Wyldfyre, c’est l’histoire d’un certain Lutz Vegas, frontman des V8 Wankers, qui décide de tenter un projet solo. Si V8 Wankers est un pur produit de hard rock post-Motörhead suffisamment teinté de punk pour être plus aimable et péchu que la moyenne, Wyldfyre est un bond de 50 ans en arrière en pleine bouillabaisse rockabilly : contrebasse, favoris, tenues de garagistes, guitare claquante… La totale.
Vu la radicalité de la démarche, autant être direct : si vous n’avez jamais pu saquer ce genre de rock’n’roll, que vous y avez toujours trouvé un côté étriqué, répétitif, désuet, que vous ne vous êtes jamais étonné qu’il n’ait pas vraiment duré dans le temps étant donné sa recette pour le moins limitée et le poids des artistes d’en face, comme, entre autres, Little Richard (d'ailleurs repris ici avec "Rip It Up"), Buddy Holly ou Jerry Lee Lewis, qui proposaient une musique beaucoup plus créative, passez votre chemin. Bien. Maintenant, à nous. Wyldfyre, c’est le coup classique des musiciens qui n'ont honte de rien et qui se font plaisir en recréant, le temps d'un album, le son, l'atmosphère et l'attitude qu'ils considèrent comme fondateurs de tout ce en quoi ils croient, musicalement du moins. Que Lemmy et Slim Jim et Danny B. des Stray Cats y soient passés (que pour des reprises, cela dit) et que des genres métissés comme le psychobilly perdurent encore aujourd'hui font qu'on ne peut décemment pas s'étonner que des rockers Allemands s'y soient mis aussi et, le plus objectivement du monde, aient réussi leur coup.
Alors on pourrait très bien écrire des heures durant sur ce passéisme extrême et ce qu'il implique ou sur l'intérêt, en 2008, de produire une copie carbone d'un style dépassé, mais ce n'est ni l'endroit, ni le moment. Can You Say Kool ?, donc. Si vous savez à quoi ça ressemble, le rockabilly, vous savez à quoi ressemble l'album de bout en bout et dans les grandes lignes : quelque chose de mort d'une sale mort après une séance de pelotage derrière la station service de Earl McGruder, après une vaine tentative de limiter l'hémorragie crânienne avec un blouson de baseball, dont on a volé les bottes, le peigne et la ceinture avant de l'enterrer derrière la grange au son du dernier tube de Carl Perkins et qui réapparaît régulièrement, des années après l'incident, aux jeunes amoureux trempés, turgescents et terrifiés. Bref, une musique de fantômes, la bande-son d'accidents de voitures, de pompistes voyeurs, de parents conservateurs qui froncent des sourcils devant tant de dépravation et de l'affrontement final contre le capitaine de l'équipe de foot du lycée qui fait claquer sa serviette sur le cul des autres à la sortie de la douche. Alléchant, n'est-ce pas ?
Alors il y a bien quelques exceptions comme "This One Is For You, Baby", une des nombreuses pistes bonus (6 sur 18, quand même), aussi punk qu'épique, "Rockin' Horse" et ses airs de « The Clash rencontre Ennio Morricone » ou encore "No Class", reprise du tube de Motörhead, et une sympathique version acoustique (piano et guitare) de "Rocker" d'AC/DC pour nous rappeler que Dwight Eisenhower est mort et que les Afro-américains ont le droit de vote (et à bien y réfléchir, le riff principal du morceau-titre peut éventuellement évoquer les White Stripes, en moins charnu). L'exécution, quant à elle, est impeccable et, forcément, c'est un peu là que le revers de la médaille se, heu… hem, retourne, car si le style est parfaitement imité, il ne faut pas s'attendre à une quelconque once de personnalité. La voix de Lutz Vegas, chevrotante et pincée qui, aussi bizarre que ça puisse paraître, n'est pas sans rappeler celle de John Paul Jones telle qu'on peut l'entendre sur ses albums solos, équilibre cependant un peu la balance à ce niveau.
Nous sommes donc en présence d'un exercice de style dont le leader des V8 Wankers et sa bande ont dû tirer un bonheur compréhensible et, pour peu qu'on soit amateur du genre, communicatif. Très peu de personnalité, aucune originalité, mais il n'y a de toute façon aucune prétention à ce niveau de la part des Allemands. Si le rockabilly vous met en transe, Can You Say Kool ? s'impose. Mais sachez que ça ne vaut pas The Headcat.