au fur et à mesure des écoutes. Des bons gros moments de cognance de "Endiablé" aux riffs de hardcore/fusion (Molino y évoque presque Reuno de Loforora dans son chant) à l'atmosphérique "Sans regret" qui combine brillamment pop-rock lo-fi et métal plus appuyé en passant par les dix minutes de haute volée de "Précieux secret", on ne s'ennuie pas une seconde. Le groupe réussit d'autant plus à surprendre qu'il réussit à lier des influences atypiques, évoquant Opeth et Porcupine Tree à un moment pour balancer un plan de guitare à la Wes Borland à un autre ("L'aveugle et la chose").
Tout n'est pas parfait non plus : on peut regretter que le refrain de "300" ne soit pas à la hauteur des ambiances déployées au sein du morceau. Dommage tant la recherche sur les sons, le chant tour à tour doux et enragé et la construction qui lie parfaitement plans mélodiques et puissance sont d'un niveau supérieur. Surtout que le groupe sait envoyer du refrain en acier trempé quand il le faut : "Hypathie" vous fera headbanguer comme pas possible par exemple, merci à un plan start-stop hardcore qui fait mouche. Le groove, Dornfall connaît aussi, et ne crache absolument pas sur un plan syncopé fusionesque quand il le faut, comme le prouve "Sybilline"... qui prouve également qu'ils peuvent lier à peu près n'importe quoi à n'importe quoi, car après un riff que Snot n'aurait pas renié on part dans de l'acoustique tout à tour lent et lumineux, puis le groove revient avec un plan franchement néo. Et ainsi de suite... pour finir il n'y a pas grand reproche à faire à cet album si ce n'est que les morceaux les plus longs sont parfois redondants ("Précieux secret" excepté). Avec un peu de tri dans les idées ce deuxième album aurait pu être ultime en fait.
Pardon, Dornfall, pardon. Je n'aurais jamais dû laisser votre album prendre la poussière dans mon bac à promos, je suis un misérable. Je suis déjà bien puni remarquez : ces quelques mois passés à ne pas écouter Précieux Secret deviennent de fait du temps perdu, une période où mon kiffomètre n'a pas atteint son niveau maximum. Ne m'en voulez pas, et sortez donc un troisième album encore meilleur histoire que je vous encense. En temps et en heure cette fois-ci...