Chronique : Aara Eiger (2024)

CHRONIQUE PAR ...

TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 29 novembre 2024

Sa note : 15/20

LINE UP

-Fluss
(chant)

-Berg
(guitare+basse+claviers)

-Jöschu "J." Käser
(batterie)

TRACKLIST

1) Die das wilde Wetter fängt
2) Senkrechte Welten
3) Felsensang
4) Todesbiwak
5) Der Wahnsinn dort im Abgrund
6) Zurück zur roten Fluh
7) Grausig ist der Blick
8) Alptraum

DISCOGRAPHIE

Eiger (2024)

Aara - Eiger

(2024) - black metal un peu atmo - Label : Debemur Morti Productions

À la question, « mais comment un chroniqueur sélectionne-t-il ses promos » ? La réponse universelle, quand elle est différente de « au nombre de coups de fouet qu’il est capable de subir avant de céder » bien sûr, est évidemment le nombre de jeux de mots potentiels avec le nom du groupe concerné. Imaginez ma joie lorsque je vis Aara.

Tel l’ara, les Helvètes déploient leurs ailes rouges par-delà les flots calmes du lac Léman. Basés à Berne géographiquement, mais bel et bien scandinaves de cœur, le trio n’a d’yeux que pour le black metal froid et vindicatif. Et un peu aussi parsemé de délicatesses. Entendez, de la guitare sèche comme pour récompenser les plus réfractaires au noble genre noir de leur persévérance dans les mélodies. Car ce qui fait la force de Aara, ce sont les mélodies. Elles sont partout et elles caressent les tympans dans le sens du poil. Ce faisant, malgré sa brutalité consubstantielle, la musique de Eiger (rien à voir avec la bien trop chère marque de vêtement de ski, même si ça parle Alpes) est aisée à apprécier. Facile d’accès, elle pénètre les limbes de nos neurones sans barrière majeure. Dans ce cas, on se méfie de l’espérance de vie de l’endorphine alors générée.
Bonne surprise, celle-ci tient le choc des écoutes répétées. Peut-être grâce aux interventions multiples des guitares acoustiques donc, dont la douceur éveille notre palpitant au milieu des déluges de fracas sonores. Ou peut-être par ce fracas sonore justement, porté par une production sans faille dans son genre, puissante, froide mais incisive. Du fort bel ouvrage car elle parvient à conserver le léger degré d’abrasion nécessaire afin d'éviter la soupe populaire. Bien joué les gars. Par ces caractéristiques, et par son chant en retrait et étouffé, Eiger rappelle le fameux Litourgiya du Batushka originel (avant la scission et des années de litige). Puissance implacable, riffs simples mais efficaces, mélodies omniprésentes pour faire passer crème l’affaire. Puissance de feu qui se matérialise dans une grosse caisse qui vous martèle les cages à miel avec un superbe coffre, faites chauffer vos caissons de basses. Et également dans les guitares dont le spectre sonore étendu ramasse tout sur son passage. Pas fin, mais efficace.
Efficace, mot qui revient dans cette chronique, à dessein. Cela qualifie excessivement bien l’œuvre de Aara. Galopant à toute berzingue pour y revenir, dans son haras, la formation connaît sur le bout des ongles son objectif et se donne tous les moyens pour y accéder. Objectif qui prend la forme d’une destruction méthodique de vous, auditeurs, afin de vous reconstruire délicatement via ces fameux intermèdes acoustiques. Après on pourra râler à propos des gros sabots de l’ensemble, l’argument est recevable. Pour autant, c’est quand même sacrément bien fait dans son genre, alors autant ne pas jouer trop les pisse-froid et apprécier l’album pour ce qu’il est : une excellente sortie.

Amateur de black mélodique et implacable qui ne rechigne pas devant une brutalité savamment contingentée, ce Eiger vous fait de l’œil. N’hésitez pas à céder à la tentation, il vous le rendra bien. Vous terminerez fourbus, mais non harassés. Pour les grincheux, dont je fais évidemment partie, on reprochera cette très grande facilité à l’écoute. Le noir, le froid, la violence, tout est là, mais c’est quand même un micro-poil trop joli.