CHRONIQUE PAR ...
Droom
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-Christ G.
(chant)
-Jeremy L.
(guitare+synthé)
-Michele M.
(basse)
-John D.
(batterie)
TRACKLIST
1) Singularity
2) Exile
3) Distension
4) S = k ln Ω
DISCOGRAPHIE
Passer des ténèbres aux ténèbres. Des cavernes humides aux infinis étoilés. - Ce chemin est celui emprunté par Mesmur. Le premier essai de la formation américaine laissait apparaître des qualités certaines, mais encore trop affiliées au Père-Dieu Evoken. L'enjeu de S était conforter Mesmur dans une place lui étant plus personnelle, d'éloigner sa musique, dite « funéraire », d'un chemin par trop emprunté, pour lui laisser tracer son propre sillon. C'est chose faîte, et le sillon en question est pour le moins céleste.
Inutile d'en rappeler les contours : la musique de Mesmur est un funeral doom relativement âpre qui semble, a priori, des plus classiques. En s'éloignant de sa grotte natale pour rejoindre les confins de quelque univers inconnu, Mesmur se déleste toutefois d'un héritage trop visible. Dès "Singularity" se confirme un changement de ton vers plus d'aération, davantage de grandeur et de perspective. Les claviers sont renforcés, plus présents, au service d'un jeu de guitare toujours aussi lent et austère, parfois un peu ennuyeux. Car "Singularity", à l'image du reste du disque, est principalement un travail d'ambiance. Ce n'est pas la musique pour elle-même que l'on écoute : c'est l'ambiance imposée, sa couleur, qui captive. Les nappes sonores semblent indiquer de longs et lents mouvements, en partance d'un inconnu vers un autre. Et l'on se laisse ainsi bercer, sans trop à dire, dans une capsule de temps éloignée de nos pensées quotidiennes. Mesmur parvient à évoquer, à rendre réel une sensation intangible. Son funeral doom se pare de (méta)physique pure et cela lui réussit la plupart du temps.
Cette musique, qui est une exploration, retourne à la source. Quelques effets - que d'aucuns qualifieraient à tort de psychédéliques - donnent le change et font s'envoler le propos vers de hautes sphères. Ainsi, S ne révolutionne pas le genre très formaté dans lequel il opère, mais permet à Mesmur de trouver une place plus nette au sein de la fange, empêtré au sol. Les passages aériens tissés par un guitare lead flottent de-çi-de-là et sont un fil d'Ariane, un repère pour ne pas se perdre au sein de mouvements parfois absurdes. Et l'ensemble, mélange de lourdeur et d'évocations céleste, fonctionne. Le plus souvent. Les deux premières pistes sont aériennes, coupées de subtilités mélodiques (le final de "Singularity" notamment, océanique et beau - l'entrée sur "Exilé", d'une douce mélancolie). Plus rares sont quelques abattement death low tempo, qui confèrent de la force au propos. Ce n'est qu'avec "Distension", bien nommée, qu'est relâchée la tension, en raison de riffs peut-être moins prenants, moins aptes à supporter l'ambiance instaurée... La piste finale n'est quand à elle qu'une réminiscence digne d'Esoteric, une plage entièrement ambiante et abstraite, quasi-bruitiste, une clôture qui, pour bien réalisée qu'elle soit, n'en demeure pas moins anecdotique.
Mesmur semble avoir trouvé un équilibre convaincant. Loin de se détacher des fondamentaux du genre, le groupe parvient à forger une version de sa propre réalité. L'envol vers davantage de légèreté et d'espace lui permet de d'imposer une ambiance générale agréable, loin d'être bêtement « triste », ou simplement austère. S est un disque contemplatif, qui ne convaincra pas les réfractaires à la lenteur, mais qui saura satisfaire les amateurs d'ambiance laissant le champ libre à l'imaginaire. Une réussite.