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CHRONIQUE PAR ...

115
Djentleman
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note : 15/20

LINE UP

-Yurii "Zhoth" Chepuriaiev
(chant)

-Hyozt
(guitares+claviers+programmation)

-Helg
(guitare)

-Oleksandr "Khorus" Bogatykov
(basse)

-Grigoriy "Odalv" Sevruk
(batterie)

TRACKLIST

1) 51°23'20"N,30°6'38"E
2) 61°45'17"N,59°27'46"E

DISCOGRAPHIE

26 (2018)

KZOHH - 26
(2018) - black metal post-apocalyptique - Label : Ashen Dominion



Merde, mais ça se prononce comment ce bordel ? « Kazedo-hache-hache » ? « Kazedo-deuzache » ? « Kzau » ? Ne vous prenez pas la tête avec ça, faites avec les moyens du bord et votre ressenti, parce que je préfère vous prévenir tout de suite, ça ne veut rien dire.

Bon, je suis un peu vache quand même. Car il est faux de dire que KZOHH ne signifie rien. En pratique, ce sont les initiales des pseudos des cinq membres fondateurs du groupe que voici : Khorus le bassiste, de son vrai nom Oleksandr Bogatykov, officiant également dans Khors ; Zhoth, le vocaliste de son vrai surnom Ermunaz (mais tout de suite KEOHH, ça le fait beaucoup moins), crieur dans Reusmarkt ; Odalv, le batteur, de son vrai patronyme Grigoriy Sevruk, participant hyperactif aux formations GreyAblaze, Ulvegr (et non Ulver) ou encore Ygg; Helg, le guitariste, prénommé Oleg, également partie intégrante des groupes affiliés au batteur ci-dessus; et enfin Hyozt, naguère exclusivement préposé aux claviers et aux samples, mais qui a ajouté la guitare à sa panoplie depuis 2016, et qui a aussi son rôle chez Reusmarkt. Bref, des gars du terroir, qui ont un minimum d’expérience. Mais quel terroir au fait ? Celui de Kharkov en Ukraine, terre désormais réputée (musicalement dirons-nous) pour son black metal. En l’occurrence ici, KZOHH appartient à la race de ces groupes qui se définissent un propre style : en anglais ça donne « Pestilential Black Metal Ritual », en français, on peut l’interpréter comme du black metal rituel pestilentiel. Sauf que ça reste tout de même très flou. Allons voir ça de plus près par le biais des trente-neuf minutes étalées sur les deux titres proposés sur 26.
Le premier, "51°23'20"N, 30°6'38"E", se lit de la façon suivante : « Cinquante et un degrés, vingt-trois minutes, vingt secondes Nord, trente degrés, six minutes, trente-huit secondes Est ». C’est simple, rapide, et efficace. Et vous aurez assez vite saisi que cela renvoie à des coordonnées géographiques. Un petit tour sur Google plus tard, on se rend compte qu’on se situe au niveau du réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl, celle qui a entrainé la plus grande catastrophe nucléaire mondiale et induit le désastre écologique sans précédent que tout le monde connait. Un certain 26 avril 1986. Les vingt-deux minutes qui composent ce premier titre nous plonge donc au cœur de la débâcle. Une ouverture au piano, une montée sonore et rythmique en crescendo, une mélodie entêtante aussi mélancolique que lumineuse, aussi brumeuse que radieuse, des samples d’oiseaux, un appel radio d’un homme en détresse, des éléments industriels à la fois froids et percutants, un compteur Geiger affolé, des notes répétitives qui se traînent, se font désolantes, une voix parlée plaintive à souhait, épouvantée et agonisante, une double pédale finale qui accélère sournoisement un rythme cardiaque sans qu’on le perçoive immédiatement, puis tous les composants qui se mélangent, avant de se taire subitement et de laisser l’auditeur secoué.
Le second, "61°45'17"N, 59°27'46"E" se retranscrit comme suit : « Soixante et un degrés, quarante-cinq minutes, dix-sept secondes Nord, cinquante-neuf degrés, vingt-sept minutes, quarante-six secondes Est ». Et si on rentre ces nouvelles coordonnées, celles-ci nous amènent au nord de l’Oural, sur le versant Est du mont Kholat Syakhl, renommé depuis « Col Dyatlov » du nom du chef de groupe de neuf randonneurs qui périt dans des circonstances encore à ce jour difficilement expliquées/explicables. Leur campement déserté fut ainsi retrouvé le 26 février 1959. Vous aurez donc facilement fait le rapprochement avec le nom de l’album, le 26 étant également le jour d’avril 2018 qui vit la sortie de ce quatrième opus (après les trois premiers entre 2014 et 2016). Les dix-sept minutes qui romancent ce deuxième acte ne sont pas du même acabit que le premier. Car après le prélude planant, jaillissent des blasts beats, certes impuissants, mais omniprésents, assistés par une voix criée typiquement black. Et même si les accords de guitare n’ont pas disparu depuis le début, on sent une atmosphère résolument distincte du premier épisode. Plus cru, plus brutal, mois enrobée, moins mirifique, cela vient pourtant contraster avec la gravité des deux événements. Là ou un Kauan avait choisi quelque chose d’atmosphérique au possible, par l’intermédiaire de Sorni Nai, KZOHH choisit une ambiance angoissante, dramatique et enténébrée. Mais malgré cet aspect plus black metal, les Ukrainiens ne renoncent pas aux samples de respiration énergique et saccadée, de chant diphonique mongol, de battement cardiaque d’une personne en hypothermie avancée, ou d’un vent glacial et cruel. Vous pouvez désormais revenir à la réalité.


KZOHH est définitivement un groupe taillé pour le live. Il n’y a qu’à voir leurs prestations scéniques pour s’en rendre compte. Et avec cet album on ne peut plus cinématographique, la bande de Kharkov ajoute une nouvelle pierre à son édifice musical déjà riche en représentation esthétique et conceptuelle. 26 est à écouter en une fois, dans l’ordre que vous voulez, mais dans l’obscurité. Et chapeau à celui qui après avoir fermé les yeux, aura su rester éveillé.





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