Nouma-nouma-noumayé. Ça y est, vous l’avez désormais en tête, et cet air va vous hanter pendant un bon moment. Vous l’avez reconnu entre mille, on parlait bien du groupe O-Zone et de son amour pour les avions au sol. Mais quand on vous demandait de quelle origine venait le trio, vous répondiez majoritairement, et à défaut, de Roumanie. La vérité se devait d’éclater. Ils étaient moldaves.
Et il est temps pour vous de découvrir une autre entité musicale que ce médiocre groupe de pop/eurodance qui a dévoilé, de manière assez péjorative et tronquée, la Moldavie aux yeux du monde entier. C’était en 2004, le temps d’un été, ironiquement le dernier avant la fin de leur carrière commune. Mettons-nous donc en route pour les contrées orientales de l’Europe. Située entre la Roumanie et l’Ukraine, la République de Moldavie existe officiellement sous cette appellation depuis son indépendance, il y a à peine plus d’un quart de siècle. Raison pour laquelle elle n’a guère plus d’une trentaine de groupes à son actif recensés sur internet, dont les plus réputés se comptent sur les doigts d’une main. On compte notamment le groupe de death/thrash Accident, considéré comme le plus ancien, puisqu’antérieur à l’apparition de la république souveraine, Basarabian Hills, récent projet solo de black ambiant, Abnormyndeffect, formation de death brutal à tendance polyrythmique, et enfin, la fromation un peu à la mode ces derniers temps, car hyperactif au niveau des tournées européennes, `savoir le groupe de neo metal à chanteuse Infected Rain.
En ce qui concerne Harmasar, puisqu’après tout, c’est lui qui nous intéresse aujourd’hui, les légendes racontent qu’il serait apparu aux yeux de tous pour la première fois, en septembre 2015 sous l’impulsion divine de Mircea Grosu, son batteur. Mais, il convient de poser le contexte d’une région historiquement turbulente, pour comprendre un peu le fond de la musique jouée par le quintet. Tiraillée entre une Roumanie proche culturellement et la Grande Russie d’autre part, les Moldaves découvrent lors de leur indépendance qu’ils ont une identité propre, malgré le fait que les trois-quarts de la population parlent le roumain. Harmasar, qui signifie « étalon » dans la langue d’origine d’Ionesco et Cioran, veut justement exhorter à se souvenir et conserver cette appartenance culturelle et ces valeurs traditionnelles à travers leurs arts. Oui, « arts » au pluriel, car leur message se transmet aussi bien par le port de la tenue ancestrale et pendant leur live, que dans leur artwork (made by Octavian Curosu), fruit d’une synthèse de légende culturelle, de symboliques maternelle et guerrière, et d’allégorie d’un rapport passé/futur, mais que le groupe veut libre de toute interprétation.
Bien évidemment, le but principal de Harmasar n’est pas de concurrencer le peintre Nicolae Grigorescu sur son terrain, mais de diffuser sa pensée par le biais de sa musique. Et là, ça devient encore plus passionnant, car si tout le monde aura capté la ressemblance primaire avec les leaders du genre comme Korpiklaani, Eluveitie, Arkona ou même les voisins roumains de Bukovina, très peu d’entre vous peuvent se targuer d’écouter et de posséder des notions en ce qui concerne les mélodies folkloriques roumaines et moldaves, me trompé-je ? L’album s’ouvre sur le titre éponyme "Din Pamant", que l’on peut traduire par « De la poussière », au sens des origines et racines. Et cela part doucement, avec une musique purement traditionnelle, avant d’ajouter des éléments metal à partir de la mélodique et entraînante "Daoi", accompagnée de son magnifique naï, instrument de la famille des flûtes de pan. Même recette pour les deux suivantes "Tapae" et "Natiunea", avec un peu moins de consistance malgré l’apport du violon au début de cette dernière.
Si l’on excepte la très ludique "Ciuleandra" et sa rythmique crescendo à vous faire gigoter un tétraplégique, les trois dernières chansons sont indéniablement plus orientées metal, au niveau de l’atmosphère générale. "Porcu", "Moesia" et "Vaslui 1475" sont en effet beaucoup plus portées vers le death, voire le black pour "Porcu", que les autres titres, même si Pavel Ungureanu se fait toujours mélodieusement entendre. En ce qui concerne "Moesia", on est même surpris d’entendre, en plus de l’accordéon, des passages et des rythmiques hardcore, se fondant parfaitement au paysage. Et si Maxim Miller fait usage de multiples voix, voguant allègrement entre chant hardcore, chant death et chant black, c’est afin de nous faire bourlinguer dans des batailles ("Daoi", "Tapae", "Moesia" et "Vaslui 1475" sur la bataille de Vaslui) ou nous inciter à croire en nos idées dans "Natiunea" et à ne pas se laisser manipuler par qui que ça soit, forces politiques ou autres entités comme "Porcu" nous le laisse sous-entendre grâce à une métaphore porcine du meilleur goût.
Mélangez Sirba, Hostropat, Hora, et Doina à du metal, et vous obtiendrez un aperçu du très bon folk qu’Harmasar arrive à nous concocter. Si vous en avez marre des rengaines sempiternelles des Korpiklaani et Eluveitie, mais que vous cherchez toujours un côté folklorique pour vos soirées à thèmes, ces trente-six minutes plus que plaisantes vous sons tout à fait dédiées. Nu ma, nu ma, nu ma iei. . .