Chronique : Malinvern Le dieu Orage (EP) (2025)

CHRONIQUE PAR ...

Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 16 février 2025

Sa note : 16/20

LINE UP

-Nebel
(chant+arrangements)

TRACKLIST

1) Lamento
2) Sul Cammino
3) La Ira
4) Terra Terra
5) Processione delle Corna

DISCOGRAPHIE

Le dieu Orage (EP) (2025)

Malinvern - Le dieu Orage (EP)

(2025) - ambient dark ritual - Label : Autoproduction

Nous avons eu chaud. Maudits animaux ! Et maudit guide ! « Encore deux heures et nous arrivons à Sospel ! » Tu parles… Nous avons pris la direction opposée ! Il fait presque nuit. Nous avions commencé à planter nos tentes mais, sortis de nulle part, deux chevaux sauvages sont venus nous attaquer. L’un de ces satanés canassons a failli me fendre le visage en deux avec son sabot.

Il fait chaud. J’ai mal. Mes compagnons ont nettoyé la blessure et l’ont pansée. Nous avons trouvé refuge dans une grotte. Dehors, quelques grosses gouttes d’eau s'écrasent au sol dans un fracas étourdissant. Le ciel se met à gronder, lui aussi, puis l’orage éclate. Sans crier gare. Nous avons épuisé nos provisions. Bercés par la colère des cieux, les autres s’endorment un par un. Je dodeline de la tête à mon tour et m’apprête à sombrer quand le cri me réveille. Il s’agit d’une plainte rauque qui m’électrise instantanément. Une vieille femme est en colère. Je ne comprends pas l’italien mais elle semble maudire le ciel… Je me redresse. Les braises se sont éteintes. Tout le monde dort. N’entendent-ils pas les imprécations de la sorcière ? À moins que…
Mon cœur se met à battre la chamade. Serait-il possible que… Ce n’est pas une vieille femme ! « Alzbeth ? C’est toi ? Tu es revenue ? Enfin ? » Une ombre glisse sur une paroi et semble fuir au dehors. C’est, elle, oui ! Mû par une impulsion subite, j’enfile mes grosses chaussures à la hâte et sors de la caverne à mon tour, une lampe torche à la main. J’éclaire les ténèbres. L’orage bat son plein. La silhouette n’en a cure. Elle s’éloigne d’un pas sûr. Ni la pluie, ni le vent, ni ma lampe ne semblent l’intéresser. Je m’époumone. « Alzbeth ! Attends ! » Je m'élance à sa poursuite. Je la rattrape. Je pense pouvoir la toucher mais ce qui devait arriver arrive. Ma dextérité limitée ne peut suivre le rythme effréné que j’impose à mon corps. La tête en feu, j’effleure l’ombre mais glisse et m’affale lourdement sur le sol. Mon crâne heurte une pierre. Décidément… Avant de perdre conscience, j’ai juste le temps de voir l’ombre se retourner et sourire. Ce n’est pas Alzbeth.
Elle s’appelle Nebel. C’est une lointaine cousine d’Alzbeth. De Peter Bjärgö également. Elle a plus d’une corde à son arc. Elle chante, écrit, compose et met en scène. Elle a eu de longues conversations avec le Mont Malinvern. Elle connaît le Mercantour. Elle connaît l’histoire du massif. Elle retranscrit ce que la nature du lieu, belle et revêche, a bien voulu lui conter. Me veut-elle du mal ? Elle sourit. Non. Elle me propose de me chanter, a capella, l’histoire du Dieu Orage. Ce que j’ai entendu dans la grotte est le troisième chapitre. "La ira". Il y en a quatre autres. Le conte dure douze minutes. C’est peu et beaucoup à la fois. Je suis sous le charme. Je veux lui sourire et la saisir. Mes doigts n’attrapent que du vide. Je lâche un râle, puis c’est le vide. C’est la fin. Je vais rester prisonnier de cet endroit. À jamais prisonnier de cet endroit.

Nous avons fini par trouver le chemin de Sospel. Avec mon imposant bandage sur la tête, je ne passe pas inaperçu. Mes amis m’appellent l’homme invisible. Je ris et feins l’amusement. Je me laisse légèrement décrocher et regarde ma montre. L’appréhension me gagne. Il reste douze heures avant que la nuit ne tombe à nouveau. Douze heures avant que Nebel et le Mont Malinvern me rappellent que je suis leur prisonnier. Alzbeth est partie mais… ai-je gagné au change ?