En lisant récemment sur le site la chronique de l’excellent Flukt d’Angst Skvadron, il y était écrit que cet album aurait probablement ressemblé à ce que Darkthrone aurait pu produire s’ils avaient continué à faire du black metal. C’est exactement ce que l’on pourrait dire de Counting Hours et Katatonia. The Will est sans doute ce qui aurait pu suivre Brave Murder Day dans la discographie de Katatonia, sorte de chainon manquant entre le doom/black classieux des débuts et le doom/rock gothique de l’après. Mais peut-être que Counting Hours y arrive mieux que Katatonia ne l’aurait fait ?
Il est vrai que Katatonia est clivant. Les adeptes des débuts, dont je fais partie, n’ont que peu d’égards pour les dernières sorties (en ce qui me concerne tout ce qui se passe après
Viva Emptiness, même si j’avoue que certains titres postérieurs puissent me plaire). Alors que les fans plus récents n’ont d’oreilles que pour les derniers brûlots plus dark rock et gothiques, fuyant un peu les débuts harsh du groupe. Et forcément, certains peuvent aimer les deux périodes, même s’ils ne sont probablement pas légion. À qui s’adresse donc
The Will ? Soyons clairs, probablement aux premiers qui n’ont pas accepté le style plus édulcoré de la suite. Mais pas exclusivement, car finalement,
The Will est bien plus qu’un trait d’union.
Bien sûr, on reconnaitra surtout les riffs si caractéristiques de la période
Brave Murder Day comme au début de "Profound", dans "Atonement", "To Exit All False" et au final un peu partout émaillé, notamment dans l’excellent "Buried in the White". La comparaison est née de cette analogie sonore et rythmique, après tout. Mais là où Counting Hours se distingue, c’est par l’alternance voix claire et growls sur la très grande majorité des titres. Si la voix claire peut ressembler à celle de Jonas Renkse, le growl est en revanche assez différent, notamment sur "Our Triumph", titre beaucoup plus doom (lire : au tempo plus lent) avec un growl plus profond et grave. Peut-être est-ce l’influence de Tomi Ullgrén et Jarno Salomaa, tous deux guitaristes de
Shape Of Despair, même si Counting Hours n’est pas sur un tempo aussi lent et lourd.
Reste à parler du sommet de l’album, "Saviour", et son riff répété à dresser les poils les plus revêches, son passage clair dépouillé et mélancolique, puis son growl sur une montée finale à se faire la coupe de Desireless. C’est par ce titre que l’on peut entrer dans l’univers de Counting Hours, et espérer pour l’avenir, car c’est leur premier album, souvenons-nous en. À noter que "Saviour" est apparue initialement sur leur démo de 2016 et a été légèrement remaniée (il est un peu mieux sur la démo selon mes goûts). Mais
The Will compte aussi d’autres tubes potentiels, "Atonement", "Buried in the White" ou encore "Our Triumph". Un petit coup de mou avec "Blank Sunrise", mais c’est anecdotique tellement cet opus est dense et s’améliorera au fil du temps.
L’ensemble est "attendu", en ce sens qu’il reste classique pour un initié des débuts de Katatonia, mais il recèle des riffs ravageurs et des mélodies accrocheuses qui n’ont absolument rien à envier à celles de leurs ainés. Le son est plus moderne, bien entendu, et en poussant la fiction un peu plus loin, si Katatonia avait accouché de The Will, comment aurais-je réagi ? Avec peu de recul encore, certes, j’aurais probablement encensé cette sortie, car à la fin, The Will est plus dense en qualité que Brave Murder Day qui s’appuyait surtout sur son début tonitruant, plus cohérent aussi, même s’il n’a pas ce petit son suranné de l’ancien temps.