- Bonjour Madame ! Alors je vais vous prendre une boite de DAFALGAN, une boite d’EFFERALGAN, une boite de DOLIPRANE, une boite de PERDOPHEN, de PERDOLAN, de CLARADOL, ainsi que du SPEDIFEN et du NUROFEN. Oh et puis mettez moi du RELPAX aussi tant qu’à faire.
- Euh . . . vous savez que vous pouvez mourir assez rapidement avec tous ces comprimés ?
- C’est justement pour éviter ça que je vais les prendre.
- Mais qu’allez-vous donc faire ?
- Chroniquer un album de Interrupting Cow.
- Ah. . . dans ce cas vous pouvez doubler les doses prescrites.
Et encore, estimez-vous heureux, vous n’avez pas eu à subir les chroniques des précédentes œuvres, c’est-à-dire trois EPs sortis en une année entre 2012 et 2013. Oui, de la folie! Mais si c’est finalement cet album qui a été choisi, après trois ans d’attente, c’est parce qu’il peut faire office de MCD de toute la discographie de Interrupting Cow. Dix-sept chansons, on est d’accord que c’est beaucoup, mais c’est quatre de moins que la version Deluxe (vous y avez également échappé belle). Bref, ce Prime Creators est une séance de rattrapage concernant la carrière de cet américain d’origine italienne. Ah bah oui, vous ne pensiez tout de même pas qu’ils s’y étaient mis à plusieurs pour créer un groupe aussi bordélique. Vince Villani, appelé couramment Vinny Mac est à l’origine de cette abominable créature qui a vu le jour en 2009 dans la ville de Bethlehem (coïncidence?) en Pennsylvanie. Si ce dernier est derrière tous les instruments, ou presque, il a quand même fait appel à ses amis vocalistes Tommy V., et Tyler Sack pour l’épauler, et a aussi mobilisé ponctuellement ceux de Nexilva, The Aurora’s Demise et Delusions Of Grandeur pour compléter la gamme de tessiture de cette œuvre.
Mais alors, à quoi peut bien ressembler la musique de ce groupe si particulier, notamment pendant (tenez-vous bien) les cinquante-deux minutes de Prime Creators ? Et bien pour les plus expérimentés en la matière, cette soupe mélange des éléments mélodiques et symphoniques d’un Born Of Osiris, couplés à la technicité robotique d’un Rings Of Saturn, le tout mêlé à la folle intensité d’un Infant Annihilator ou encore à la sur-violence d’un Disfiguring The Goddess (tiens, un autre projet solo). Oui, c’est tout. Et à vrai dire, on peut même être plus précis que ça. Interrupting Cow pourrait en fait être un superband, composé du claviériste de Born Of Osiris, du guitariste de Rings Of Saturn, du batteur d’Infant Annihilator, le tout lié à la production massive d’un Disfiguring The Goddess. Les premiers sons de l’opus ne trompent pas. Ce sont bien des balles que vous entendez dans l’ouverture "That’s How We Do, Son" et elles vont vous poursuivre durant presque une heure. Et ça, en grande partie grâce à la double pédale omniprésente, la batterie jouant plus généralement un rôle prépondérant dans la marque de fabrique d’Interrupting Cow. Car ce sont des titres pour la majorité très brutaux qui vont envahir votre espace sonore.
Il faut vraiment avoir le cœur et le cerveau bien accrochés car vous vacillerez non-stop entre des breakdowns d’une violence folle, à la limite d’une scène de fusillade irakienne ("Prime Creators", "Abiognesis", "Quid Pro Quo", "The World Engine", "Italian Jesus Football II", "Roswell"), des descentes de manches et du tapping à la ROS ("Zebra Carnival", "Prime Creators", "Abiogenesis"), tout ça sous la houlette de bassdrops très lourds et d’une ambiance apocalyptique digne d’un Aversions Crown, ou d’un The Ritual Aura. Mais paradoxalement, Interrupting Cow sait aussi faire dans la dentelle, avec des chansons beaucoup plus catchy, groovy et progressives, voire djent, comme "The Gelato From Colorado" ou l’instrumentale "Solar Nexus". On a même le droit à un petit passage jazzy/funk sorti de nulle part à la fin de "Anonymous". Si vous êtes allergiques à Born Of Osiris, fuyez immédiatement, car une énorme majorité des chansons en sont imbibées allant parfois frôler les lois du copyright. Jusqu’à la dernière chanson qui est tout simplement une reprise des Palatinois, en beaucoup plus brutale, vous l’aurez compris. Enfin, quelques mots à propos des paroles : ne vous attendez pas à grand-chose de majestueux de la part de quelqu’un qui remplit la case « Influences » sur son profil Facebook, avec ces trois mots : « God, Aliens, Weed ». Un bon résumé du groupe finalement.
Car oui, il faut aborder Interrupting Cow comme ce qu’il est, un groupe de délire. Tout est dans l’excès, parfois à la limite de l’autodérision. Tout est poussé à son maximum, pour voir jusque où l’on peut aller dans la violence sonore. Et malgré cette multitude de ressemblances avec d’autres groupes (le plus souvent très volontaires), Interrupting Cow a réussi à se forger sa propre identité. On aime ou on déteste, c’est clair et net qu’il n’y aura pas d’entre deux avec cette formation.