CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
13/20
LINE UP
-Sabastian Vergara
(chant+guitare)
-Pablo Alvarez
(chant+guitare)
-Felipe Castro
(basse)
-Marcelo Ruiz
(batterie)
TRACKLIST
1)Crippled Tracker
2)The Inborn Mechanics
3)Neutralized
4)Merged Into
5)Fractures
6)Hostile Silent Raptures
7)Streams
8)Isolated Through Multiplicity
9)Individual Choice
10)Glimpses
11)Constriction
12)Motion
13)Wavelength
DISCOGRAPHIE
Depuis Frantic Bleep je n'avais jamais entendu une musique si cérébrale, si complexe et pensée. Fruit du mariage contre-nature entre Meshuggah, Dream Theater et je ne sais quoi encore, Coprofago s'appuie sur une technique hors-normes ainsi que des compos alambiquées et bourrées de breaks pour véhiculer son message. Cela suffit-il à faire un bon album? Et bien...
Une chose est sûre, Coprofago mérite sa place au panthéon des groupes ultratechniques. Les genres qu'ils mélangent étant le métal extrême, le prog et le jazz c'est pour le moins logique! Marcelo Ruiz est le plus monstrueux de la bande: son art de la mesure asymétrique rappelle Mike Portnoy (Dream Theater) et ses attaques de double-pédale rivalisent sans problème avec un Gene Hoglan (Strapping Young Lad). Les guitaristes alignent riffs dissonants et rythmiquement injouables tandis que la basse dessine des arabesques sans fin. Pour parachever cette œuvre, Coprofago a choisi un chant growl permanent qui a pour avantage d'être pertinent quel que soit le fond musical. Sabastian Vergara hurle comme un porc et varie relativement peu son registre, mais la haine qu'il dégage est plus que satisfaisante. Le son général est assez polymorphe: les rythmiques death sont très méchantes mais le son lead de guitare est très shred et clair (pensez Queensrÿche, Liquid Tension Experiment). La basse bénéficie d'un son chaud et rond assez jouissif, et batterie comme chant sont extrêmement bien rendus.
Cela fait deux fois que je cite Dream Theater et ce n'est pas un hasard. Autant les parties extrêmes sont très éloignées du prog-metal tel que les Américains le pratiquent, autant les passages calmes... Ahem. Bien que personne ne soit crédité du poste de claviériste les cavalcades clavier-guitare présentes ça et là rappellent énormément Petrucci et Ruddess quand il s'amusent ensemble. Un mauvais point pour Coprofago, qui pêche de la même manière dans ses passages jazzy et ambiancés: le jazz est une grosse influence de la bande à Portnoy et les effets de miroir sont malheureusement trop nombreux au fil d'Unorthodox Creative Criteria. Quelques moments échappent tout de même à cette emprise, comme quand le groupe s'amuse à balancer du groove atmosphérique que l'on pourrait retrouver chez certains groupes de néo, mais je me suis suffisamment dit « tiens, on dirait du Dream Theater ou du LTE » pour que je vous en fasse part.
Par contre il y a un domaine dans lequel Coprofago ne rigole pas: la violence pure. L'album s'ouvre sur une déferlante de haine assez merveilleuse, à la fois complètement déstructurée et terriblement efficace. Pour ce que je connais de Meshuggah cela y ressemble pas mal, avec un petit côté sludge très sympatoche: on dirait que chaque musicien fait du bruit dans son coin à la première écoute mais une fois qu'on y prête attention on se rend compte de la cohérence est bluffante et que le tout est carré au-delà de toute expression. Avec de telles brutes aux instruments c'est quand même normal. Dès que le groupe insuffle un minimum de dynamique à un plan - comprenez: le tient plus de quinze secondes - on se prend à vraiment apprécier leur sens de la violence pensée et cérébrale. Il est rare qu'une formation parvienne à proposer une musique à la fois très réfléchie et très brutale et Coprofago ne passe pas loin du jackpot.
Le problème de Coprofago est simple: où sont les chansons? La plupart des compos de cet album font entre trois et cinq minutes et il semble que le groupe ne maîtrise pas ce format. Longue compo dans laquelle les plans pourront suffisamment revenir pour créer une cohérence? Compo courte à la dynamique suffisamment soignée pour que l'auditeur ne touche pas terre de la première à la dernière seconde? Coprofago ne tranche jamais vraiment entre ces deux approches et c'est là le gros souci de cet album. Les compos courtes s'apparentent à du collage de plans, et il est parfois difficile de se rendre compte qu'on a effectivement changé de plage! Gênant... Les compos longues de la fin de l'album présentent un autre souci: le groupe dispose de plus d'espace pour développer ses plans... Et ne le fait pas! Ils continuent d'enchaîner les bonnes idées les unes aux autres sans que le lien soit forcément évident. La cohérence passe à la trappe.
Pour résumer on peut dire que cet album plaira énormément aux amateurs de musique torturée et ultratechnique et qui pensent en « plans d'anthologie ». Mais s'il vous faut un minimum de bonnes chansons sur un cd pour prendre votre pied, passez votre chemin. Unorthodox Creative Criteria recèle un sacré paquet de moments d'exception (les violoncelles du dernier titre...) mais échoue systématiquement à présenter à l'auditeur des compos solides et que l'on retient. À écouter avant d'acheter.