Chronique : Urkraft Lyset skinner best i mørket (2023)

CHRONIQUE PAR ...

Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 27 mai 2023

Sa note : 17/20

LINE UP

-Andreas Wærholm
(tout)

TRACKLIST

1) Lyset skinner best i mørket
2) Trollbundet
3) Vindafjord
4) Nattevandreren
5) Riket
6) Kakofoni
7) Veien alle må ta

DISCOGRAPHIE

Lyset skinner best i mørket (2023)

Urkraft - Lyset skinner best i mørket

(2023) - black metal - Label : Polypus Records

Hansel et Gretel sont assis au bord de l’étang. Elle lance paresseusement des cailloux dans l’eau. Il fredonne d’une voix lasse. « Promenons-nous dans les bois… » Cachée derrière un buisson, la sorcière de la cabane les observe. « Avant que le loup y soit… » Ils attendent que les derniers rayons de soleil disparaissent. « Promenons-nous dans les bois… » Plof ! Au son du clapotis, la forêt bruisse. « Est-ce que le fantôme viendra ? »

Il ne manquera pas de venir. Mieux que ça : dans ce conte sylvestre qu’est Lyset skinner best i mørket (traduction approximative, j’imagine : « la lumière brille mieux dans l’obscurité »), le fantôme ne s’est jamais en allé. Il hante ces cinquante-deux minutes de sa présence très peu dense. Le projet solo d’Andreas possède autant de corps et de brutalité que Wolves in the Throne Room ou Agalloch, à savoir pas beaucoup. C’est ce manque de consistance qui fait le charme d’une œuvre à déconseiller, je pense, à ceux qui veulent découvrir le black metal atmosphérique. Cette incorporalité générale, que le rythme bien souvent effréné n’atténue pas, couplée à l’aspect biscornu des dernières compositions et au chant grogné assez spécial, devrait les faire fuir. En revanche, les personnes ayant déjà goûté aux joies de ce genre délicat pourraient y trouver leur compte. La dissonance y côtoie la beauté et la mélancolie. Les arpèges et les chœurs se mélangent aux plaintes d’Andreas, transformé en Gollum hantant les bois. Tout est confus, vous ne pourrez pas vous agripper à grand-chose. Tous les titres se dérobent dès qu’on essaye de les saisir, à l’exception de l’intermède "Nattevandreren", beau moment de nostalgie post-rock, franc du collier, tellement direct qu’il en est presque incongru au milieu de toutes ces nuances.
L’autre pause, "Kakofoni", est, elle, plus conforme à ce que l’on attend d’un album spectral. En ce qui concerne les quatre « vrais » titres, ils contribuent tous à la magie de l’ensemble, mais les deux premiers s’avèrent un peu plus attendus que les deux derniers. Le titre éponyme et "Trollbundet" commencent le travail, leur pâleur et leur rapidité dressent le portrait global de l’œuvre, mais cette dernière devient vraiment grande et quelque peu inattendue avec "Riket". L’ombre du bel Enslaved progressif (comprendre Ruun et Isa) plane sur eux - rien de très surprenant jusque-là, puisque tous les albums de ce style renvoient fatalement au bel Enslaved progressif - mais, surtout, de nouveaux éléments viennent les enrichir et leur conférer de la force, tout fantomatiques qu’ils soient. Le break central dissonant de "Riket" débouche sur un sublime mariage entre râles et chœurs. Quant à "Veien alle må ta", c’est carrément du côté de Skuggsjá qu’il faut aller chercher les références. La puissance atmosphérique se dégageant du titre n’a d’égale que la beauté triste et misérable de sa seconde moitié, où les claviers terminent le travail, tout seuls. Seuls. En attendant que le loup vienne.

-Tu crois que Papa et Maman nous retrouveront un jour ?
-J’espère bien que non… Écoute ! C’est lui ?
-Oui, c’est lui.
Lyset skinner best i mørket est une plainte venant des bois, portée par le vent. C'est un conte étrange également. Un drôle d’objet, mélangeant beauté et laideur. Et c’est une bonne idée, ça. La beauté brille plus fort dans la laideur.