Chronique : Coven Blood On The Snow (1974)

CHRONIQUE PAR ...

Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 03 février 2023

Sa note : 17/20

LINE UP

-Esther "Jinx" Dawson
(chant)

-Christopher Neilsen
(chant+guitare)

-John Nolan Hobbs
(claviers)

-Gregory Louis "Oz" Osborne
(basse)

-Steven Earl "Steve" Ross
(batterie)

Ont participé à l’enregistrement :

- Frank Smith
(saxophone sur "Easy Evil")

-Alan Estes
(congas sur "Easy Evil")

TRACKLIST

1) Don't Call Me
2) This Song's For All You Children
3) Lady O
4) Blue Blue Ships
5) I Need a Hundred of You
6) Hide Your Daughters
7) Lost Without a Trace
8) Easy Evil
9) Blood on the Snow

DISCOGRAPHIE

Blood On The Snow (1974)

Coven - Blood On The Snow

(1974) - pop rock hard rock - Label : Buddah Records

Groupe maudit ayant injecté l’occultisme dans le rock sans en retirer le moindre bénéfice, ce serait plutôt l’inverse, Coven (« assemblée de sorcières ») délivre son troisième LP en 1974 après sept ans d’existence, loin des cadences infernales de Deep Purple, Led Zeppelin et autre Alice Cooper. Le rock mute, Coven aussi. Mais à sa manière, suggérée par la pochette de Blood on the Snow : familière et distinguée.

Adaptation d’une lithographie de Louis-Léopold Boilly intitulée "Le Songe de Tartini" (1824), l’illustration est centrée sur Belzébuth, violon en main, inspirant au cours d'un rêve le virtuose italien auteur de la "Sonate des trilles du Diable" - « Il trillo del diavolo ». L’artwork semble indiquer un retour aux racines de la formation emmenée par Esther « Jinx » Dawson, adepte déclarée de la Left Hand Path (la magie noire, grossièrement) qui n’avait pas fait dans la demi mesure en intitulant son premier recueil Witchcraft Destroys Minds & Reaps Soul. Sorti en 1969, celui-ci s’achevait sur une messe noire de treize minutes ponctuée de « Hail Satan ! », sous l’impulsion du producteur qui avait fait signer cet équipage effrayant dont personne ne voulait, après avoir assisté à l’un de ses concerts décrits comme un « opéra rock morbide et gothique ». Hélas pour les sulfureux Nord-Américains, un article du magazine Esquire dans lequel un lien est fait entre leur musique et les meurtres de la Manson Family fait paniquer la maison de disque qui demande à ce que l’objet soit retiré des magasins aux États-Unis. Pourtant, hormis une incantation douce, et brève, placée à la fin de la réalisation, en sus de quelques paroles cryptiques, Blood on the Snow n’est pas une ode explicite au Malin.
Au contraire, le climat se fait solaire sur des occurrences comme "Lady O", bardée d’arrangements de cordes magnifiques qui rappellent la pop ciselée des sixties, ainsi que sa déclinaison fiévreuse "Blue Blue Ships" sur laquelle les guitares sont de sortie. Celles-ci ont tonné le rock lourd en ouverture sur "Don’t Call Me", porté par un riff qui aurait eu sa place sur Billion Dollar Babies d’Alice Cooper publié un an auparavant, avec piano en soutien. Le surmixage des chœurs étonne d’autant plus que le son concocté par Shel Talmy, s'il n’a pas la clarté des productions de Led Zeppelin, parvient sur le reste de l'œuvre à marier la saturation de la six-cordes du compétent Christopher Neilsen avec le flux à la fois puissant et cristallin cascadant des claviers omniprésents de John Hobbs. Celui qui s’occupa du son des Kinks et du Tommy de The Who contribue à instiller une atmosphère mélancolique, un brin surannée, en phase avec la fluidité souriante d’"I Need a Hundred of You" à qui il manque un chouïa d’accroche sur le refrain à l’instar de quelques pistes telles que la ballade "Lost Without a Trace", sublimée par Jinx Dawson. Faisant preuve d’une maîtrise désormais affirmée lorsqu’elle hausse le ton, celle qui reçut une formation lyrique livre une prestation magistrale, lui permettant de se mesurer aux meilleures à l’occasion d’une reprise d’"Easy Evil" interprétée auparavant par rien moins que Sarah Vaughan et Dusty Springfield. La version Coven est logiquement plus heavy, mêlant congas, piano, inflexions soul et double solo de saxophone. Sur ce morceau les intonations de Jinx s’éloignent de celles de Grace Slick du Jefferson Airplane, devenu Jefferson Starship, évoquant davantage Janis Joplin - il y a des marrainages plus honteux.
La frontwoman dynamise "Hide Your Daughters", plutôt Christine McVie et Fleetwood Mac période Mystery to Me pour le coup, petite succulence guidée par une guitare bluesy rappelant la tonalité de l’enregistrement précédent. Jinx prend le relais au micro de son compagnon masculin en mode « laisse, je vais le faire, t’es crevé » et domine un refrain envoûtant que soutient un groove vigoureux. Nielsen conclut la belle affaire d'un solo tendu alors qu'il se fait beaucoup plus discret sur "This Song's For All You Children", bijou de pop song gothique qui rappelle le seul hit du groupe, "One Tin Soldier (The Legend Of Billy Jack)" à la tonalité toutefois plus champêtre. Les mots peinent à décrire cette chanson décalée, magnifique, dont seule la parution sur un label confidentiel – et une dizaine d’années de retard sur la mode du moment – peut expliquer l’insuccès auprès du grand public (qui n’y a sans doute pas eu accès). L’émotion court tout au long de la mélodie ensorcelante magnifiée par Jinx et une chorale venue d’un endroit qui ne peut-être que le Paradis.

Guitares lourdes serties d’arrangements soyeux, mariage d’un hard rock classieux et de pop lumineuse, Blood on the Snow est la synthèse heureuse d’influences en apparence contradictoires, entre Alice Cooper et Fleetwood Mac. La qualité et la variété des compositions, servie par une interprétation de premier plan, permettent à la magnétique Jinx Dawson et sa bande de passer dans la cour des grands. L’espace d’un album, Coven a prouvé qu’il valait mieux que le statut de précurseur inconnu de Black Sabbath.