Il y a deux ans, l’annonce de la reformation des Anglais de Sikth avait fait l’objet d’une bombe. Imaginez ! Ce groupe atypique qui avait poussé toute une scène de metal technique à se construire revenait après sa disparition en 2008, faisait des concerts et prévoyait même de sortir un album. Joie, effervescence, mais aussi attente insupportable étreignaient les fans. Le groupe allait-il garder sa hargne ? Les vocaux allaient-ils toujours être au top ? Les riffs aussi ? Mystère ! D’autant que le groupe ne proposait qu’un E.P., intitulé Opacities, de six titres.
Et quelle poutre ! En moins d'une demi-heure, le groupe enchaîne ses titres sans aucun soucis et avec une maîtrise de la composition tout simplement bluffante. Car Sikth, à l'image de groupes comme For The Imperium, Destrage ou dans une certaine mesure Protest The Hero, c'est une musique de l'urgence et de la folie. Dès le premier titre, "Behind The Doors", le groupe déboule avec des riffs en pagaille qui s'enchaînent sans à-coups et noient l'auditeur dans la dinguerie malsaine des Anglais. Et pourtant, à ces riffs dissonants et ces coups de butoirs propices au headbangues, se mêlent des moments bien plus aériens où tous les aspects mélodiques des Anglais ressortent. Ces passages s'avèrent d'une redoutables efficacité à l'image du refrain imparable de "Philistine Philosophies" ou de son énormissime passage mélodique au deux-tiers du morceau. Et pour achever l'auditeur, les voix de Mikee Goodman et Justin Hill sont tout autant schizophrènes. Clairement, on en prend plein la gueule entre les vocaux hardcore, les beuglements, les moments mélodiques et les échanges épileptiques entre les deux, rien ne nous permet de véritable nous reposer.
Rien ? Pas tout à fait. Si les trois premiers titres mêlent habilement du metal prog, du mathcore et un peu de djent, les trois morceaux suivants baissent quelque peu l'allure pour épargner nos pauvres oreilles. Pourtant la folie reste présente avec un interlude, "Tokyo Lights", essentiellement parlé, où le côté cinématographique nous prend au trip («»). "Walking Shadows" ne me fera pas mentir non plus. Ici, les rythmiques à la Meshuggah sont présentes dès le départ, assommant l'auditeur avec la production en béton armée dont bénéficie le groupe. Mais l'intérêt du morceau réside bien plus dans sa deuxième partie où les Anglais enchaînent hurlements, passage au vocoder à la Cynic, spoken words dynamiques, de nouveau des hurlements frénétiques, pour nous achever sur une dernière partie tout en mélodie. Ouf, le besoin de respiration après une telle intensité d'idées se fait sentir. Heureusement, "Days are Dreamed" permettra de se reposer tranquillement, le groupe proposant ici un morceau bien plus basé sur les orchestrations, les voix claires et la basse hypnotisante de James Leach. Une fin bien choisie après une galette courte, mais copieuse.
En un peu plus de vingt sept minutes, les Anglais prouvent avec Opacities qu'ils connaissent bien leur affaire et proposent un album d'une solidité et d'une densité remarquables. Pas une fois l'ennui ne pointe le bout de son nez et il faudra de nombreuses écoutes pour arriver à saisir toutes les subtilités de ces différents morceaux. Après un aussi bon hors d’œuvre, il ne nous reste plus qu'à attendre le plat principal et à découvrir cette dinguerie en concert !