Chronique : Piolun Rezki Goryczy (2022)

CHRONIQUE PAR ...

Wineyard
Cette chronique a été mise en ligne le 18 janvier 2024

Sa note : 16/20

LINE UP

-Łukasz "Sorh" Barański
(chant+guitare)

-Vitor
(batterie)

Ont participé à l'enregistrement :

-Exurge
(chant)

-S.
(chœurs sur 3 et 7)

TRACKLIST

1) Trwoga I
2) W stronę światła
3) Blady świt
4) Trwoga II
5) I wszystko marność
6) Imię Gwiazdy
7) Antychryst

DISCOGRAPHIE

Rezki Goryczy (2022)

Piolun - Rezki Goryczy

(2022) - black metal Sans tache polonais - Label : Shattered Symbols Productions

La scène black metal polonaise est plus dense qu’il n’y paraît. Je n’ai pas écrit « vaste », mais « dense », dans le sens qu’elle n’est pas forcément très peuplée, mais plutôt qualitative. Derrière les Behemoth, Mglà, Batushka et ses frères, il y a quand même de la matière. Certes, beaucoup sont des resucées des suscités avec plus ou moins de bonheur, entre la violence pure qui s’assagit avec l’âge (ramolli, c’est vous qui le dites), le surf sur la vague nouvelle, le mystique familial décomposé (vous mettrez dans l’ordre si ce n’est pas le cas), il n’en demeure pas moins qu’il reste pas mal de créativité et une identité particulière. Piołun, c’est un vent de fraîcheur. Des membres pas ou peu connus, une histoire récente, une pochette originale et plutôt réussie mais inhabituelle pour du black, un chant dans la langue et des compositions qui m’ont appâté.

Allez, je vais t’avouer la vérité : le titre qui m’a appelé à lui, c’est "Imię Gwiazdy". Par hasard, et ce n’est pas le titre de cet album, mais son ambiance est très spéciale, un peu folk, un peu décalée. Je me suis vu replongé dans Во Скорбях et son unique et fabuleux album éponyme, juste sur la sonorité et l’ambiance, car le style est assez différent. Je me suis convaincu tout seul qu’un groupe de black capable de cette fulgurance avait d’autres cordes à son arc, et je me suis laissé prendre à écouter l’album, une, deux, puis dix fois. Et il a germé en moi, petit à petit, jusqu’à ce que j’en arrive à l’écouter au moins une fois par jour, sans lassitude, avec un désir croissant. Et c’est assez étrange en définitive, car il n’y a pas de temps très fort, mais pas de temps faible non plus. Pas d’envolée spectaculaire, pas de passage particulièrement jouissif, pas de plaisir immédiat.
C’est cela, pas de poil qui dépasse, une épilation parfaite pour un résultat sans reproche. Je t’ai vendu du rêve là, n’est-ce pas ? Alors, pourquoi cela marche-t-il ? Probablement pour l’ensemble. Le growl est très bon, les mélodies semblent calculées pour ne pas trop en donner trop vite, le tempo n’est ni trop rapide, ni trop lent, pas de blast classique, une certaine dose de noirceur avec des morceaux de pagan dedans et de la froideur, très présente. Et il faut bien avouer que le polonais en chant black, c’est presque aussi classe que le norvégien ou l’allemand. Finalement, Rezki Goryczy, c’est une savante alchimie de quelques éléments indispensables au genre, assemblés avec un vrai savoir-faire et sans aucune fausse note. Ce n’est pas original me diras-tu fort justement, et je te répondrai qu’en effet, il n’y a pas d’originalité. Juste le plaisir d’un black bien fait, juste comme je l’aime.

Pour imager un peu plus cette dernière tirade sur l’originalité : un bœuf bourguignon ou une blanquette de veau, sans faire montre d’originalité ni d’inventivité, restent néanmoins des sources de plaisirs du palais qui ne s’affadissent pas avec le temps. Nos goûts évoluent, nos habitudes culinaires changent, mais on revient toujours un jour ou l’autre aux basiques, simples dans l’esprit, mais délectables quoi qu’il arrive. Rzeki Goryczy, c’est un peu cela. Du black de l’est classique, mais tellement bien fait qu’on y revient souvent. Faut-il encore y venir pour y revenir, et c’est l’objet de cette chronique : vas-y.