CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-Jayn H. Wissenberg
(tout)
TRACKLIST
1) Spirit Waker
2) Hollow Veil
3) Moths
4) Wars
5) The Dawn Brings a Saviour
6) Buried Pt. I
7) Buried Pt. II
8) Foregone
9) Lament
DISCOGRAPHIE
- Là ! Elle est là ! Vite ! Elle s’enfuit !
- Maudite sorcière ! Tu ne nous échapperas pas ! Ah, ces ronces, bordel !
- Ça y est ! Je la tiens ! Ah la diablesse ! Elle se débat ! Fille du grand cornu ! Il est temps que l’on voie ton visage ! Enlève-lui le masque !
- Mais… Ce n’est pas possible ! C’est…
- Beth Gibbons… C’est Beth Gibbons !
Ne vous fiez pas totalement à cette intro bidon, qui illustre quand même un peu l’expression « prendre ses désirs pour des réalités ». L’étiquette « Portishead doom rock » est un horrible artifice de marketing pour attirer le chaland. Certains titres, et pas forcément les pires, ne rappellent pas le groupe de la fantastique Beth, "Wars" et son rythme martial à la Bauhaus en tête. Le superbe "Lament"final ne fait pas non plus partie exactement du répertoire de Beth – quoique… On y sentirait plus un mélange de 4AD et de doom atmo. Oui, le doom atmosphérique, et gothique bien entendu. Tel est le maître mot de ce Realms éthéré et sylvestre, œuvre d’une Fille de la Nature, où le doom mêle sa mélancolie aux meilleures saveurs du rock indie et choisit sa demeure dans une contrée à mi-chemin entre Amber Asylum et The 3rd and the Mortal (ou Myrkur, le corpsepaint en moins). C’est bien de doom-rock atmo qu’il faut parler, plus que de Portishead, hein. Les fantasmes d’un vieux con tombé amoureux de la scène de Bristol il y a déjà longtemps nous égarent.
Mais quand même. Comment ne pas sursauter à l’entame de "Hollow Veil" dont le titre résume assez bien le côté vaporeux de l’œuvre ? Comment ne pas y voir une déformation temporelle (plus que spatiale) et l’incursion du chef-d’œuvre qu’est Portishead dans des territoires plus sombres encore ? Difficile de ne pas entendre non plus Beth sur "Buried, Pt. II". Ce qui est très facile en revanche, c’est de penser que les morceaux « à la doomy Portishead » sont les meilleurs, et c’est faux. Beth et ses amis se promenaient en permanence sur le fil du rasoir. Un pas de trop et on passait de l’extase à la torpeur. Et si "Hollow Veil" et "Foregone" se trouvent du bon côté de la barrière, "Buried, Pt. II" fait somnoler, comme l’ensemble du tronçon central de l’album, terminé par ce morceau et commencé par un "The Dawn Brings a Saviour" trop mou pour succéder à l’hypnotisant "Wars". Ce coup de pompe central est d’ailleurs la seule faille d’un album qui aurait pu, sinon, se hisser parmi les monuments du doom ambient, tant par la tenue, l’atmosphére et la sobriété des morceaux – aucun signe de minauderie de la part de Jayn – que par son originalité. Dommage, ça sera pour la prochaine fois, j’en suis sûr.
Realms séduit par son mélange de douceur nocive et de ferveur doom/indé. S’il s’agit d’un vrai atout, la ressemblance entre la voix de Jayn et celle de Beth n’est en aucun cas l’unique argument en faveur de l’achat de cette œuvre remarquable. On oubliera que le syndrome trop classique du « trou du milieu » a encore frappé et on se concentrera sur la beauté du début et de la fin de l’œuvre de Darkher. Un album marquant, vraiment.