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CHRONIQUE PAR ...

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Djentleman
Cette chronique a été mise en ligne le 23 octobre 2022
Sa note : 16/20

LINE UP

-Andrey "Farmakon" Shepelevich
(chant+guitare+basse+programmation)

-Hatestorm
(batterie)

TRACKLIST

1) WIMG
2) I'm Not Yours
3) Check It
4) I'm A Human
5) I See It This Way
6) Be There
7) Madonna
8) Sorry Man
9) Blacker Than Black

DISCOGRAPHIE

By Chance (2020)

Mora Prokaza - By Chance
(2020) - black metal avant-gardiste/expérimental - Label : Season Of Mist



Mars 2020. La Terre s’arrête de tourner. En cause, une sale bactérie qui s’est mise en tête de voyager sans passeport. Mais une nation n’a que faire de ce « petit rhume » et décide de continuer à vivre le plus normalement du monde : la Biélorussie. C’est d’ailleurs le seul pays européen qui ne mettra pas en pause son championnat de football professionnel. Et à l’image de son gouvernement, Mora Prokaza n’a que faire de la mode et des règles, en l'occurrence ici, du black metal.

En termes de changements radicaux, Mora Prokaza s’y connait rudement bien. Car si l’on suit le groupe depuis ses débuts en 2013, et ses deux albums Bringer Of Plague en 2015 et Dark Universe en 2016, on ne peut qu’être radicalement interloqué par la métamorphose du duo. En effet, le binôme composé du multi-instrumentiste (et membre fondateur) Farmakon, ainsi que du batteur Hatestorm, arrivé deux ans après la création (qui participera donc aux deux opus qui verront ensuite le jour), officiait dans un black metal on ne peut plus classique avant de dévoiler ces trente-deux minutes de By Chance en plein milieu de l’année maudite. Ce fut aussi l’occasion pour les deux larrons de changer de label et de passer chez le minuscule et très peu reconnu Season Of Mist, sans pour autant déléguer la production de leur travail. De l’enregistrement dans les Studios Mora Prokaza, en passant par le mix/mastering par Andrey Shepelevich – qui n’est autre que la tête pensante Farmakon – sans oublier l’artwork quasi bichromatique, tout est un pur produit de la maison. Le label est ainsi dégoté afin de concrétiser leur montée en puissance, après être passé par Black Metal Cult Records puis More Hate Productions auparavant. Non conventionnel vous avez dit ?
« Conventionnel » est sûrement le mot le plus éloigné de la définition même de Mora Prokaza, dont la traduction la plus authentique serait « Mer de Lèpre ». Vous avez saisi. La paire biélorusse n’a que faire des conventions et des codes. « Quelle originalité pour un groupe de metal » pourrait-on rétorquer à juste titre. Sauf qu’ici, nous évoluons dans le monde hostile du black metal. Et vous savez tout aussi bien que moi que l’on baigne plus dans le conservatisme que dans le progressisme. Alors, quand on passe d’un black metal « old school » et traditionnel, à ce que l’on pourrait qualifier d’un subtil mélange entre de l’avant-garde black et de la new school trap – ou simplement du black expérimental – il faut rester droit dans ses bottes et n’avoir que faire des jugements de ses pairs. D’ailleurs, si vous demandez au cerveau Farmakon, s’il se définit ainsi, il vous dira sûrement que ce n’est pas le cas, que rien n’a été créé spécifiquement, mais que tout lui est venu de manière naturelle. Une sorte d’assemblage. À peu de choses près, il pourrait même se reposer sur la définition de la chance, et invoquer le fait que c’est une puissance cachée qui a orienté à son gré le cours des événements dans un sens favorable à la création artistique de l’œuvre qu’il a nommé By Chance. Peut-être en hommage à cette dernière ? En attendant, au gré des neuf titres assez condensés, puisqu’oscillant entre 2’40 et 3’40 (hormis la très expérimentale/jazzy "I See It This Way"), vous pourrez déceler de l’harmonica dans "I’m Not Yours", deviner un accordéon, de la clarinette et du tuba dans "Check It", profiter d’un saxophone sur la piste précédemment nommée ainsi que sur "I See It This Way", et découvrir ce que donnent des éléments trap dans ce genre d’ambiance, avec "WIMG" et "Be There" notamment. Pour les plus académiques qui n’auront pas déjà déguerpi, contentez-vous des passages on ne peut plus typés black dans "Check It" et "I’m A Human".
Mais toute cette mixture musicale n’est qu’une facette de l’identité de cet album surprenant. Et si elle est loin d’être négligeable, elle est indissociable de l’autre moitié. Elle est même à son service. La perspective secondaire est la folie omniprésente. Dans cette cuvée, on la retrouve dans l’ADN profond de Mora Prokaza. Aussi bien dans les paroles et le chant, que dans l’instrumentation ou même les clips. Tout est fait pour vous mettre dans un certain inconfort. L’ambiance est volontairement dérangeante, glauque et malaisante sans tomber toutefois dans le nauséabond et le malfaisant comme certaines autres formations de black aiment livrer. On peut tout d’abord penser à la voix de Farmakon, très screamée, très écorchée, parfois à la limite de l’aboiement ou de l’étranglement, couplée à un débit très particulier rendant les paroles difficilement intelligibles même pour un russophone. Car oui, hormis les titres et quelques balbutiements en anglais dans "WIMG" (qui est d’ailleurs l’acronyme de « Where Is My Gun » et "Blacker Than Black", la totalité des paroles sont en russe, et non en biélorusse, étonnamment. De quoi traitent-elles ? Comme vous aurez pu vous en douter, pas de contes de fée, d’amour et d’écologie, mais en très grande partie de la violence et du rejet de la société, ainsi que du mal-être, mais SURTOUT de la folie. La folie pure et dure dans son sens le plus brut. Et chaque bribe de la partition jouée par le duetto est là pour vous l’évoquer. On alterne alors entre des riffs de guitare distordus à la Car Bomb ou Frontierer dans "I’m A Human", et "I’m Not Yours", cette dernière nous balançant même une alternance mono droite/gauche qui vous perturbera à n’en point douter. Mais l’élément le plus représentatif de cette démence repose certainement dans la répétition à outrance du titre de manière aliénante dans plus de la moitié des pistes, comme si une petite voix résonnait et rebondissait dans votre tête et s’entretenait avec vous de manière unilatérale. Oppressant vous dites ? C’était sûrement votre avis avant de voir les clips que nous ont concocté ces Biélorusses. Au hasard, allez voir celui de "Check It". J’ai cru entendre le mot « sordide » dans l’auditoire ?
En même temps, comment pourrait-il en être autrement quand on connait le contexte dans lequel l’auteur-compositeur Farmakon est né et a baigné durant son enfance et adolescence ? Né à Minsk durant la perestroïka (la période de reconstruction post-soviétique due a l’effondrement de l’URSS), vivant au contact plus ou moins direct de toxicomanes et de sans-abris, un des rares « jouets » qu’il pouvait se procurer était matérialisé sous la forme d'une seringue. Quand il n’errait pas dans la rue, il passait ses étés dans des camps pour enfants, dont les soviétiques raffolaient à l’époque. C’est là qu’il a reçu une bonne partie de son éducation, sa mère étant trop occupée par son travail pour lui en inculquer une correcte. Il a donc été habitué très jeune à la solitude et dès qu’il fut en âge, il a multiplié les petits boulots sans futur. Abandonnant l’école à seize ans, il en profite pour quitter le domicile familial et se débrouille pour trouver une chambre dans un appartement communal, vestige de l’ère communiste. Foyer qu’il occupe d’ailleurs toujours aujourd’hui. Et c’est parmi un voisinage très . . . bigarré et disparate pour ainsi dire, qu’il va évoluer et continuer de se forger. Entre alcooliques, rebus de la société, personnes âgées et d’autres se rapprochant à grands pas de l’égarement psychologique, c’est un terreau très fertile pour composer ce genre de musique. Il raconte avoir ramassé le cadavre de sa voisine, entendu régulièrement ses voisins, frère et sœur, commettre des actes incestueux, sa voisine complètement déréglée passer son temps à avoir des dialogues avec des personnes imaginaires ou même aboyer. Vous ne rêvez certainement pas de vivre dans ce genre d’endroits avec un entourage social de ce type. Et pourtant, par chance, sans eux, nous n’aurions pas eu le droit à cette œuvre brute et authentique de Mora Prokaza.


By Chance n’a pas été conçu pour attirer foultitude d’auditeurs, c’est évident. La folie est plus repoussante qu’attirante. Et pourtant une œuvre aussi naturelle que celle-ci représente l’essence même de l’art et de la musique en particulier, puisque Mora Prokaza a puisé ses thèmes dans les ressources qui l’entourent et dans l’instrumentation qu’il apprécie, faisant fi des canons et préceptes que le black aime imposer. Voilà des artistes qui bossent pour eux et non pour leur public.





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