19730

CHRONIQUE PAR ...

98
Tabris
Cette chronique a été mise en ligne le 30 décembre 2024
Sa note : 14/20

LINE UP

-Lars Pontoppidan
(chant+guitare)

-Patrick Fragtrup
(chant+guitare)

-Tejs Kyhl
(batterie)

TRACKLIST

1) Lithification
2) Aurelia
3) Abyssal Clocks
4) Grasping Stone
5) Into Existence
6) Ancestral

DISCOGRAPHIE


Dying Hydra - Strange and Beautiful Things
(2024) - doom metal sludge, post-metal - Label : Black Grain Records



Hydre. Polype d'eau douce présent dans les cours d'eaux lents, les mares et les étangs. Quelques millimètres seulement. De l'embranchement des cnidaires. Ni squelette ni bouche, mais pourvue de tentacules urticantes comme feuilles d'orties. Projetant venin avant d'absorber, lentement, ses proies. Surtout, d'une fascinante capacité à se régénérer au point d'être considérée comme immortelle par les généticiens. Cependant que les poètes la projettent en furieuse créature mythologique. Ayant pour ascendance Échidna, la nymphe thérianthrope représentant le Chaos primordial, et Typhon, père de tous les monstres, titan des vents forts et des tempêtes. Figuration d'un mal rampant dont la force ne semble augmenter qu'en proportion des efforts déployés pour le réduire à néant. L'hydre. De minimal à phénoménal. Dying Hydra alors. Paradoxe d'une immortelle mourante. Pointant ici son doigt nihiliste vers l'humain et la menace qu'il constitue par sa seule existence et sa trop grande inconscience, pour lui-même, pour toute forme de vie. Autant de fabuleuses têtes tranchées que d’océans gravement gangrenés. Plongée...

Dying Hydra est une créature tricéphale qui s'extrait de la scène danoise underground où elle a vu le jour en 2018. Et elle étire lentement sa colonne gastrique composée de feuillets doom, sludge, et post-metal. En tension, ses trois têtes conscientes, Lars Pontoppidan, Patrick Fragtrup et Tejs Kyhl, nous découvrent six tentacules qui se déploient – lentement - pour chercher à nous enserrer. Les cnidocytes libérant la substance sonore destinée à nous maintenir dans la contemplation des profondeurs d'un Strange and Beautiful Things tourmenté.
Si d'entrée de jeu, la pose des sédiments de "Lithification" n'est pas sans rappeler brièvement la vision conceptuelle d'un autre collectif passé depuis longtemps maître dans l'art de façonner strates géologiques et ondes pélagiques, il n'est pas tant question ici de lever des salves scélérates pour les écraser sur un univers en formation que de rejoindre des abysses mugissantes contemporaines, pour ne plus, à aucun instant, ressortir la tête de l'eau. Bien que la trame soit empreinte de véhémence, il n'est aucune salve véritablement brutale si ce n'est dans son message induit. Certains amateurs de support linguistique auront peut-être à cœur d'entamer une lecture approfondie des lyrics (hélas non publiées à ce jour) pour mieux capturer la portée nihiliste du propos asséné par un chant qui ne manque pas de foi, mais nous pouvons aussi bien nous complaire dans une appréhension phénoménologique de l'affaire, guidés par notre seule subjective sensorialité, libres de nous accrocher ou non à une certaine lettre, découvrant au gré de cette instrumentation éloquente, fresques océaniques et figures fabuleuses.
« Soudain elle fait paraître sur sa face son superbe visage de Méduse que j’aimais tant, tout gonflé de haine, tout tordu, venimeux » disait Sartre. Et la voici donc. "Aurelia". Rappelons à notre attention l'illustration de la pochette réalisée par Kacper Gilka et il nous sera donné de voir que l'hydre s'acoquine ici d'un second cnidaire. Tous, nous sommes familiers de la repoussante créature qui d'un regard transforme ses ennemis en statue de pierre. Mais nous souvenons-nous de ce qui l'a rendue ainsi ? L'histoire tend à être repoussée au large. Comme autant de ces créatures spongieuses qui suscitent le dégoût voire les frayeurs des amateurs de libations salées. "Aurelia". La méduse bleue ou méduse-lune baignant dans ce languide mid-tempo secoué de remous. Mais entendons-nous un quelconque venin dans les salves de guitares ou bien sont davantage invoquées ici les merveilles d'une génétique que peu connaissent ? Car soudain, la structure du morceau se modifie, la pression s’accroît sensiblement, "Aurelia" s’imprègne de dangerosité, une sensation encore accrue par cette voix hantée, et de songer à ce processus de transdifférenciation – cette urgence vitale de rétablir la symétrie d'une structure cellulaire pour défier les blessures infligées ?
Plus grave et péremptoire, Dying Hydra va croissant. "Abyssal Clocks". Cette mesure du temps qui nous est assénée ici n'est certainement pas celle donnée par un chronomètre maritime aux navigateurs en perdition, mais peut-être davantage celle que sous tend la boucle thermohaline elle-même. Et si la toile instrumentale est ici tissée de mailles encore plus lourdes, si la pression se fait ici encore plus accablante, ce n'est peut-être pas tant pour illustrer la démesure de la masse océanique que l'excès phénoménal d'énergie thermique qu'elle absorbe. Abstraction dimensionnelle des plus parfaites pour le commun des mortels. Ici, le tempo, si obstinément lent qu'il confine à l’obsession métronomique, révèle un sens particulier. Et il n'est pas la mesure d'un temps géologique. Car ce temps n'est plus. Si Dying Hydra dresse ici d'épais murs de poix phonique autour de nous, n'est-ce pas pour mieux nous offrir cette expérience de pensée : la circulation océanique profonde est entravée. Cette vision doom hypnotique compose si justement ce frein inéluctable, elle exerce sur nous la pression anthropique qui corrompt l’aîné des titans, et l'éloquente acidité de ses guitares n'accuse que trop sa désormais vulnérabilité.
Soudain, le paysage se fracture. Le rythme s'accélère. Devient ritualiste. Tribal. La quatrième tentacule ne se contente pas de s'étirer. Brandissant sa menace spectrale, Dying Hydra ouvre ici une saillie plus profonde encore et nous jette à l'intérieur. "Grasping Stone" est violente à sa manière, dans sa gravité accrue, dans ses mouvements hélicoïdaux, dans l'obsédante amertume de ses riffs, tout à la fois suppliante et accusatrice dans ses imprécations. Une vision abyssale qui ne se trouve que plus accrue sous la gouvernance d'"Into Existence", la piste la plus conséquente de cette offrande, vindicative et saillante d'abord, jusqu'à cet instant d'accalmie, plein centre. Où Dying Hydra prend alors le temps de tisser ce que nous ne savons embrasser d'une seule pensée, d'un seul regard. Et cette onde de s'étendre sur nous – lentement - de manière obsédante. Dix minutes. Précisément le temps qu'il faut à l'hydre pour injecter ses neurotoxines et engouffrer sa proie... "Ancestral" viendra alors clore le chapitre de ce drame aquatique en érigeant son ultime fresque aux dimensions épiques, mêlant adroitement froideur et bouillonnement pour parachever la vision psychédélique portée par le fervent et vindicatif trio.


S'il est un reproche à faire à cette composition, ce sera son accès réservé. Sans doute trop. L'auditeur curieux ne devra en aucune façon se laisser abuser par la texture languide des compositions ni l'apparente compacité de cet ensemble, et lui accorder temps et attention. Car il faut une certaine obstination dans l'écoute de ce Strange and Beautiful Things. Jusqu'à ce que d'opaque, sa lecture devienne limpide. Alors seulement, les vibrations phoniques qui se propagent à travers la matière pour figurer abstraitement la fine complexité de l'onde aquatique, toutes les étrangetés et les beautés ici détourées, s'apprécient pleinement - en elles-même, autant que comme l'entame d'une réflexion profonde.






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