Hermetic Evolution. A priori ça hume bon le truc avec des intelligences artificielles et tutti quanti. Un peu à la Minority Report, The Island et tout ça. Dans le mille. La Pologne nous a plutôt habitués à fournir des groupes de black, de folk, de pagan ou encore de death technique. Mais là, c’est une innovation assez incongrue qui vient nous titiller les oreilles.
Anciennement connu sous le nom de Hermetic Insanity, bien que n’ayant produit aucune œuvre sous ce nom, Hermetic Evolution a commencé par un EP, intitulé en version originale, Kajdany Istnienia, que l’on pourrait transcrire maladroitement par « Existences Entravées ». En 2012 déjà, le groupe savait vers quoi il se dirigeait, tant dans le fond que dans la forme qu’allait prendre sa musique. Hormis la production qui s’est grandement améliorée (difficile de faire pire d’un autre côté), ils ont gardé la même voie, le même cap : celui de la cybernétique et du transhumanisme. Un an après, les idées ont mûri, et ont été clairement mises à plat, sur papier et sur disque. Une petite digression s’impose quant au message que veut véhiculer le groupe.
La terme « cybernétique » est inventé par le mathématicien Norbert Wiener en 1948, et désignera par la suite « la science des analogies maîtrisées entre organismes et machines ». Considérée comme transdisciplinaire, elle mêle entre autres mathématiques, ingénierie, logique, physiologie, anthropologie et psychologie. Quant au transhumanisme, c’est un mouvement intellectuel et culturel créé en 1957, visant à améliorer la condition humaine (physique et mentale) grâce à l’usage des sciences et techniques. Vous l’aurez donc compris, la technologie et la science sont au cœur de la réflexion du groupe des Basses-Carpates. Et pour illustrer tout cela, ils mettent sur pied un style à la croisée des chemins entre le néo metal, le djent et l’industriel, voire le cyber. Du cyber néo-djent en somme.
Quoi, comment ça encore un nouveau genre ? Oui et non, puisque Hermetic Evolution n’invente strictement rien, mais il est sûrement l’un des premiers – si ce n’est LE premier – à mélanger ces styles, pas vraiment en rapport direct les uns avec les autres. Si vous voulez un exemple concret, c’est comme si Meshuggah, Sybreed et KoRn avaient fusionné. Meshuggah pour le côté assez groovy, imprévisible et pêchu de certaines parties. KoRn en raison de l’omniprésence du bassiste. Et enfin Sybreed pour le côté futuro-moderniste et l’ambiance instaurée par le groupe. Bien que celle-ci soit grandement composée de nappes électro, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec le groupe suisse et une des têtes de gondole du genre.
Quant au chant, celui-ci n’a pas vraiment d’égal, même si Jendyk alterne refrains en voix claire ("Proxyma", "Geneza"), chant aussi bien crié que grogné, mais tout cela avec une énergie débordante ("Transgresja", "Geneza", "Dystopia") et dans sa langue natale s’il vous plaît. Cela change du russe ou de l’anglais et apporte un certain charme à leur musique. Néanmoins, si vous trouvez les paroles et que vous vous risquez à vouloir les suivre en temps réel, il va falloir vous accrocher sérieusement, le type de chant étant parfois à la limite du débit de celui d’un rappeur, parfois à la façon néo-metal. "Wrota Edenu" se fait remarquer par ses airs de balade dans un esprit assez folklorique et apaisant.
L’autre particularité qui pourrait presque faire de ce H 2.0 : Deux Ex Machina, un concept-album, c’est la présence d’un quatuor de chansons en plein milieu, basé sur un même principe mis en avant : celui du transhumanisme, abrégé sous le symbole H+ en général. Mais ici le « + » a été remplacé par un « 2.0 » signe de la volonté du groupe de porter l'accent sur le concept énoncé précédemment, le jugeant nécessaire à un certain développement de la vie humaine. Si vous connaissez Aldous Huxley, vous ne pourrez vous empêcher de faire le rapprochement avec les écrits de l’auteur anglais, notamment Le Meilleur Des Mondes.
Hermetic Evolution fait donc partie de la catégorie racée des groupes arrivant à promulguer un message musical facilement, sans même que leur langue soit accessible au public. A l’instar du groupe Kauan, ils ont sûrement volontairement choisi une langue que peu de gens maîtrisent pour que le public se concentre uniquement sur leur musique. Et celle-ci est suffisamment représentative des idées du groupe pour que vous n’achetiez pas le Guide de conversation polonais.