CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
6.5/20
LINE UP
-Olav Iversen
(chant)
-Olav Kristiseter
(guitare)
-Einride Torvik
(basse)
-Iver Sandoey
(batterie)
TRACKLIST
1)Pests In Pools Of Stagnant Water
2)Horrordementia
3)European Cowards
4)Republic Of Texas
Expulsion Of The Assailants:
5)Part 1: Implicit Approval Of Your Uninvited Guests
6)Part 2: Surgical Removal Of Your Evil Thoughts
7)Divine Justice
8)Evil Raping Evil
9)Miasma
10)You Smell Of Dust, Are You Alive?
DISCOGRAPHIE
Qu’on se comprenne bien, Monsieur le Juge : ça n’est nullement parce que cet album se nomme European Cowards que je requiers une telle peine. Non, que je sache, ils auraient aussi bien pu l’intituler France Suxx ou Lucificum Is Shit, ça n’aurait même pas écorné la massive et légendaire intégrité dont font preuve tous les procureurs de la Haute Cour des Éternels, votre serviteur le premier. Pour être franc, c’est juste parce que ce European Cowards est sacrément mauvais, comme je vais, Mesdames et Messieurs les jurés, m’appliquer à le démontrer dans le réquisitoire que voici.
Tout d’abord, un rappel des faits. Après un premier délit commis l’an dernier avec Circling Buzzards, Manngard récidive, revient sur les lieux du crime et nous sort European Cowards. Ce premier délit avait déjà été jugé avec clémence sur ces terres, la Cour ayant accordé à l’accusé une seconde chance. Et pourtant, malgré une mise en garde de mon (ex)confrère, le célèbre et très estimé Aliocha Klodovitch, le prévenu a récidivé et le voici à nouveau devant les tribunaux pour répondre d’accusations gravissimes : rien moins que crime majeur contre les oreilles, torture auditive et imagerie ridicule.
Car le délit jugé ce jour comporte des circonstances aggravantes : outre le titre délibérément provocateur de l’opus (qu’on passera sous silence avec un sourire contrit mais indulgent), le groupe trouve original de s’habiller comme durant la Guerre de Sécession – quoique n’étant pas expert en costume d’époque, sur ce point je peux me tromper. Tout cela reflète à quel point Manngard ne prend pas ses crimes au sérieux, et qu’on ne vienne pas défendre la thèse de la folie passagère ou de l’occultation du jugement : Manngard a à l’évidence pleinement conscience de ses actes abominables et hautement répréhensibles.
Mais tout cela ne serait finalement rien s’il n’était pas question de musique ; or, il est malheureusement bel est bien question de musique (dans son sens le plus large et le plus tolérant). European Cowards, comme son prédécesseur Circling Buzzards, s’acharne à mélanger les ingrédients, un peu de death, un peu de thrash, de punk, on secoue et on espère que ça soit digeste. Oh, certes, on a déjà jugé pire crime, et on sait même d’expérience que certains de ces mélanges s’avèrent savoureux. Mais ici, ça ne passe pas. Là où le groupe se met visiblement en quatre pour varier le propos, l’auditeur/victime, lui, n’entend qu’une bouillie indigeste dans laquelle il peine à trouver un repère auquel se raccrocher.
On passe successivement par du (mauvais) death metal, du (mauvais) punk, du (mauvais) black et un peu parfois de (mauvais) thrash. Et l’arme du crime, en plus d’être douloureuse, est sale : la production est à l’image de la musique, c'est-à-dire (vous m’ôtez les mots de la bouche) mauvaise. Le son de guitare est brouillon, la batterie trop métallique, la caisse claire trop Street Angerienne et le tout s’avère assez vite insupportable. Mais ce n’est pas fini, Mesdames et Messieurs les jurés, j’en viens à ce qui va me faire requérir la peine maximale pour ce crime : la voix. N’y allons pas par quatre chemins : Olav Iversen donne à lui seul envie de jeter ce CD au feu. Quel que soit le registre dans lequel il évolue, il horripile quand il ne désespère pas l’auditeur, le faisant hésiter entre le crevage délibéré de tympan ou le suicide pur et simple. Il n’y a guère que son growl le plus grave qui ne soit pas si atroce que ça.
Répétitif à souhait, European Cowards semble vouloir jouer la carte de la méthode de la persuasion par la répétition - ou comment harceler une demoiselle au téléphone pour qu’elle accepte un ciné avec vous. Résultat, malgré un effort dans la variation de style, on s’ennuie ferme en écoutant les riffs répétitifs de "European Cowards" ou "Evil Raping Evil", et ce n’est pas le longuet "You Smell Of Dust, Are You Alive ?" qui fera office d’allègement de peine. On retiendra de justesse "Expulsion Of The Assailants Part 2" qui sauve un peu les meubles et on oubliera le reste au plus vite. Vous avez vu Mesdames et Messieurs les jurés, qu’il est nécessaire de prononcer la peine maximale pour éviter qu’un troisième méfait ne voie le jour.
Pas grand-chose à sauver dans cette galette déséquilibrée (un titre de six minutes, un de neuf et le reste entre deux et quatre minutes), mal dégrossie, qui semble paradoxalement trop spontanée pour être réfléchie et trop calculée pour être accrocheuse et, malgré les différends styles abordés, terriblement ennuyeuse. European Cowards ? Ouais. J’avoue. Je suis trop lâche pour réécouter ce CD une fois de plus.