Quand on a 25 ans, qu’on a une poignée d’albums derrière soi, et que l’on entend prouver au monde que l’on dispose d’un certain talent de singer-songwriter, on s’attend au grand coup de poing sur la table, des compositions pleines d’ampleur, des morceaux aux gueules d’hymnes, le tout servi par une production maximaliste, si pas excessive, tout cela pour prouver que l’on existe, plein de vie et prêt à prendre la place de tous ces vieux croulants qui n’ont plus la magie de leurs premiers disques. Mais chez Ben Kweller, ça ne se passe pas exactement comme ça.
Certes, le Texan n’a rien du nouveau venu, puisqu’il y a dix ans déjà, il sillonnait les routes de son coin pour jouer du punk rock avec sa bande de potes. Mais de là à faire un album aussi dénué de prétentions… car il n’y a là, finalement, qu’une collection de chansons douces-amères, et si les thèmes traités sont universels, ils sont évoqués sans emphase, de manière très épurée, chantés d’une voix évoquant un Neil Young qui ne serait pas prêt à se briser à tout moment. Simplicité est donc le mot-clé ici, peut-être un peu trop… et pour ne rien arranger, Gil Norton à la production joue la carte du lo-fi, du garanti sans lyrisme. Étrange de la part de celui qui avait su faire sonner les Pixies comme un groupe furieux et arty à la fois (réecoutez donc Trompe Le Monde).
Une fois accommodé à ce choix assez curieux, il faut reconnaître que Ben Kweller a le talent pour broder des semi-chansons qui ne vont pas chercher bien loin, mais dont les mélodies sonnent agréables à l’oreille et restent empreintes dans votre esprit, sans pour autant vous harceler. S’il sait composer avec une dominante rock comme le prouvent la tendre comptine "Run" ou le très accrocheur "Magic", c’est l’exercice de la ballade qui lui réussit le mieux. Ben lui-même considère la poignante "Thirteen", retour sur sa vie et ses conséquences, comme la grande réussite de cet album. On lui préférera le touchant "Until I Die", dont le caractère tranquille et faussement maladroit sied mieux à l’atmosphère générale de cet essai éponyme. Le ton nostalgique et porteur d’espoir de cette belle réussite aurait d’ailleurs fait un bien meilleur final que l’incongru "This Is War", qui tombe comme un cheveu gras sur une soupe à l’oignon, à peu de choses près.
On tient donc finalement un album agréable, pantouflard à certains endroits, qui aurait été plus appréciable encore si l’ami Ben avait eu un peu plus de bouteille… là, il était peut-être un peu trop tôt pour tenter l’exercice de style dit du « disque tranquille ». La prochaine fois, il va falloir muscler tout ça !