CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Sparda
(chant+guitare+basse+claviers+plein de choses)
TRACKLIST
1) L'horreur des lunes pleines
2) Cadavre abandonné
3) Martyre d'un tanneur
4) A l'orée du mal, le pacte interdit
5) Il était un monstre assoiffé de coeur
6) Sous le visage avenant de la mort
DISCOGRAPHIE
Si un jour on me laisse rédiger le sujet de musique pour le bac XM (extreme metal), il se pourrait bien que je demande aux élèves de plancher sur le sujet suivant : « Les principaux écueils du black-metal théâtral ». Vous avez deux heures. Et copiez pas sur le voisin, bande de petits falses !
Le bon élève rendra une copie dans laquelle il conviendra que faire en sorte que le black metal se transforme en bande-son pour film d’horreur grotesquo-baroque ou en illustration musicale d’une pièce de théâtre jouée par une compagnie de morts-vivants lycanthropes n’est pas chose aisée. Premier écueil : en faire trop peu. Quelques voix-off et deux trois gémissements à la Scooby-Doo sur une musique à la Marduk, ben non, c’est pas suffisant. Deuxième écueil : en faire trop. Demandez à Cradle of Filth ou Carach Angren. Ambienter (joli verbe), c’est bien, oublier de jouer, ça l’est moins. L’excellent élève pourra illustrer son propos en donnant quelques exemples, et il pourrait fort bien citer le premier album de Créatures, projet de Sparda – un fantôme masqué, hantant, la nuit, les terres angevines – comme œuvre ayant réussi à maintenir un bien bel équilibre entre prestation théâtrale et production de titres dignes de ce nom. La sinistre histoire lycanthropesque et moyenâgeuse qui nous y est contée musicalement est bien retranscrite au gré d’un black metal varié, où alternent passages relativement agressifs ("Cadavre abandonné"), moments volontairement grandguignolesques, coupures ambient et même compositions à la Therion ancienne époque ("Sous le visage avenant de la mort" et ses surprenants accents death old-school).
Point de vue voix, Sparda se fait aider d’une tripotée d’acteurs secondaires, incarnant les différents personnages du récit, ce qui accentue la sensation de versatilité de l’ensemble. Pour une vieille épave de mon genre, le clou du spectacle est atteint sur "Il était un monstre assoiffé de cœur", où le chant est assuré par Daniel Balavoine en personne, revenu du pays des morts pour l’occasion ! Là, franchement, chapeau, il fallait penser à incorporer l’une des voix marquantes de la variété française des 80s à l’édifice. Ce Noir Village séduit donc par sa variété et un aspect poussiéreux, amusant et inquiétant qui rend l’ensemble cohérent. Il ne s’agit toutefois pas d’une œuvre parfaite : ce premier effort longue durée de Sparda connaît des longueurs. L’initial "L’horreur des lunes pleines" est un peu timoré en comparaison avec la suite, tandis que la seconde partie de "Martyre d’un tanneur" et "A l’orée du mal..." s’avèrent être des moments où le spectateur/auditeur pourrait regarder sa montre. "Il était un monstre…" perd aussi un peu en intensité sur la fin, mais quelque part, on s’en moque un peu, l’album est suffisamment réussi pour que tout amateur de mélodies foutraques blackisantes tente sa chance.
Le Noir Village est une œuvre enthousiaste et imparfaite, mais foncièrement originale. Sparda et ses acolytes ne s’admirent pas dans la glace, ils jouent pour de bon, et arrivent à rendre convaincant ce conte musical. Et puis franchement, rien que pour entendre Balavoine délaisser un instant "Mon fils, ma bataille" pour venir s’époumoner sur ce genre de musique, le voyage vaut le détour.