CHRONIQUE PAR ...
Tabris
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
18/20
LINE UP
-Takaakira "Taka" Goto
(guitare)
-Hideki "Yoda" Suematsu
(guitare)
-Tamaki Kunishi
(guitare+piano+basse)
-Yasunori Takada
(synthétiseur+batterie)
-Tous
(glockenspiel)
TRACKLIST
1) Where Am I
2) Com(?)
3) Sabbath
4) Mopish Morning, Halation Wiper
5) A Speeding Car
6) Loco Tracks
7) Halo
8) Giant Me on the Other Side
DISCOGRAPHIE
Mono -
One Step More and You Die
Il est aisé, lorsque l'on se prête à l'écoute de Mono, de se laisser aller à la contemplation d'un paysage hivernal d'une blancheur immaculée. C'est là sans aucun doute, un réflexe occidental à l'approche d'une telle musique. L'image d'une neige intacte, d'un paysage cotonneux, doux au regard, où règne une quiétude parfaite et où le seul crissement de nos pas nous procure une jubilation extrême d'enfant innocent, tout ceci correspond fort bien à notre conception de la pureté. Et la musique de Mono inspire ce mot : « pureté ». Mais en vérité, elle n'est pas figée comme ce paysage de glace. Elle n'est pas froide au toucher. Non point uniforme et lisse. Lorsqu'elle s'élève, elle sublime bel et bien les pensées que nous jetons sur elle, toutes les pensées, et nous invite à plonger plus profondément que ce dont nous nous sentions capables avant de nous lancer dans son écoute. C'est pourquoi, mon propre imaginaire ne m'a pas conduite à voir un paysage blanc, mais un océan de possibilités sur lequel je cours à perdre haleine. La musique de Mono, est parfaite, en ce qu'elle est humaine et emplie de vie. Elle est une invitation à aller plus loin. A trouver le point de jonction.
One Step More and You Die. Le noir. Le blanc. Un court instant. Je ressens la présence de mon âme. Qui me réconforte. Qui est essence même. Je m'appuie tout contre elle. Ce contact. L'existence. L'âme qui se mêle à moi. Mais je suis tendue. Je crois savoir ce qui m'attend. Mais en ai-je en vérité pleinement conscience ? Excitée à l'idée d'une jouissance auditive à venir, oui, je le suis, à l'instant où j'ouvre l'écrin qui renferme la musicalité gracieuse. Mais que sais-je de ce qui va suivre réellement en ces quelques poignées de minutes brillantes ? Dans une atmosphère feutrée, la musique s'élève enfin. Doucement. Lentement. Belle. Pure. Ma vision se trouble rapidement, mon esprit est déjà gorgé de ces sonorités dont je suis si vite tombée amoureuse. Je ne distingue déjà plus que des ombres informes devant moi. Pourtant, dans ma progression vers la torpeur, une présence reste toujours encore nette dans cette masse devenue inconséquente. Une étrange conscience. Une partie de moi-même qui s'est détachée et a pris forme. Ma main se tend vers elle. En vain. Désespérée de la raccrocher à moi et de partager avec elle le sublime qui se déroule dans nos conduits auditifs, je voudrais la saisir, mais n'y parvient pas. Peut être que je ne veux pas vraiment ? Parce que ça n'a aucun sens. L'âme est déjà en moi. Que faire d'une autre ? Je laisse ma main errer cependant comme un vague « possible » qui ne sera jamais saisi, je le sais. Priant pourtant intérieurement avec force.
Autour de moi se développent les sonorités, courant au-delà de ma pensée. Je sens alors tout mon corps s'engourdir et tomber dans une transe extatique. Je quitte progressivement un entre deux mondes. Les notes sublimes pleuvent sur moi. En moi. Mais je n'en suis encore qu'à la montée en puissance. Lente, presque douloureuse, comme un désir farouche qui ne demande qu'à s'extérioriser. Et puis vient alors la frappe. Elle me parcourt, résonne sous ma cage thoracique avec force. Je sais. Je sens. Que va venir l'instant où je vais perdre pied. Proche. Si proche... Viens. Oh viens à moi. Je t'en prie. Libère moi. Je sens mes jambes fléchir, mon âme me retient tout contre elle, me protège d'une chute. Mais alors survient l'explosion phénoménale et ma barrière mentale rompt, le flot de la folie dégueulant à travers tout mes synapses, ruinant tout sur son passage, l'envie de hurler une joie ultime et un chagrin féroce, les deux concepts si intimement mêlés en cet instant fantastique, sur fond de distorsions sublimes. L'image même de ce qui se déroule dans mon cerveau dératé, une distorsion qui me vrille les sens implacablement. Ma joie me tient dans ses bras. Ma peine ne voit pas même le torrent de larmes qui laboure soudain les traits de mon visage devenu fou de douleur et de fascination pour ce qui percute mes tympans, pour ce qui fait écho en moi même. Mono. Ma joie, sait. Ma peine est elle, ignore, aveugle. Et moi, je suis à la jonction et je ressens « l'évidence ».
Étrange et subtil équilibre. La musique de Mono, ne dit ni le bien, ni le mal. Elle invite à contempler seulement la vie. Telle qu'elle est. Je ne pouvais rêver nappes plus justes, je ne pouvais espérer plus puissant vecteur, à cette heure, en compagnie de ces deux concepts qui me sont si chers : la beauté et la douleur. Mon esprit porté dans le même temps aux deux extrêmes, teinté de ce noir et blanc oriental, sans une once de gris pour le nuancer, sans une seule touche de fadeur.