Chronique : Sgàile Ideals & Morality (2021)

CHRONIQUE PAR ...

Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 22 février 2024

Sa note : 14/20

LINE UP

-Tony Dunn
(tout)

TRACKLIST

1) An Ath Rud
2) The Summit
3) Instinct
4) The Generalist
5) Enlighten Me
6) Kick Louder, Kick Harder
7) Eternal Tales
8) Façade

DISCOGRAPHIE

Ideals & Morality (2021)
Traverse the Bealach (2024)

Sgàile - Ideals & Morality

(2021) - post rock heavy metal folk - Label : AvantGarde Music

Si certains projets solo s’apparentent à des parenthèses – ludiques, boudeuses, cathartiques ou tout en même temps - d’autres sont le fruit d’une motivation plus profonde. Après avoir enregistré pour Falloch et Cnoc An Tursa, et tourné avec Andy Marshall aka Saor, Tony Dunn sort de l’ombre, « sgàile » en gaélique, où il estimait se trouver lorsqu’il jouait pour ces représentants de la scène metal écossaise. Et ce n’est pas pour les dupliquer.

Quelques singles égrenés à partir de 2019 précèdent le premier album de Sgàile, Ideals & Morality, qui sort à la toute fin de l’année 2021. Le musicien, crédité pour tous les instruments, est épaulé par Mike Lamb (Sojourner, Light Field Reverie) à la production. L’implication de ce dernier dans la réalisation s’entend d’emblée via un instrumental atmosphérique nimbé d’arpèges cristallins, renforcés puis submergés par la paire basse-batterie et la guitare électrique. Pas de voix caverneuse ni de piano omniprésent comme chez Sojourner cependant, ni d’enrobage électro façon Light Field Reverie : " The Summit", l’un des singles sus-évoqués, est un tempo enlevé, guidé par un riff heavy metal et relayé par un chant clair et puissant. La résolution sensible des lignes vocales de Dunn, faisant songer parfois à celles Karnivool, influence revendiquée, est un marqueur déterminant du recueil. Aigu mais pas strident, son timbre renforce et adoucit à la fois l’héroïsme des thèmes déroulés tout au long de l’œuvre. Point d’ovin en bandoulière ou de flûtiau champêtre, ici l’instrumentation reste celle du rock/ metal classique.
Pourtant, chaque titre sonne comme un hymne folk des Highlands (ou la manière dont on les imagine). Des hymnes sans véritables refrains pour la plupart, avec des guitares en trémolos sur plusieurs passages ("Instinct", "Eternal Tales" notamment) qui donnent l’impression d’entendre des versions semi black metal de Leprous, autre modèle cité par Dunn. Les vocalises s’enchaînent, le plus souvent soutenues par des chœurs qui font « oh-oh-oh-oh » et dont la répétition peut lasser lorsque l’inspiration est moins flamboyante ("The Generalist", "Enlighten Me"). Heureusement, une vigueur rarement démentie dynamise toutes les pistes, y compris lorsque le chant séraphique n’est pas de la partie, sur "Kick Louder, Kick Harder". On pourra regretter que certaines séquences soient alourdies par une batterie surmixée, insuffisante néanmoins pour gâcher la très bonne impression d’ensemble, couronnée par un final consistant d’un quart d’heure intitulé "Façade". Les variations successives flirtent avec le metal progressif sans les démonstrations techniques tandis que la densité sonore suggère une approche lo-fi des murs de son dressés par Devin Townsend, référence majeure de Dunn. Il est heureux que, volontairement ou non, le Britannique se soit détaché de son mentor proclamé.

Fervent et élégiaque, Ideals & Morality embarquera toutes les personnes prêtes à voyager en musique, les yeux fermés et le casque sur les oreilles. Les mirettes grandes ouvertes et les haut-parleurs à balle, ça fonctionne aussi, grâce à des compositions épiques gouvernées par l’émotion, à l’écriture certes un peu systématique mais d’une force qui s’impose irrésistiblement. Oui, Tony Dunn a bien fait de voler de ses propres ailes. Et puis, quelle voix !