Ce groupe Norvègien auteur de trois albums depuis sa formation en 1998 (Escape est le deuxième dans la lignée), œuvre d’après les classifications glanées ça et là dans le black metal. Rien d’incongru ni de surprenant jusqu’ici, du classique scandinave en gros. En très gros même, voire énorme, car la définition musicale du combo ne se limite pas à l’obédience black marquée ici par les ambiances et la voix masculine, mais lorgne également du côté gothique, folk, industriel, avant-garde, enfin, vers tout un tas de styles parfois inattendus. Pour faire court, le groupe et ses aficionados qualifient le genre de « schizo metal », et à force de tenter de comprendre, force est de constater que c’est peut-être la meilleure définition possible.
Lorsque l’on découvre Ram-Zet, outre l’étonnement ultra positif, une certaine soif d’apprendre s’immisce appellant à la recherche historique. Et lorsque l’on se documente, en simple néophyte qui chercherait à en savoir plus, on s’arrête à coup sûr sur le terme « schizo » et par extension sur la « schizophrénie ». Il parait que l’on dénombre, en survolant, cinq types distincts de la maladie : « catatonique » (cherchez pas, ça n’a rien à voir avec cette illustre référence…) où le sujet s’enferme dans un mutisme quasi autistique et semble ne pas avoir d’interaction physique avec l’extérieur, « hébéphrénique » assez semblable à la précédente mais psychiquement cette fois, « paranoïde » faite de délires et hallucinations, « dysthymique » caractérisé par des troubles de l’humeur et une propension au suicide et « héboïdophrénique » associant violence et froideur affective. Rassurez-vous, j’en arrive au fait, il y a un dénominateur commun qui est l’imprévisibilité, violente ou silencieuse, et l’atypisme, le détachement du réel (en résumé, je ne suis pas psychiatre).
Fort de ces révélations psychiques, le style musical de Ram-Zet donné par ses pairs s’éclaircit. Ce mélange des genres (black, folk, goth) et des ambiances (violentes et aériennes) correspond assez fidèlement à cette tentative de définition. Il se peut, allons même jusqu’à dire qu’il est probable, que les amateurs de black purs et durs ne s’y retrouvent pas dans les riffs qui n’ont rien de comparable avec les canons du genre, étant plutôt typés death/indus/heavy/thrash en fonction des passages. Certains de ces black amateurs se retrouveront néanmoins dans la voix, qui reprend le timbre black dans la mouvance presque aiguë/limite hurlée (passage rapide dans "The Seeker" à titre d’exemple), mais aussi dans les ambiances glauques qui émaillent plusieurs morceaux au fil de l’opus.
Pour rester dans le champ vocal, la contrepartie féminine à la voix de Zet, sans être originale, passe du registre lyrique ("R.I.P.") au « normal » ("The Claustrophobic Journey") avec une jolie palette d’octaves, servant au mieux les ambiances musicales si éclectiques de l’album. Cette opposition vocale est excellemment utilisée, sur "The Seeker" dans laquelle des passages parlés sentant le dérangement mental viennent ajouter à la paranoïa ambiante, ou encore sur "Pray" véritable perle du CD. Ce titre mérite d’ailleurs qu’on s’y attarde tellement son écriture et sa construction sont un modèle du genre. "Pray" est une sorte d’enchaînement d’ambiances planantes et angoissantes, teintées de guitare et de basse aux sons très pesants, où les cris de Zet viennent s’échouer sur les lignes angéliques de Sfinx, bien servie par une mélodie implacable sous la forme d’un refrain en crescendo d’une beauté rarissime, pour se muer en voix claire et éthérée sur fond de synthé Hammerien et de guitare Satrianesque, comme si l’ange avait vaincu la bête. Mais tout ceci sans happy end, tellement le final demeure angoissant. Un chef d’œuvre que l’on pourrait comparer à "Resurrected For Massive Torture" de Project Hate.
Pour marquer un peu plus l’ancrage de Ram-Zet dans leur style atypique, il est nécessaire de faire remarquer l’omniprésence du violon, tantôt folk sur "The Seeker" (Sareeta se rappelant qu’elle est violoniste d’Ásmegin, groupe de folk metal), tantôt tzigane sur "R.I.P.", mais toujours utilisé à bon escient, comme dans ce break jouissif violon/basse sur "The Claustrophobic Journey". Il est peut-être aussi nécessaire de souligner que Küth, batteur de son état, est musicien de session de The Kovenant, qui il est vrai possède quelque points communs avec le combo norvégien, et que la violoniste participe en plus au groupe avant-gardiste qu’est Solefald…
Escape porte bien son nom. Mais évasion vers quoi, évasion de quoi ? Il semble que le propos ne soit pas ici axé sur une escapade vers des contrées paradisiaques ni génératrices de rêves (quoique…), mais sur une exploration musicale vers un fol univers tourmenté ou une tentative d’échapper à la réalité ou bien à la schizophrénie. Au vu de l’artwork, il semble que la dernière hypothèse soit peut-être la bonne.