Vipassi était, selon la légende, le premier des sept bouddhas proches de nous. Il vivait à une époque où les êtres humains connaissaient une durée de vie de plusieurs milliers d'années. Il était le perspicace, celui qui possède la vue claire et vécut lui-même de très nombreux milliers d'années. Il connaissait disciples et donateurs, se contentait d'herbe et de riz. Aujourd'hui réincarné en formation musicale, instrumentale, il gravite dans le giron de Ne Obliviscaris pour en compter trois membres. Vipassi, aujourd'hui, de nous éclairer, le temps de quelques minutes de sagesse et de death metal technique. Contemplation.
C'est sur "Gaïa" que tout commence. Que la basse fretless fût réinventé, au cœur d'un univers en constante révolution ; cette basse qui englobe tout, mise en avant dans l'univers musical de Vipassi, tel le firmament. Les « Cynic » (plic-sub) sauront apprécier, tant le « Focus » (ploc-til) est mis sur ledit instrument, doux, rond et incroyablement technique, tout au long de ces minutes. Ses notes comme autant de points de repère, dans cette musique au sein de laquelle les remous sont incessants et dans laquelle il est facile de se perdre de "Jove" en "Sum". - Les accroches, nuageuses, sont rares. La mélodie intervient, salvatrice au sein de la cascade de notes, mais jamais sur des durées excessives. L'illumination aveugle. "Gaïa" éclate de quelques phrasés mélodiques ; "Elpsis" dévoile un côté sombre ; "Paradise" est un îlot flottant tandis que "Samsara", qui est le cycle infini et l'éternel recommencement des choses, réintroduit la mélodie du monde dans son équation. Du reste, cette fameuse mélodie-main-tendue n'est jamais absente, jamais. Seulement, ce sont là des vies longues de milliers d'années qui défilent frénétiquement devant nos âmes. Les informations passent, se ressentent brièvement, mais ne peuvent pas être mémorisées. Autant de vies, autant de temps : la prison de ce tourbillon sans cesse renouvelé.
La forme musicale adoptée par Vipassi doit être courte pour compenser sa haute technicité. Les sons sont cristallins, les joueurs sont habiles. La batterie, métronome de l'univers, est une roue de feu, tandis que les guitares, pulsations, sont cousues d'illuminations successives. L'ensemble obliquant radicalement vers une musique progressive, lumineuse souvent, death malgré tout. - Cette avalanche continue de savoir et de savoir-faire est éreintante, parfois trop. Il faut passer par mille cycles, par mille écoutes répétées pour en saisir les contours. Pour entrevoir le début d'une compréhension, et avec elle, commencer à prétendre aux émotions. Car le premier contact ne peut être que stérile ou impressionné. Les éclaircies dans ce firmament bleu-rouge qu'est Sunyata sont rares, belles mais rares. - Chacun des messages ici délivrés aurait très probablement gagné à connaître quelques aérations supplémentaires, quelques repos, quelques plages méditatives. L'opacité de la démarche sera, en effet, le principal obstacle lors de l'écoute du discours. Peut-être est-ce un phénomène qui sera évité par qui connaît déjà le travail de Ne Oblivicaris, pas si éloigné ? Peut-être est-ce une réaction qui ne concernera pas l'avide sachant de death metal technique ? Je ne le sais. Je suis encore en train d'apprendre. Avec un plaisir, me semble t-il, toujours grandissant, néanmoins.
Ainsi donc, Vipassi s'impose, sous des atours spirituels et profonds, comme une musique rapide, vive, tourbillonnante et dont les temps de repos sont pratiquement écartés au profit d'une frénésie de tous les instants. La violence n'est pourtant pas le maître-mot de ce court album, qui serait bien plutôt : « technicité ». Il faudra accorder le temps et les efforts nécessaires à Vipassi pour lui permettre de plaire, ce sans quoi il restera bien probablement une œuvre aride et inaccessible. Ce serait regrettable. Et c'est là sa principale faiblesse.