CHRONIQUE PAR ...
TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Jossin Gossard
(chant+guitare)
-Joshua M. Smith
(guitare)
-Casey Ward
(claviers)
-Sarah Weiner
(basse)
-Sam "Little Sunshine" Foster
(batterie)
TRACKLIST
1) Cut their Grain and Place Fire Therein
2) Dead as Dreams
3) This Entire Fucking Battlefield
4) No One Can Be Called as a Man While He'll Die
5) Desasters in the Sun
DISCOGRAPHIE
Parfois, en tant que chroniqueurs, nous nous retrouvons face à des dilemmes : quel intérêt d'écrire du texte sur un disque de toute manière introuvable ? Oui, j'écris bien disque car l'objet dont il est question séance tenante date d'une époque où le mp3 signifiait piratage et Napster, le streaming n'existait pas et donc la vente de support physique représentait cent pour cent des ventes légales. Nous avons été jeunes durant ce temps, et désormais nous contemplons la modernité du dématérialisé comme le faisaient des cds nos parents : un truc de jeunes. Ok, c’est bien ça le vieux, mais quid de la réponse à ta question ?
Minute papillon (pas l'écrivain bagnard) oisif foutraque et spoliateur. Tu ne connais donc pas l’art de la patience ? Va de ce pas l’apprendre, car mettre vingt-et-un ans avant de tomber sur ce genre de trésor caché, ça a le mérite de mettre des choses en perspective. L’âge et l’expérience aidants, on estime, parfois à raison, n’avoir plus grand chose sous le pied pour se surprendre. Pourtant, et régulièrement, la réalité du quotidien se rappelle à notre présomption. Te souviens-tu avoir détesté le thé du Sichuan à un prix bien trop indécent ? Maintenant te voilà à en boire des litres (en espérant que ta sombre prostate daigne te laisser la nuit complète). Et bien Weakling c’est pareil. « Ça non, au grand jamais un groupe inconnu ne sortirait d’entre les songes m’agresser de sa volupté culte. Si c’était culte, je le connaîtrais sûrement » te dirais-tu, si certain de ton fait, de ton dû. Dans le cul Lulu. Excusez la trivialité mais Weakling est de cette trempe. C’est culte, c’est un fait. C’est inconnu (pour l’Européen que je suis tout du moins) et ça n’a sorti qu’un seul et unique album.
Désormais sanctifié par un groupe restreint. Cependant la destinée agit, fatalement. Et voici qu’un jour de 2020 elle met en ligne une critique de cet album, placée dans la section « souvenir », si souvent attachée à l’adjectif « culte », puis ensuite au participe passé « oublié ». L’intrigue est immédiatement énorme. Les boyaux en vibration extrême. Pourtant, un détail cloche : américain. Oui, je sais, tu ne l’aimes pas ce qualificatif d’américain dans le black metal, à raison. Mais ça tique quand même puisque s’adjoint quasi dans la même phrase la ritournelle « deuxième vague norvégienne ». Rassuré te voilà. Et il faut dire que d’américain, guère tu n’entends en ce début. Et pour ainsi dire, très peu au final. Malgré tout, çà et là pointent ces touches de death si typiques de l’outre-Atlantique. Mais si subtilement black que tu ne leur en veux pas. Il y a même un passage heavy voire rock totalement impromptu sur la chanson-titre si bien foutu que ça glisse parfaitement.
Puis le chant, plaintif, geignard, aigu, il complète à merveille le tableau. Petit à petit la caractéristique principale de l’album se fait jour : le temps. Car il est long. Bien trop. Il n’aurait pas dû s’étendre sur soixante-quinze minutes et cinq titres seulement. Entre dix et vingt minutes, vous ne vous plaindrez pas ? Car non, vous n’oserez pas tant cette affaire de longueur est nécessaire. Les compositions sont riches justement parce qu’elles prennent leur temps. Les riffs ne sont pas un ramassis de notes, les changements de tempo ne sont pas légion, seulement, au sein de ce magma visqueux qu’est chaque chanson, la pluralité des impacts et des atmosphères s’assène à coup de longueur lancinante. Donc non, toi l’impatient tu détesteras. Et toi l’amateur de direct tu esquiveras. Dead as Dreams impose sa temporalité et son propre sens du rythme. En un sens, il est le testament d’un monde ancien désormais enfoui sous des couches sédimentaires de tous nos saccages convulsifs d’une génération en accélération perpétuelle.
Dead as Dreams mérite-t-il donc sa chronique maintenant qu’il est enfoui dans les limbes de l’indisponibilité ? Pour répondre à la question initiale, oui. Sans hésiter, car malgré tout le crachat que génèrent les solutions nouvelles, la facilité de tomber dessus sur Youtube (pour le nommer) - et donc pour l’amateur de musique inquiétante de l’écouter - est trop grande pour ne pas l’inciter à plonger. Un petit pan d’inconnu, une excitation ancienne, voici ce que crée en nous Dead as Dreams. Et rien que pour ça, il vaut bien que l’on se décarcasse pour écouter du black metal sans concession.