CHRONIQUE PAR ...
Blackmore
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Dominique Lenore Persi
(chant+accordéon)
-Rani Sharone
(basse+guitare)
-Ben Rico
(claviers)
-Gil Sharone
(batterie)
TRACKLIST
1)Spill !
2)Awful Fall
3)Filistata
4)A Year Of Judges
5)So Close
6)Tablescrap
7)Swint Or Slude
8)Mind Your Eyes
9)Lifeless
10)Tall Tales
11)Push Button
12)Gathering Fingers
13)The Button Has Been Pushed
DISCOGRAPHIE
Le monde va mal. Vous en doutez ? Allez donc faire un tour sur Youtube puis tapez Tokio Hotel. Convaincu ? Reprenons. Le monde est au bord du chaos. Et que font les gens quand ils sentent venir la fin ? Ils courent dans tous les sens et font n’importe quoi. Certains décident de mettre en place des skyblogs quand les plus geeks n’hésitent pas à passer leur vie sur WoW. Restent les cas les plus désespérés qui, dans leur grande détresse, montent des groupes musicaux avec la ferme intention de mélanger Mike Patton, Danny Elfman, Jack Skellington et Yvette Horner. Stolen Babies est de ceux-là.
Les plus courageux d’entre vous qui ont passé l’introduction auront la bonne surprise d’apprendre que le n’importe quoi, ça a du bon parfois. Notamment dans le cas de There Be Squabbles Ahead, premier album de Stolen Babies, et grosse révélation de la scène…hum…des gens qui jouent de la musique. Car le groupe est totalement inclassable et saute de l’avant-garde à la pop, du prog au metal gothique, du rock alternatif au punk ou bien encore de l’indus au folklore. Bref, c’est une musique définitivement et irrémédiablement barrée dont il s’agit ici.
Voila des termes qui s’appliquent généralement assez bien pour des formations telles que Mr Bungle ou Sleepytime Gorilla Museum. Rien d’étonnant alors de constater que Dan Rathbun (bassiste de SGM) produit le disque. Les Stolen Babies étant fans des travaux du musicien et de ses amis depuis Idiot Flesh. L’occasion d’apprécier certaines parties qui auraient largement eu leur place sur Of Natural History (le break instru de "Mind Your Eyes").Toujours dans le cadre des influences, celle de Mike Patton, largement cité par Dominique Persi qui n’hésite pas une seconde à sauter du registre clair à l’agressif avec une déconcertante facilité (quand elle n’est pas occupée sur son accordéon de l’enfer).
A ce stade, il serait bien légitime de penser que Stolen Babies est un groupe totalement imbuvable. Notamment parce que There Be Squabbles Ahead ressort chez Ascendance Records après un petit tour sur The End Records en 2006, deux labels plutôt bien fournis dans le barré. Mais point question ici de concept thématique tortueux, de dissonance ou autre partie musicale malade et glauque. Non, Stolen Babies garde avant tout une approche enjouée et immédiatement jouissive. Des structures concises, directes et sautillantes mais complexes à la manière de titres aussi imparables que "A Year Of Judges" ou "Tablescrap". Morceaux qui ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les penchants pop de certains groupes prog (des Cardiacs à A.C.T) voire d’une formation aussi fondatrice que Faith No More.
Et la formule du groupe est bien souvent d’une redoutable efficacité. Prenons "Filistata" qui ne propose rien de moins que de la contrebasse, de l’accordéon, de la trompette, des changements rythmiques intempestifs et des grosses grattes, le tout baigné dans des mélodies pop immédiatement mémorisables. Tout simplement irrésistible. Et que dire du single "Push Button" ? un titre parfaitement remarquable dans sa construction, pop dans son aspect le plus noble et doté d’un clip Burtonien de toute beauté. On ne passera d’ailleurs pas sous silence l’influence prépondérante de la paire Burton/Elfman sur la bande à Dominique. L’imagerie du groupe (Crab Scrambly derrière les pinceaux) est en effet largement inspirée par Tim Burton. Quand à Danny Elfman, son spectre hante l’intégralité du disque, que ce soit dans ses œuvres solos (notamment ses B.O du début des 90’s) ou au sein de Oingo Boingo.
There Be Squabbles Ahead distille donc avec un enthousiasme communicatif sa douce joie macabre tout au long des 49 min de l’album. On note bien quelques bémols comme des influences parfois trop présentes (ajoutons à la liste le No Smoking Orchestra, The Gathering, Rob Zombie,Rammstein etc..) et des titres indus un peu en retrait ("So Close", "Tall Tales"). Mais pour un coup d'essai, c'est un coup de maître. Iconoclaste mais brillant, Stolen Babies a parfaitement intégré un élément clé qui semble souvent échapper à l'avant-gardisme actuel : l’innovation ne doit pas passer avant l’écriture des morceaux (jouissifs si possible). On attend la suite de pied ferme.