En l'an 2000, le retour récent du heavy traditionnel sur le devant de la scène ne pouvait pas laisser indifférent un de ses plus illustres représentants, Rob Halford lui-même. Alors, avec un titre d'album un brin opportuniste et une pochette qui ne l'est pas moins, Rob Halford entendait bien rappeler à tous ces groupes de true metal que le Metal God, c'est bien lui et personne d'autre ! Bruce Dickinson avait réussi son retour au heavy metal classique sur Accident Of Birth, en s'entourant de Roy Z pour les compositions. Et puisque ça a marché avec Bruce, pourquoi pas avec Rob ?
Désormais, Roy Z est au heavy metal ce que Jean-Jacques Goldman est à la variété française : un compositeur au service des autres. Malheureusement, il a le même défaut que Jean-Jacques justement, son style d'écriture a un peu tendance à se répéter et ce, quels que soient les artistes avec qui il travaille. Roy Z a su s'adapter au style d'Halford, mais on peut quand même noter la ressemblance de certains riffs ou solos avec ceux d'Accident Of Birth. C'est flagrant sur "Made In Hell" par exemple ou sur les harmonies à la fin de "Cyberworld", elles me font penser à du Helloween.
Depuis son départ de Judas Priest, Rob Halford s'était complètement éloigné du heavy priestien avec les albums modernes et agressifs de Fight (auxquels je n'ai jamais accroché), ainsi que le projet indus Two sur lequel Rob n'hurlait pas une seule fois (du jamais vu !). Resurrection est donc un album combinant ses travaux avec Judas Priest et Fight. Loin d'être la bombe annoncée à l'époque, Resurrection fait partie de ces albums de heavy metal de seconde zone, quelconques mais pas désagréables en soi, rien de mauvais là dedans. Mais difficile aussi de trouver des morceaux qui se démarquent réellement, c'est le principe de l'album moyen quoi ! La faute à ses musiciens ? Pas vraiment puisque Rob s'est entouré d'une fine équipe (bien qu'on ne les voit pas en photo, seul le Metal Rob est à l'honneur dans le livret) qui sait ce que le mot heavy metal veut dire. Le heavy tel qu'on l'entendait dans les années 80, basique, carré et mid-tempo. On est d'ailleurs plus proche du Priest des années 80 avec Dave Holland à la batterie, que celui avec Scott Travis ce qui n'est pas pour me déplaire.
Donc finalement, contrairement à ce qu'on aurait pu croire au départ, Halford effectue certes un retour aux sources qui pourra sembler opportuniste, en tentant de récupérer tous les fans déçus par Fight et Two. Mais non, Halford n'a pas suivi la mode pour autant, Resurrection n'a RIEN en commun avec la scène true metal trop en vogue en l'an 2000. Vous ne risquez pas d'entendre des batteries triggées, avec de la double pédale à fond et des mélodies infantiles. Dès le hurlement de l'intro du disque sur le morceau-titre "Resurrection", Rob prouve qu'il a encore de la voix, les montées dans les aiguës, il les maîtrise haut la main ! Mais sa manière de chanter haut sur ce titre ne sonne pas vraiment naturel, ça fait vraiment forcé. Et dès qu'il chante avec sa voix rauque, force est de constater qu'elle a perdu en puissance. Il faut se faire une raison, sa voix ne nous fera plus autant vibrer que sur Painkiller, sorti dix ans avant.
Mais il faut quand même relativiser, si l'on compare avec d'autres vieilles gloires comme Ozzy ou Ian Gillan, le Metal God a de beaux restes. Parmi les meilleurs titres, on retiendra avant tout le poignant "Silent Screams", la seule ballade de l'album, même si ses arrangements avec les claviers sonnent un peu "soupe" (quelle misère, on se croirait sur Virtual XI). "Night Fall", "Temptation" et "Slow Down" sont les seuls morceaux à avoir des refrains dignes de ce nom, chantants et tout, et s'éloignant du stéréotype des refrains «in your face» propres à ce disque. "Cyberworld" est également un morceau heavy sympatique, avec utilisation légère de la double pédale et "Locked And Loaded" peut faire penser à une version moderne de l'époque Screaming For Vengeance. Pour le reste, rien de bien folichon, et le duo avec Bruce Dickinson ne change pas grand chose à l'affaire. Pour dire vrai, ce duo apparaît sur un des plus mauvais morceau de l'album, "The One You Love To Hate", avec un refrain d'une nullité absolue (presque rappé). Ce duo n'est pas resté dans les annales en tout cas, c'était difficile de faire plus banal.
Ce disque a été très bien accueilli à sa sortie pour une raison très simple : Halford sonnait davantage comme le Priest que Judas eux-mêmes sur Jugulator. Donc les fans ont jubilé, c'est simple non ? Halford profitera de son succès pour enregistrer un album live de la tournée qui suivra, un live rempli aux 3/4 de reprises de Judas Priest, ce qui ne fera que confirmer l'aspect mercantile de cette "résurrection". Pourtant, le second album studio, Crucible, prouvera qu'Halford était prêt à aller de l'avant et à ne pas se reposer sur ses lauriers (dorés). Il ne marchera pas aussi bien que Resurrection. Le manager d'Halford accusera même sa maison de disque Sanctuary d'avoir fait exprès de ne pas promouvoir Crucible afin de précipiter le retour du Metal God dans Judas Priest. Finalement, c'est bien ce qui s'est passé.