Par moment, je m’auto-saoule. Prenez par exemple cette intro, j’allais pour la énième fois tenter le coup du « Question pour un champion » avec un « Je suis ». En l’occurrence, il aurait parlé de Norvège et d’arriver à la conclusion qu’on parle black metal. Le temps a ceci de lassant, c’est qu’il est cyclique. On finit toujours par retomber sur une de nos conneries. Fatalement.
Vetter ne mérite pas cela pour sa part. Car Vetter fait effectivement du black metal et vient bien de Norvège. Deux éléments absolument pas originaux en soit. Vetter n’est d’ailleurs pas original pour un pou. Pourtant, Vetter dégage une aura. Car Vetter s’étale sur de longues plages en proposant des compositions riches d’atmosphères à défaut de riffs. Le type de musique qui vous questionne sur la bonne tenue de votre système de jugement. Le son est rude, le niveau technique est parcellaire et la richesse quasi absente. Cependant… Nous le savons bien, la musique n’est pas qu’affaire d’évaluations stériles, elle tire également sur notre cœur, nos sentiments bruts. Vetter a bien compris qu’il n’a aucune raison d’affronter la concurrence frontalement sur un terrain perdu d’avance. Alors, constat fait, autant s’armer de ses propres munitions. Un black metal bourré d’émotions. Et froid comme un pleutre.
Le son joue évidemment un rôle prépondérant. Approximatif, et malgré tout semblant parfaitement maîtrisé dans ses divagations. La guitare est froide, lointaine, elle déchaîne la tempête de neige. Toutefois, ce qui surprend le plus est la rapacité de la basse, discrètement mise en avant et suffisamment puissante pour véhiculer un message complémentaire. Les coups de boutoir de votre descente dans les tourbillons des blizzards infinis. Cela peut ne paraître qu’un détail, c’est un révélateur de l’attention portée à la musique dans sa totalité, la vision complète d’une œuvre qui fait un tout plus que la somme de parties indépendantes. Vetter touche donc la corde sensible du malfrat noir en quête de sa dose de glace pilée. Et il le fait autant avec application que talent. Peut-être alors tout l’historique du groupe prend-il son importance.
Vingt ans d’existence déjà, certes deux albums uniquement, mais du coup l’appropriation patiente des codes d’un genre, et la maturation lente d’un art qui prend tout son sens désormais. Av sublim natur est une ode à la nature comme son nom le désigne clairement. Les tempêtes de neige déjà évoquées bien sûr, la sublime déliquescence lente et obstinée de notre passage sur Terre ou encore la certitude de mal finir ce voyage. Le risque de toute cette démonstration à portée unique se nomme lassitude. Lassitude des effets ou des moyens. Le seul moyen de contrebalancer cet écueil est une qualité des ambiances de tous les instants. Et Vetter semble réussir dans son entreprise. Certes, le message peut sembler redondant, et alors la perte d’attention sera manifeste, néanmoins on tient à s’accrocher jusqu’à la délivrance finale, comme pour s’incarner corps et âme dans une musique puissamment évocatrice.
Réussite flagrante ? Oui et non. Car si le Norvégien plante ses flèches venimeuses droit dans notre cœur, son rythme lancinant et peut-être un léger manque d’hébétude totale l’empêchent de monter sur le piédestal. Le reproche est maigre, et on déguste bien suffisamment pour valider l’approche.