Je précise que cette chronique sera aussi rapide et violente que l’album qu’elle entend décortiquer pour vous. Hierophant, groupe de death/black/grind italien qui met des grosses sèches valant carton rouge direct à tout le monde depuis 2009 (notamment avec le très sale Peste sorti il y a deux ans), est de retour aux affaires avec un Mass Grave qu’on n’imaginait pas vraiment prendre un virage indie folk. Et comme on est des génies, on ne s’était évidemment pas gourés : cette nouvelle mouture de Hierophant est, une nouvelle fois, l’équivalent musical de se faire déféquer dans les conduits auditifs par une armée de cadavres pourrissants. Analyse, quelque part entre scatologie, compos jouissives et ultraviolence.
Comprenons d’abord bien ceci : entre nous, il est clair que Hierophant se fout de tout : de vous, de moi, de la planète, du monde entier. C’est le genre de combo qui, au funeste soir de l’élection de Donald Trump (ouuuuuh, trop politique!), poste un truc comme « L’extinction est ce que l’humanité mérite. Bienvenue au cimetière Trump » sur les réseaux sociaux. C’est le genre de groupe qui pond des albums de moins de trente minutes et qui en plus triche sur la durée. Par exemple, sur l’énorme ''Eternal Void'', qui clôt cet album en forme de double-coup de pied sauté dans le plexus et dont je vous recauserai plus bas, ces vieux galopins ont collé sept minutes de larsen absolument dégueulasse en queue de morceau, pour faire croire au chroniqueur coprophage que ladite piste dure dix minutes alors qu’elle en dure trois. Des génies en somme. Et le reste du temps, c’est pareil : Hierophant ne s’embarrasse pas de fioritures. Mass Grave c’est quoi finalement, si ce n’est une machine à mettre des gros sacs dans les parties intimes de tout ce qui passe à sa portée? Sur une base black/death/grind, mâtinée d’un gros doom sludge pourrissant et caverneux sur la moitié des morceaux (''Mass Grave'', ''In Decay'', ''Sentenced To Death''), les italiens bombardent l’auditeur d’un tir continu de riffs aussi vils que gras, portés par une batterie qui pilonne à qui mieux mieux et sans aucune forme de subtilité, et par un chant parfait pour le genre : guttural mais écorché, cadavérique mais sacrément puissant, bref, dégueulasse comme il se doit. Sans aucun respect pour l’étiquetage si cher au chroniqueur un brin maniaque, et avec une attitude bien punk, ces petits cochons élevés au grain d’Emilie-Romagne convoquent les genres précités pour les faire copuler en une grosse masse grouillante, avant de les cuire dans une marmite remplie d’organes décomposés.
Dès ''Execution Of Mankind'', on comprend que traverser cet opus ne sera pas une partie de plaisir pour les fans de prog ciselé ou de « heavenly voices »: quarante secondes de pure violence qui, à peine achevées, sont suivies d’une nouvelle minute de pure violence, conclue par un break dévastateur (''Forever Crucified''). Ça se calme un peu sur ''Mass Grave'', qui convoque plutôt Hooded Menace qu’Autopsy, mais l’ensemble reste salement lourd, gras et bas-du-front, tout en réussissant l’exploit de demeurer accrocheur (une excellente fin de morceau notamment). Dès ''Crematorium'' le cassage de bouches reprend avec un riff aliénant et ultra-bourrin, violence que vient à peine calmer un ''In Decay'' certes plus lent, mais infiniment lourd et surtout doté d’un gros riff mid-tempo des plus efficaces. A n’en pas douter le genre de morceaux qui risque de fracasser quelques nuques en live, et qui me rappelle une sorte de Black Breath en largement plus bourrin et primal. ''Sentenced To Death'' n’est pas en reste, déployant à son tour des monuments de violence doom/swedeath mal lavé et atteignant une efficacité maximale par des riffs simples mais mémorables, car bien troussés et bénéficiant d’un placement de voix et de section rythmique parfaits en tous points. C’est d’ailleurs une des grandes forces de Hierophant : ce combo n’invente rien du tout, mais il est largement au-dessus du lot en termes d’interprétation des codes du genre. ''The Great Hoax'' et ''Trauma'' viennent ensuite mettre deux nouvelles claques abrutissantes à l’auditeur déjà bien abasourdi par ce qu’il vient de se manger dans la poire, avant que ''Eternal Void'' ne vienne clôturer l’album en mettant tout le monde d’accord : trois et quelques minutes de vieux death pourrissant portées par un riff de tueur, une voix au placement et à la diction idéale, et une section rythmique qui, encore une fois, à tout compris. Presque un tube ce morceau. Si si, je vous jure.
Le seul truc qui demeure sûr une fois le casque reposé et la tension artérielle redescendue, c’est que les excellentes personnes de Season Of Mist n’ont pas signé ces braves transalpins sans raison. Réussissant une synthèse des genres parmi les plus crasseux de notre belle cosmogonie musicale, les italiens posaient déjà leurs pieds couverts de viscères sur la gorge de l’auditeur depuis 2009, et appuyaient dessus sans coup férir. Avec ce Mass Grave ils viennent en plus de nous dire « mets tes dents sur le trottoir », et j’admets que l’on s’exécute bien volontiers. Un des sérieux candidats au titre d’album de l’année 2016 dans la catégorie « OK-Là-C’est-Vraiment-Gras ».